Opinion
Nouvelles bombes
nucléaires étasuniennes
en Europe pour les F-35
Manlio
Dinucci & Tommaso Di Francesco
Mardi 23 avril 2013
Dans son discours « historique » de
Prague en 2009, le président Obama
déclarait que les Etats-Unis feront des
pas concrets vers un monde sans armes
nucléaires, en renforçant le traité de
non-prolifération. Mais Obama a
maintenant opéré un « virage nucléaire à
180°» : c’est ce qu’écrit le journal
britannique
Guardian, en fournissant
d’importants détails.
Le nouveau plan nucléaire
Dans le sillage du discours d’Obama,
l’Allemagne et d’autres pays européens
de l’Otan (Belgique, Luxembourg, Norvège
et Pays-Bas) avaient proposé le retrait
des armes nucléaires étasuniennes
d’Europe, devenues inutiles après la fin
de la guerre froide. Mais certains Etats
de l’Est, récemment entrés dans l’Otan,
ont bloqué la proposition, avec
l’argument (à coup sûr « suggéré » par
Washington) que cela affaiblirait
l’engagement des Usa à « les défendre
contre
la Russie ».
C’est ainsi que sont restées dans
quatre pays européens de l’Otan
–Allemagne, Italie, Belgique et
Pays-Bas- et en Turquie environ 200
bombes nucléaires tactiques (avec une
portée inférieure à 5500 Kms) de type
B61. Comme nous l’avons toujours soutenu
dans
il manifesto, il ne s’agit pas de
résidus de la guerre froide, mais
d’armes nucléaires maintenues en
efficience et prêtes à être modernisées.
Ce que confirme le nouveau plan : les
Etats-Unis dépenseront 11 milliards de
dollars pour moderniser ces bombes
nucléaires.
Les B61 seront transformées de
bombes à chute libre en bombes à guidage
de précision : grâce à une nouvelle
section de queue elles seront guidées
sur l’objectif par un système
satellitaire, probablement intégré par
un laser. Elles pourront ainsi être
larguées à grande distance de l’objectif
(plus de 80 Kms). Les nouvelles bombes
nucléaires à guidage de précision,
chacune d’une puissance de 50
kilotonnes
(environ quatre fois la bombe de
Hiroshima), seront particulièrement
adaptées aux nouveaux chasseurs F-35,
projetés pour pénétrer à travers les
défenses ennemies.
L’Italie base de la stratégie nucléaire
Usa
Selon une estimation basse, il y a en
Italie entre 70 et 90 bombes nucléaires
étasuniennes, stockées à Aviano
(Province de Pordenone, région
Frioul-Vénétie-Julie, NdT) et à Ghedi
Torre (Brescia). Mais elles pourraient
être beaucoup plus nombreuses et
stockées aussi dans d’autres sites. On
connaît moins encore le nombre d’armes
nucléaires qui sont à bord des unités de la Sixième flotte et d’autres
navires de guerre qui jettent l’ancre
dans nos ports.
Le déploiement des armes
nucléaires étasuniennes en Europe est en
effet régulé par des accords secrets,
que les gouvernements n’ont jamais
soumis à leurs parlements respectifs.
L’accord qui régule le déploiement des
armes nucléaires en Italie stipule le
principe de « double clé », c’est-à-dire
prévoit qu’une partie de ces armes peut
être utilisée par les forces armées
italiennes sous commandement Usa. A cet
effet –révèle le rapport
U.S Nuclear Weapons in Europe,
publié par le Natural Resources Defense
Council- des pilotes italiens sont
entraînés à l’utilisation des bombes
nucléaires dans les polygones de Capo
Frasca (Oristano, Sardaigne, NdT) et
Maniago II (Pordenone).
L’Italie, faisant partie avec les
Usa du « Groupe de planification
nucléaire » de l’Otan, viole ainsi le
Traité de non-prolifération des armes
nucléaires. De plus, en 1999, le premier
ministre D’Alema (aujourd’hui candidat
au ministère des Affaires étrangères)
souscrit, sans le soumettre au
parlement, un accord sur la
« planification nucléaire collective »
de l’Otan qui stipule que « l’Alliance
conservera des forces nucléaires
adéquates en Europe ».
La dangerosité de l’arsenal
nucléaire en Italie consiste non
seulement dans le nombre d’engins
déposés ici, mais dans le fait que notre
pays se trouve accroché à la dangereuse
stratégie étasunienne. Sont actuellement
en phase de réalisation des bombes
nucléaires en mesure de pénétrer dans la
terre et de détruire les bunkers de
centres de commandement, pour
« décapiter » le pays ennemi par un
first strike, une attaque nucléaire
par surprise.
Qui sait si, après avoir à
l’unanimité exclu la politique étrangère
du débat politique, les partis auront
quelque réaction en apprenant la
nouvelle de la modernisation de
l’arsenal nucléaire étasunien en Italie.
Les porte-parole du Mouvement 5 Etoiles
demanderont-ils des explications à
l’ambassadeur étasunien David Thorne,
leur soutien, en transmettant peut-être
les réponses en streaming (en
continu, Ndt) ?
Où sont et combien y a-t-il de bombes
nucléaires en Italie ?
Selon ce qu’on a appris, jusqu’à 90
bombes nucléaires étasuniennes sont
stockées à Aviano et à Ghedi Torre. Il
pourrait cependant y en avoir davantage.
Il n’est de fait pas exclu que les 24
bombes ramenées en 2001 de la base d’Araxos,
à la demande du gouvernement grec, aient
été transférées à Aviano dont la
capacité est de 72 bombes, le double par
rapport à celle des autres bases
européennes. Ghedi Torre, dont la
capacité s’avère être de 44 bombes, est
par contre quasiment au complet : de
fait, quand en 1993 la base de Rimini a
été désactivée, les bombes nucléaires
qui y étaient stockées ont été
transférées à Ghedi.
La 31st Fighter Wing,
l’escadrille de chasseurs-bombardiers
étasuniens F-16 déployée à Aviano, est
prête à l’attaque nucléaire 24 heures
sur 24. En même temps, des Tornado
italiens sont prêts à être armés de
bombes nucléaires stockées à Ghedi
Torre.
Comme la politique de l’US Air
Force est de regrouper les armes
nucléaires dans moins de localités
géographiques, de nombreux experts
pensent que les localités les plus
probables pour ce déploiement sont
Aviano, dont la capacité pourrait être
amplifiée, et Incirlik en Turquie. On
présuppose que le gouvernement italien a
déjà donné secrètement son consensus
pour regrouper à Aviano, et peut-être
aussi dans un autre site, des bombes
nucléaires ramenées d’autres bases
européennes.
Edition de mardi 23 avril 2013 de
il manifesto
http://www.ilmanifesto.it/area-abbonati/in-edicola/manip2n1/20130423/manip2pg/01/manip2pz/339254/
Traduit de l’italien par Marie-Ange
Patrizio
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