Opinion
On se calme, le nouveau F-35 veille sur
notre avenir
Manlio Dinucci
F-35
Lightning II
Samedi 3 décembre
2011
En Italie, la crise
économique a frappé surtout les jeunes,
dont un million ont perdu leur travail
dans les trois dernières années. Les
préoccupations concernant l’avenir
augmentent donc. Pas de panique,
Lockheed Martin pense à eux et à leurs
enfants : « Protéger les générations de
demain -assure-t-on dans sa publicité-
signifie s’engager pour la cinquième
génération d’aujourd’hui ». On fait ici
référence au F-35 Lightning II,
« l’unique aéroplane de cinquième
génération en mesure de garantir la
sécurité des nouvelles générations ».
Ils ont donc été clairvoyants ces
gouvernements qui ont décidé de faire
participer l’Italie à la réalisation de
ce chasseur (d’abord dénommé Joint
Strike Fighter) de la firme étasunienne
Lockheed Martin. Avec le soutien d’une
union bipartisane, le premier mémorandum
d’accord fut signé au Pentagone en 1998
par le gouvernement D’Alema; le second,
en 2002, par le gouvernement Berlusconi;
le troisième, en 2007, par le
gouvernement Prodi. Et en 2009, c’est de
nouveau un gouvernement Berlusconi qui a
délibéré l’achat de 131 chasseurs qui, à
dire la vérité, avait déjà été décidé
par le gouvernement Prodi. L’Italie
participe au programme du F-35 en tant
que partenaire de second niveau, en
contribuant au développement et à la
construction du chasseur.
Plus de vingt industries
italiennes y sont impliquées : Alenia
Aeronautica, Galileo Avionica, Datamat
et Otomelara de Finmeccanica et autres
parmi lesquelles Piaggio. Dans les
établissements Alenia seront produites
plus de mille ailes du F-35.
Près de l’aéroport militaire de
Cameri (Novara) sera réalisée une
chaîne d’assemblage et d’essai
des chasseurs pour les pays européens,
qui sera ensuite transformée en centre
de manutention, révision, réparation et
modification. Dans ce but plus de 600
millions d’euros ont été alloués, en
présentant cela comme une grande affaire
pour l’Italie. Mais on ne dit pas
combien vont coûter les rares postes de
travail créés dans cette industrie
guerrière. On ne dit pas que, tandis que
les milliards des contrats pour le F-35
entreront dans les caisses d’entreprises
privées, les milliards pour l’achat des
chasseurs sortiront des caisses
publiques.
Pour participer au programme,
l’Italie s’est engagée à verser un
milliard d’euros, à quoi s’ajoutera la
dépense pour l’achat des 131 chasseurs.
En l’état actuel des choses, cette
dépense peut être évaluée à environ 15
milliards d’euros. On devra en outre
considérer que l’aéronautique est en
train de faire aussi l’acquisition d’une
centaine de chasseurs Eurofighter
Typhoon, construits par un consortium
européen, dont le coût actuel est
quantifiable à plus de 10 milliards
d’euros.
Et, comme il advient pour tous
les systèmes d’armes, le F-35 finira par
coûter plus que prévu.
Le prix des premiers chasseurs
produits -informe la Cour des comptes
USA-
s’est avéré être quasiment le
double de celui prévu. Le coût total du
programme, prévu à 382 milliards de
dollars pour 2.443 chasseurs qui seront
achetés par les USA et par huit
partenaires internationaux, sera donc
beaucoup plus haut. Même le sénateur
John McCain, réputé « faucon », a
qualifié de « honteux » le fait que le
prix des 28 premiers avions dépasse de
800 millions de dollars celui
initialement prévu. Personne ne sait
avec exactitude combien va coûter le
F-35.
Lockheed Martin avait parlé d’un
prix moyen de 65 millions par avion,
selon la valeur 2010 du dollar,
mais il a ensuite été précisé que le
prix ne comprenait ni le moteur ni les
très coûteux systèmes électroniques et à
infrarouge (ce qui équivaut à aller
acheter une voiture, en découvrant que
ni le moteur ni
les instruments
électroniques ne sont inclus dans le
prix).
L’Italie s’est donc engagée à
acheter 131 chasseurs F-35 sans savoir
quel en sera le prix final. Parce que,
aussi, il varie selon les variantes : à
décollage/atterrissage conventionnel,
pour les porte-avions, et à décollage
court/atterrissage vertical. L’Italie en
achètera 69 de la première variété et 62
de la troisième, qui seront aussi
utilisés pour le porte-avions Cavour.
Et, une fois achetés, elle devra payer
d’autres milliards pour les moderniser
avec les systèmes que Lockheed produira.
Un puits sans fond, qui va
engloutir un autre argent public, en
faisant croître la dépense militaire,
qui se monte déjà à 25 milliards d’euros
annuels.
On ne peut pas avoir l’illusion
que le gouvernement Monti change de cap,
en larguant l’Italie de ce très coûteux
programme. L’amiral Di Paola,
aujourd’hui ministre de la défense, est
le plus grand souteneur du F-35 : ce fut
lui qui, en habit de directeur national
des armements, signa au Pentagone, le 24
juin 2002, le mémorandum d’entente qui
engageait l’Italie à participer au
programme comme partenaire de second
niveau.
Et le F-35 Lightning (Foudre)
-qui, assure Lockheed, « comme la foudre
frappe l’ennemi avec sa force de
destruction et de façon inattendue »-
est le système d’arme idéale pour la
stratégie énoncée par Di Paola quand il
était chef d’état-major de la défense :
transformer
les forces armées en un
« instrument projetable », doté d’une
capacité « expeditionary » prononcée,
cohérente avec le « niveau d’ambition
nationale ». Que le F-35 garantira avec
la « sécurité des nouvelles
générations ».
Edition de samedi 3
décembre de il manifesto
http://www.ilmanifesto.it/area-abbonati/in-edicola/manip2n1/20111203/manip2pg/06/manip2pz/314377/
Traduit de l’italien par Marie-Ange
Patrizio
Les dernières mises à jour
|