EODE - International Elections
Monitoring
Iran : Les
candidatures à la présidentielle 2013
révèlent la fragmentation du régime
Luc Michel
Lundi 13 mai 2013
Luc MICHEL pour EODE Press Office
avec PCN-SPO – Reuters – AFP – Le Temps
/ 2013 05 12 /
http://www.facebook.com/EODE.monitoring
http://www.eode.org/category/eode-international-elections-monitoring/international-elections-survey/
L’enregistrement des candidatures pour
la présidentielle iranienne du 14 juin
2013 s’est clôturé ce samedi. « Après
plusieurs mois d’incertitude quant à sa
participation, l’ancien président a le
soutien du guide suprême, Ali Khamenei.
L’économie et le nucléaire sont au
centre du scrutin », écrit Le Temps
(Genève), qui souligne « les profondes
divisions au cœur du pouvoir ».
LE REGIME DE LA REPUBLIQUE ISLAMIQUE
Quelques mots tout d’abord sur le régime
iranien, instauré par l’ayatollah
Khomeiny à la chute du Shah, après
l’élimination par les forces islamiques
de leurs rivaux marxistes, gauchistes et
libéraux qui avaient tous participé à la
révolution de 1979.
C’est une république islamique, où le
pouvoir suprême est réservé à une
minorité religieuse de type théocratique
issue du clergé chiite (les sunnites ne
connaissent pas ce type de clergé). Au
sommet, le guide suprême, Khomeiny puis
Ali Khamenei. Qui arbitre les
différentes factions politiques rivales,
au sein des forces islamiques et du
parlement. Une
« Assemblée des experts » nomme et
destitue le guide. Un « Conseil des
gardiens de la constitution » assure le
contrôle des processus consitutionnel.
Un « Conseil de discernement » est la
plus haute autorité d'arbitrage
politique. Le président de la République
n’est donc pas l’instance politique la
plus haute de la République islamique.
Enfin l’appareil sécuritaire joue un
rôle important. Les Pasdarans, les «
gardiens de la révolution », armée
politique islamique, forgée lors de la
guerre Iran-Irak de 1980-88, font face à
l’Armée classique, contrôlent les forces
de sécurité et de police, ainsi que de
larges secteurs de l’économie. Des
milices populaires islamiques, les
Bassadjis, tiennent la rue et assurent
l’ordre moral islamique.
DES CANDIDATURES DE POIDS POUR UNE
PRESIDENTIELLE 2013 TRES DISPUTEE
Le conservateur Saïd Jalili, chef du
dossier nucléaire, et l'ex-président
modéré Akbar Hachémi Rafsandjani se sont
portés candidats ce samedi à la
présidentielle du 14 juin en Iran, dont
l'intérêt est relancé par l'entrée en
lice de ces deux poids lourds.
Leurs candidatures, comme celles des
nombreux autres prétendants à la
succession de Mahmoud Ahmadinejad,
devront encore être avalisées par le
Conseil des gardiens de la constitution,
au plus tard le 23 mai. Les deux hommes
se sont inscrits au dernier jour
d'enregistrement des candidatures.
M. Jalili, 47 ans, est depuis 2007 le
secrétaire du Conseil suprême de la
sécurité nationale. Il est aussi le
représentant direct du Guide suprême Ali
Khamenei dans le dialogue avec les
grandes puissances qui tentent d'obtenir
un meilleur contrôle international des
activités nucléaires sensibles
iraniennes. Connu pour sa fermeté dans
les discussions avec le groupe 5+1
(Etats-Unis, France, Grande-Bretagne,
Russie, Chine et Allemagne), il a été
vice-ministre des Affaires étrangères,
chargé de l'Europe et des Etats-Unis
(2005-2007).
Ce vétéran de la guerre Iran-Irak
(1980-88) qui a perdu une partie de sa
jambe droite en 1986, a créé la surprise
en présentant sa candidature. « Quel que
soit le futur élu, il devra à la fois
avoir la confiance totale du guide et
être assez crédible aux yeux des
Occidentaux pour peser dans les
négociations sur le nucléaire, précise
Le TEmps. Dans ce contexte, la
candidature de Saeed Jalili ne surprend
guère. Discret mais ferme, le secrétaire
du Conseil national de sécurité est
l’actuel négociateur avec les grandes
puissances ». En fin
d'après-midi, Akbar Hachémi Rafsandjani
, président de la République de 1989 à
1997, a signé le registre des
candidatures à Téhéran. Les médias
iraniens avaient rapporté les
hésitations de ce modéré, âgé de 78 ans,
et qui bénéficie du soutien du
réformateur Mohammad Khatami, son
successeur en 1997.
Son inscription s'est déroulée dans une
ambiance électrique, alors qu'au même
moment se présentait un proche
collaborateur de M. Ahmadinejad,
Esfandiar Rahim Mashaïe, accompagné par
le président sortant.
M. Mashaïe est accusé de
"déviationnisme" et de vouloir
promouvoir le nationalisme iranien. Sa
candidature pourrait ne pas être
approuvée par le Conseil des gardiens,
selon les observateurs. L’affaire révèle
la fracture au sein du régime entre son
aile conservatrice et son aile
nationaliste, celle d’Ahmadinejad.
D'autres personnalités attendues sont
entrées dans la course depuis
l'ouverture des inscriptions mardi.
Dans le camp conservateur figurent Ali
Akbar Velayati, chef de la diplomatie de
1981 à 97 et actuel conseiller pour les
affaires internationales de l'ayatollah
Khamenei, Mohammad Baqer Qalibaf, maire
de Téhéran, Mohsen Rezaï, ex-commandant
des Gardiens de la révolution, l'armée
politique du régime, l’ancien chef des
services secrets Ali Fallahian et
Manouchehr Mottaki, ex-chef de la
diplomatie.
Dans le camp réformateur et modéré,
Hassan Rohani, négociateur nucléaire
sous la présidence Khatami, et un ancien
vice-président de M. Khatami, Mohammad
Reza Aref, se sont inscrits.
Parmi les conservateurs, divisés depuis
l’ère Ahmadinejad, la Triple coalition a
comme objectif de «restaurer la
confiance entre le peuple et les
autorités». Elle réunit l’actuel maire
de Téhéran, Mohammad Qalibaf, le
conseiller du guide sur les affaires
internationales, Ali Akbar Velayati, et
l’ancien président du parlement, Gholam
Ali Haddad-Adel.
Enfin une trentaine de femmes, dont
Soraya Malekzadeh, sont venues défier
les autorités. « Même si le pouvoir ne
veut pas de nous, je viens montrer qu’on
est quand même là », affirme Soraya
Malekzadeh. Le 23
mai, le Conseil des gardiens, chargé
d’examiner l’éligibilité des candidats,
publiera les noms de ceux autorisés à se
lancer dans la course à la présidence.
Lors du dernier scrutin présidentiel en
2009, seulement quatre candidats avaient
été habilités à faire campagne sur les
475 inscrits. Cette année, sur les 686
candidatures, les autorités ont dit
vouloir en retenir sept ou huit.
RAFSANDJANI : LA TENTATION LIBERALE
Rafsandjani, qui continue de jouer un
rôle clé dans la politique iranienne,
est néanmoins devenu l'une des bêtes
noires de l'aile dure du pouvoir après
avoir publiquement relayé les "doutes"
d'une partie de l'opinion sur la
régularité de la réélection de M.
Ahmadinejad en 2009 et avoir critiqué la
répression de la contestation qui a
suivi. « Ses mandats ont été marqués par
un gros effort de reconstruction du pays
et une relative ouverture à l'étranger,
incluant des tentatives avortées de
rapprochement avec les Etats-Unis »,
commente Reuters.
"Je suis venu pour servir, c'est
le droit des gens de me choisir ou pas",
a déclaré aux médias locaux M.
Rafsandjani, qui dirige le « Conseil de
discernement », la plus haute autorité
d'arbitrage politique.
« Les profondes divisions au cœur du
pouvoir et les sanctions internationales
semblent avoir mis les autorités face à
un véritable dilemme. Les principaux
enjeux de cette élection sont les
dossiers économique et nucléaire. Et le
pragmatisme de Rafsandjani favorise le
libéralisme économique et le dialogue
avec les Etats-Unis », analyse Le Temps.
« Mais l’ancien
président (de 1989 à 1997), pilier de la
Révolution islamique, est opposé
idéologiquement au symbole de l’autorité
suprême du pays, le guide Ali Khamenei.
Non seulement il préconise une réforme
des fondements du système de la
République islamique (qui supprimerait,
entre autres, le rôle du guide). Mais il
a publiquement contesté la réélection de
Mahmoud Ahmadinejad en 2009 », ajoute Le
Temps. Le paradoxe étant que Rafsandjani
aujourd’hui reçoit à la fois et malgré
cela le soutien politique du guide et
celui du camp réformateur.
«Il y a quatre ans, j’ai voté pour [le
réformateur Mir Hossein] Moussavi. Cette
année, jusqu’à ce que Rafsandjani se
présente, j’avais décidé de boycotter
l’élection. Il ne me plaît pas forcément
mais c’est un homme fort et je le vois
capable de sauver le pays», affirme au
Tempms Reza, 23 ans, étudiant en
pétrochimie.
AHMADINEJAD FACE AUX CONSERVATEURS
« Mahmoud Ahmadinejad ne pouvant briguer
un troisième mandat consécutif, le choix
des candidats issus de son camp a des
allures de provocation. Aux côtés d’Esfandiar
Rahim-Mashaie, détesté par les
ultraconservateurs, Ali Akbar Javanfekr
se présente. Un temps bouc émissaire des
luttes au cœur du pouvoir, ce dernier
est le conseiller en communication du
président », conclut Le Temps.
Selon la Constitution, Mahmoud
Ahmadinejad ne peut briguer un 3e mandat
successif.
Sa réélection en 2009 avait provoqué des
manifestations de contestation contre le
régime sans précédent en République
islamique, qui avaient été réprimées.
« Le président a aussi parfois eu des
relations difficiles avec le Guide
suprême et le Parlement » commente
l’AFP. Son
successeur héritera d'une situation
économique en nette détérioration en
raison des sanctions occidentales liées
au programme nucléaire de l'Iran accusé
par les USA malgré ses dénégations de
chercher à fabriquer l'arme atomique.
L'inflation officielle a atteint plus de
30% sur un an et la baisse du pouvoir
d'achat n'a pu être contenue par une
politique d'aides directes.
La présidentielle de juin 2013, ses
candidatures multiples et leurs
oppositions, révèle donc les fractures
du régime iranien. La politique comme la
nature a horreur du vide. Les
oppositions se sont donc cristallisées à
l’intérieur même du régime islamique, à
défaut de s’exprimer dans les rivalités
des partis des régimes parlementaires de
type occidental. Luc
MICHEL
Photos :
L’ancien chef des services secrets Ali
Fallahian.
Le réformateur et « modéré » Hassan
Rohani.
La professeure d’université Soraya
Malekzadeh.
Rafsandjani.
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