L'art de la guerre
Le partenaire
afghan de Monti
Manlio Dinucci
Mardi 6 novembre
2012
Le 4 novembre, le premier ministre Monti
a célébré la journée des forces armées
par une visite « surprise » en
Afghanistan. Aux militaires italiens de
Herat il a affirmé «vous n’êtes pas
l’expression d’une nation en guerre :
nous sommes ici pour assurer à ce pays
sécurité, stabilité et prospérité ». Il
a ensuite rencontré le président Karzai,
en l’assurant que l’Italie, comme les
autres pays, «va transformer son
soutien, ce qui ne signifie pas laisser
le pays seul ». C’est ce que garantit
l’Accord de partenariat signé à Rome le
26 janvier par Monti et Karzai. Pour la
réalisation d’ « infrastructures
stratégiques » dans la province de
Herat, l’Italie accorde au gouvernement
afghan un crédit de 150 millions d’euros
(alors que L’Aquila et d’autres zones
sinistrées n’ont pas d’argent pour
reconstruire). On prévoit aussi des
investissements italiens dans le secteur
minier afghan (alors qu’on ferme les
mines en Sardaigne) et dans le soutien
aux petites et moyennes entreprises
afghanes (alors que les italiennes font
faillite).
Outre les engagements prévus par
l’accord, il y a ceux que l’Italie
assume dans le cadre Otan.
Après avoir dépensé dans la
guerre en Afghanistan 650 milliards de
dollars, les Usa ont engagé les alliés à
contribuer à la formation des « forces
de sécurité afghanes »,
qui
a déjà coûté environ 60 milliards de
dollars, et au « fond pour la
reconstruction », qui a déjà coûté
environ 20 milliards. Où va ce fleuve
d’argent ?
En grande partie dans les poches
de la grande famille de Hamid Karzai, le
partenaire reçu au Quirinal (siège
de la présidence de la république
italienne, NdT), avec tous les
honneurs, par le président Napolitano.
Les affaires de famille, en partie déjà
connues, ont été dévoilées par une
enquête du
New York Times. Les frères du
président et d’autres proches, dont
beaucoup ont la citoyenneté étasunienne,
se sont enrichis avec les milliards de
l’Otan (sortis aussi de nos poches), les
affaires en sous-main avec des
compagnies étrangères, les appels
d’offre truqués, et le trafic de drogue.
Pour se les accaparer, une lutte à
couteaux tirés est déclenchée dans la
fratrie. Tandis que Qayum Karzaï se
prépare à prendre la place de son frère
Hamid comme président, un autre frère,
Ahmed Wali Karzai,
boss de l’Afghanistan méridional, a
été assassiné. Grâce à la corruption et
au trafic de drogue, il avait accumulé
des centaines de millions de dollars
transférés à Dubaï. Le président Karzai
a nommé à sa place un autre frère, Shah
Wali Karzai, manager de la société Afco,
propriété d’un autre membre de la
fratrie Karzai, Mahmoud, qui s’est
enrichi par la spéculation immobilière :
après avoir mis la main sur 40Km2
de terrains domaniaux, il est en train
de construire à Kandahar des milliers de
maisons pour les Afghans aisés. Mahmoud
est aussi un habile banquier : en 2010
il a réussi à soustraire 900 millions de
dollars à la plus grande banque du pays,
en les transférant sur un compte
personnel à Dubaï. Une fois au pouvoir,
Shah Wali a rompu avec son frère Mahmoud
(contre qui a été ourdi un complot pour
l’assassiner) : il a créé sa propre
société, à laquelle il a transféré en
sous-main 55 millions de dollars
provenant de la Banque pour le développement
immobilier.
C’est avec cette contrepartie que
le gouvernement Monti a stipulé l’Accord
de partenariat, approuvé le 6 septembre
par
la Chambre
à une écrasante majorité (396 contre 8)
et le 30 octobre par le Sénat, à
l’unanimité. Sur la base de la
déclaration solennelle que les deux
parties ont « des intérêts partagés et
des objectifs communs ».
Edition de mardi 6 novembre 2012 de
il manifesto
http://www.ilmanifesto.it/area-abbonati/in-edicola/manip2n1/20121106/manip2pg/14/manip2pz/331268/
Traduit de l’italien par Marie-Ange
Patrizio
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