Opinion
L'Otan se prépare
aux guerres de 2020
Manlio Dinucci, Tommaso Di Francesco
Le siège
de l'OTAN
Samedi 21 avril
2012
Une nouvelle
encourageante pour les chômeurs, les
précaires, les familles touchées en
Italie par les coupes dans les dépenses
sociales : « La contribution de l’Italie
au fonds de soutien des forces de
sécurité afghanes au terme de la
transition, fin 2014, sera conséquente
et dans la lignée, en quantité et en
qualité, de sa présence dans cette
dernière décennie en Afghanistan ».
Déclaration du ministre italien des
Affaires étrangères Giulio Terzi à
Bruxelles pendant la Réunion
ministérielle Affaires étrangères et
Défense de l’Otan.
Le
montant total du fonds sera décidé au
Sommet Otan qui se tiendra à Chicago les
20-21 mai prochains, mais le secrétaire
général Anders Rasmussen l’a déjà
quantifié à 4 milliards de dollars
annuels au moins. Le gros de la dépense
pour conserver les « forces de
sécurité » afghanes, environ 350mille
hommes, pèsera sur les plus grands pays
de l’Alliance, Italie comprise.
Rasmussen
le présente comme une affaire, en
soulignant qu’il est moins coûteux de
financer les forces locales que de
déployer des troupes internationales en
Afghanistan.
D’ici 2014, est prévue la sortie
progressive des troupes Otan, environ
130mille hommes. Mais, a souligné le
secrétaire étasunien à la Défense, Leon
Panetta, « nous n’abandonnerons pas
l’Afghanistan ». En d’autres termes,
l’Otan ne partira pas. D’une part, elle
entraînera et armera les « forces de
sécurité » gouvernementales, qui seront
de fait sous commandement Otan ; d’autre
part, elle potentialisera les forces
pour les opérations spéciales, avant
tout celles des Usa organisées en une
nouvelle « Force d’attaque », qui
continueront à opérer en Afghanistan
après 2014. Dans le même temps, de
nombreuses fonctions, auparavant
assurées par les armées officielles,
seront confiées à des contractors
de compagnies militaires privées (rien
que celles dépendantes du Pentagone
dépassent 110mille personnes).
Ce redéploiement de force entre
dans le déplacement progressif du centre
focal de la stratégie Usa/Otan vers la
région Asie/Pacifique. Concernant la
Syrie, Rasmussen a déclaré que « nous
n’avons pas l’intention d’intervenir »,
mais, a-t-il précisé, « nous suivons la
situation de près ».
De très près, car les services
secrets et forces spéciales de pays de
l’Otan arment et entraînent déjà les
« rebelles ». Concernant l’Iran, ils
poursuivent les préparatifs de guerre en
coordination étroite avec Israël. L’Otan
cependant regarde plus loin, vers la
confrontation avec Russie et Chine.
« Nous ne considérons pas la
Russie comme une menace pour les pays de
l’Otan, et la Russie ne devrait pas
considérer l’Otan comme une menace pour
elle», a assuré Rasmussen à la réunion
de Bruxelles ; en soulignant que « notre
système de défense antimissile n’est pas
projeté pour menacer la Russie ».
En attendant
pourtant, avec son élargissement à
l’est, l’Otan continue à déplacer des
forces et des bases (y compris à
capacité nucléaire) au bord de la Russie
et, sous prétexte de « menace
iranienne », elle est en train
d’installer en Europe des systèmes de
radar et missiles qui lui permettront
d’acquérir un avantage stratégique
ultérieur sur la Russie.
Mais c’est surtout vers la Chine
que regarde l’Otan, en se préparant à
potentialiser ses propres capacités
militaires par une série de mesures
techniques et organisationnelles,
appelée « Smart Defence » (Défense
intelligente). Au prochain Sommet de
Chicago, les chefs d’Etat et de
gouvernements de l’Otan « jetteront les
bases des futures forces de l’Alliance
pour 2020 et au-delà ». C’est dans ce
cadre que s’insère le « Schriever
Wargame », une manœuvre organisée par le
Commandement de la force aérospatiale
étasunienne, focalisée sur
l’ « utilisation de l’espace et du
cyberespace dans un conflit futur ».
Dans sa dernière édition, en 2010, le
scénario était celui d’un conflit dans
le Pacifique, clairement (même si non
explicitement) contre la Chine.
Au « Schriever Wargame 2012 », en
cours depuis le 19 jusqu’au 26 avril,
participe pour la première fois aussi
l’Italie (liste des participants,
dont la France, et objectifs de
l’opération
en
fin de texte[1],
NdT). Les Usa, a déclaré un
porte-parole de l’Otan, « encouragent
les alliés européens à investir
davantage dans ces capacités :
participer au Schriever Wargame leur
donne l’opportunité de travailler
ensemble sur des systèmes basés dans
l’espace, qui seront de plus en plus
importants dans les futures
opérations ». Le scénario de cette année
est une expédition Otan dans la Corne
d’Afrique, contre des « pirates soutenus
par al-Shabaad, affiliée à al-Qaeda en
Afrique ».
L’Otan n’a désormais plus de
frontières : de l’Atlantique Nord elle
est arrivée à l’Océan Indien et au
Pacifique, en chevauchant les montagnes
afghanes, et elle est désormais lancée
vers les guerres spatiales de 2020.
Tandis qu’en Italie l’argent manque pour
reconstruire les maisons détruites par
le tremblement de terre dans les
Abruzzes.
Edition de samedi
21 avril 2012 de il manifesto
http://www.ilmanifesto.it/area-abbonati/in-edicola/manip2n1/20120421/manip2pg/08/manip2pz/321550/
Traduit de
l’italien par Marie-Ange Patrizio
[1]
« Neuf
nations (Canada, Danemark,
France, Allemagne, Italie,
Pays-Bas, Turquie, Royaume-Uni
et Usa), ainsi que l’Australie
participeront à la manoeuvre. En
outre, les NATO HQ, ACO, ACT,
JFC Brunssum, et le JAPCC ainsi
que divers représentants
d’organisations civiles (liste
non fournie sur la page du site
Otan) étasuniennes et
européennes participeront aussi
au Schriever Wargame » Voir :
http://www.act.nato.int/index.php/activities/seminars-symposia/schriever-wargame-2012
Pour la
France, voir site du Ministère
de la Défense (« Pour une
défense d’avance »):
« L’Otan ne
possède pas de capacités
spatiales propres et dépend de
ses nations pour la fourniture
de services. Toutefois, la
France contribue
contractuellement à la
fourniture de services de
communication par satellite dans
le cadre du contrat NATO SATCOM
post 2000 (NSP2K) avec l’Italie
et le Royaume-Uni. Elle a
également déclaré vouloir
contribuer au système d’alerte
avancée de l’Alliance en
fournissant des données issues
de son système d’alerte prévu
pour 2020.
Les capacités
spatiales sont le reflet du
savoir-faire industriel et
technologique national. Elles
sont sensibles et soulèvent des
problématiques de souveraineté,
de maintien des compétences, de
positionnement sur la scène
internationale et de préparation
du futur. C’est la raison pour
laquelle, la France ne prévoit
pas à ce jour de soutenir une
politique de développement de
capacité en commun, mais
soutient le processus actuel de
génération de force selon lequel
les nations fournissent des
capacités ou des services au
profit des opérations de
l’Alliance (surlignage
traductrice).
Suite à :
http://www.defense.gouv.fr/actualites/dossiers/espace-militaire/fiches-techniques/la-france-et-l-otan
. Je n’ai pas trouvé sur le
site le chiffrage du coût de
l’opération Schriever Wargame
2012 pour la France. NdT.
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