L'art de la guerre
Iran, la bataille
des gazoducs
Manlio Dinucci
Mardi 6 mars
2012
Sur la scène de
Washington, sous les projecteurs des
media mondiaux, Barack Obama a
déclamé : « En tant que président et
commandant en chef, je préfère la paix à
la guerre ». Mais, a-t-il ajouté, « la
sécurité d’Israël est sacro-sainte » et,
pour empêcher que l’Iran ne se dote
d’une arme nucléaire, « je n’hésiterai
pas à employer la force, y compris tous
les éléments de la puissance
américaine » (étasunienne, NdT).
Armes nucléaires comprises donc. Paroles
dignes d’un Prix Nobel de la paix. Ça,
c’est le scénario. Pour savoir ce qu’il
en est vraiment, il convient d’aller
dans les coulisses. A la tête de la
croisade anti-iranienne on trouve
Israël, l’unique pays de la région qui
possède des armes nucléaires et, à la
différence de l’Iran, refuse le Traité
de non-prolifération. Et on trouve les
Etats-Unis, la plus grande puissance
militaire, dont les intérêts politiques,
économiques et stratégiques ne
permettent pas que puisse s’affirmer au
Moyen-Orient un Etat qui échappe à son
influence. Ce n’est pas un hasard si les
sanctions promulguées par le président
Obama en novembre dernier interdisent la
fourniture de produits et de
technologies qui « accroissent la
capacité de l’Iran à développer ses
propres ressources pétrolifères ». A
l’embargo ont adhéré l’Union européenne,
acquéreur de 20% du pétrole iranien
(dont 10% environ importé par l’Italie),
et le Japon, acquéreur d’un pourcentage
analogue, qui a encore plus besoin de
pétrole après le désastre nucléaire de
Fukushima. Un succès pour la secrétaire
d’état Hillary Clinton, qui a convaincu
les alliés de bloquer les importations
énergétiques venant d’Iran contre leurs
propres intérêts mêmes.
L’embargo cependant ne fonctionne
pas. Défiant l’interdiction de
Washington,
Islamabad a confirmé le 1er
mars qu’il terminera la construction du
gazoduc Iran-Pakistan. Long de plus de
2mille Kms, il a déjà été réalisé
presque entièrement dans son tronçon
iranien et sera terminé dans celui
pakistanais d’ici 2014. Il pourrait
ensuite être étendu de 600 Kms jusqu’en
Inde. La Russie a exprimé son intérêt à
participer au projet, dont le coût est
de 1,2 milliards de dollars.
Parallèlement, la Chine, qui importe 20%
du pétrole iranien, a signé en février
un accord avec Téhéran, qui prévoit
d’augmenter ses fournitures à un demi
million de barils par jour en 2012. Et
le Pakistan aussi accroîtra ses
importations de pétrole iranien.
Furieuse, Hillary Clinton a intensifié
la pression sur Islamabad, utilisant la
carotte et le bâton : d’un côté menace
de sanctions, de l’autre offre d’un
milliard de dollars pour les exigences
énergétiques du Pakistan. En échange,
celui-ci devrait renoncer au gazoduc
avec l’Iran et miser uniquement sur le
gazoduc Turkmenistan-Afghanistan-Pakistan-Inde,
soutenu par Washington. Son coût est
estimé à 8 milliards de dollars, plus du
double que prévu initialement. A
Washington, c’est cependant la
motivation stratégique qui prévaut. Les
gisements turkmènes de gaz naturel sont
en grande partie contrôlés par le groupe
israélien Merhav, dirigé par Yosef
Maiman, agent du Mossad, un des hommes
les plus influents d’Israël. Mais la
réalisation du gazoduc, qui en
Afghanistan passera par les provinces de
Herat (où sont les troupes italiennes)
et de Kandahar, est en retard. En l’état
actuel, c’est celui Iran-Pakistan qui a
l’avantage. A moins que les cartes ne
soient redistribuées par une guerre
contre l’Iran. Même si le président
Obama « préfère la paix ».
Edition de mardi 6
mars 2012 de il manifesto
http://www.ilmanifesto.it/area-abbonati/in-edicola/manip2n1/20120306/manip2pg/14/manip2pz/319128/
Traduit de
l’italien par Marie-Ange Patrizio
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