L'art de la guerre
Ceux qui nous
défendent des atrocités
Manlio Dinucci
Mardi 1er mai 2012
Qui doutait que Barack Obama ne
méritait pas le Prix Nobel de la paix va
devoir maintenant revenir sur son
opinion. Le président a annoncé la
création de l’Atrocities Prevention
Board, un comité spécial de la
Maison Blanche pour la « prévention des
atrocités ». Il est présidé par son
inspiratrice, Samantha Power, assistante
spéciale du président et directrice pour
les droits de l’homme au National
Security Council, formé par les
conseillers les plus importants en
politique étrangère. Dans son ascension
au pouvoir (auquel elle semble
prédestinée par son nom), Samantha,
aspirante secrétaire d’Etat, s’est
toujours appuyée sur la dénonciation de
présumées atrocités, attribuées à ceux
qui, chacun à leur tour, sont désignés
comme les ennemis numéro un des
Etats-Unis. Sous l’aile de son patron,
le puissant financier Georges Soros,
Power a contribué à élaborer la doctrine
« Responsabilité de protéger », qui
attribue aux Etats-Unis et à leurs
alliés le droit d’intervenir
militairement dans les cas où, de leur
avis sans appel, des « atrocités de
masse » sont sur le point d’être
commises. C’est grâce à ce type de
motivation officielle, en particulier
celle de protéger la population de
Benghazi menacée d’extermination par les
forces gouvernementales, que le
président Obama a décidé l’an dernier de
faire la guerre contre la Libye. La
doctrine est maintenant
institutionnalisée avec la création de
l‘Atrocities Prevention Board. A
travers la Communauté d’intelligence
(formée par la Cia et 16 autres agences
fédérales), il établit quels sont les
cas de « potentiels atrocités de masse
et génocides », en alertant le
président. Il préfigure ainsi les outils
politiques, économiques et militaires
pour la « prévention ». Dans ce cadre,
le Département de la défense est en
train de développer « des principes
opérationnels ultérieurs, spécifiques de
la prévention et de la riposte aux
atrocités ». Dorénavant ce sera l’Atrocities
Prevention Board qui préparera le
terrain à de nouvelles guerres. Et il
est déjà au travail : face à
l’ « indicible violence à laquelle est
soumis le peuple syrien, nous devons
faire tout ce que nous pouvons », a
déclaré le président Obama, en
soulignant qu’aujourd’hui comme dans le
passé, « la prévention des atrocités de
masse constitue une responsabilité
morale fondamentale pour les Etats-Unis
d’Amérique ». Dommage que l’Atrocities
Prevention Board n’ait été créé que
maintenant. Sinon il aurait pu prévenir
les atrocités de masse dont est
constellée l’histoire étasunienne, à
commencer par le génocide des
populations autochtones
nord-américaines. Il suffit de nous
souvenir, en nous limitant aux cinquante
dernières années, des guerres contre le
Vietnam, le Cambodge, le Liban, la
Somalie, l’Irak, la Yougoslavie,
l’Afghanistan, la Libye ; les coups
d’état orchestrés par les Usa en
Indonésie, Chili, Argentine, Salvador.
Des millions de personnes emprisonnées,
torturées et tuées. Pour prévenir
d’autres atrocités, l’Atrocities
Prevention Board devrait livrer à la
justice les responsables, impunis, des
tortures et meurtres à Abu Ghraib, à
Guantanamo et dans des dizaines d’autres
prisons secrètes de la Cia. Il devrait
aussi joindre aux actes les vidéos avec
lesquelles les soldats étasuniens
documentent, pour s’amuser, le meurtre
de civils en Afghanistan[1],
que le Pentagone a essayé d’abord
d’occulter puis de minimiser. Que
Samantha Power les regarde bien, ces
vidéos, pour comprendre ce qu’est
vraiment une « atrocité de masse ».
Edition de mardi
1er mai 2012 de il manifesto
http://www.ilmanifesto.it/area-abbonati/in-edicola/manip2n1/20120501/manip2pg/14/manip2pz/322008/
Traduit de
l’italien par Marie-Ange Patrizio
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