Info Syrie
Fuite en avant ?
Les rebelles multiplient les fronts
communautaires
Louis
Denghien
Mardi 30 octobre
2012 Deux faits majeurs et signifiants –
sinon nouveaux – mardi : -Un nouvel attentat à la voiture
piégée à Jaramana, ville de la
proche banlieue sud-est de Damas, à
dominante chrétienne et druze : de 6
à 10 tués, dont des enfants, et au
moins une cinquantaine de blessés.
Le nombre de voitures détruites –
une vingtaine – et d’immeubles
endommagés – une quinzaine –
renseigne sur la puissance de la
charge. Quant au but recherché par
les tueurs, on peut, pour une fois,
se reporter à l’OSDH : «
La
voiture piégée a explosé dans la rue
principale de la banlieue la plus
loyaliste de Damas, où il y a une
prolifération de comités de défense
populaires pro-régime » a ainsi
déclaré Rami Abdel Rahmane à ses «
clients » de l‘AFP.
Si lui-même reconnait et explique le
pourquoi des actes terroristes de
l’opposition, perpétrés lors d’une
trêve à caractère religieux, on
mesure le chemin parcouru par les
opposants…
Punir les
chrétiens et les druzes... Le 28 août dernier, Jaramana avait
été frappé par un attentat à la
voiture piégée, à l’occasion des
obsèques de deux partisans du
gouvernement : 27 personnes avaient
alors été tuées ; et le 3 septembre,
un nouvel attentat y avait causé 5
morts supplémentaires et plus de 30
blessés. Si Jaramana est visée, c’est parce
qu’elle est globalement loyaliste,
et chrétienne, et druze, deux
communautés majoritairement fidèles
à Bachar al-Assad.
… Punir les
Palestiniens… -Des affrontements violents entre
militants palestiniens
pro-gouvernementaux et rebelles au
camp de réfugiés de Yarmouk et dans
la localité voisine d’al Hajar al
Aswad, dans le sud de la périphérie
damascène. Les combattants
palestiniens appartiennent bien sûr
au Front populaire pour la
Libération de la
Palestine-Commandement général, une
faction pro-syrienne de l’OLP
dirigée par Ahmed Jibril. Ce n’est
pas la première mois que le FPLP a
maille à partir avec les rebelles,
et à l’été dernier, une quinzaine de
ses combattants ont été enlevés dans
le nord du pays, et exécutés. Selon l’OSDH, les combats ont duré
toute la nuit de lundi à mardi, et
des unités de l’armée sont venues
prêter main forte aux Palestiniens.
Pas loin de 150 000 réfugiés et
descendants de réfugiés vivraient
dans le camp de Yarmouk.
A Alep, les
menaces tous azimuts de la
rébellion Après les chrétiens, les druzes, les
Palestiniens (ne parlons pas des
alaouites et des chiites), on sait
que l’insurrection est en
délicatesse aussi avec les Kurdes,
suite notamment aux récents et
sanglants incidents d’Alep/Achrafyeh.
Si l’on est sans nouvelles de la
situation militaire ce mardi à
Achrafyeh, où les rebelles
islamistes occupent toujours des
positions, on apprend qu’un
activiste responsable de
l’enlèvement de neuf pèlerins
chiites libanais, en mai dernier, un
certain Abou Ibrahim, aurait été tué
par des militants kurdes à Qastal
Jendo, un village à majorité kurde
au nord d’Alep. Abou Ibrahim a été
certainement abattu lors d’un
accrochage, signe supplémentaire de
l’état des relations entre les
Kurdes du PYD et au minimum
certaines factions de l’opposition,
l’Ibrahim en question ne s’étant pas
réclamé de l’ASL mais d’un «
Conseil révolutionnaire d’Alep«
. Mais il est évident que les
miliciens kurdes ne vont pas entrer
dans les subtilités de
l’organigramme chaotique de
l’insurrection.
De toute façon, les « agendas »,
comme ont dit en langue
diplomatique, des uns et de autres
divergent nettement. Même un média
résolument pro-ASL comme le
quotidien libanais L’Orient Le Jour
souligne, dans un article-reportage
mis en ligne ce 30 octobre, les
antagonismes entre groupes
islamistes d’Alep et miliciens
kurdes du PYD, à Achrafyeh et
ailleurs. Il donne notamment la
parole à un commandant de la fameuse
brigade al-Tawhid, d’obédience
salafiste et très en pointe dans les
combats d’Alep. Celui-ci estime
qu’un clash incidents comme celui d’Achrafyeh
« ne
doit pas se reproduire, car cela
rendrait les choses très compliquées
». «
Très
compliquées » pour la
rébellion, car comme l’écrit le
reporter de
L’Orient Le Jour, «
l’ASL,
qui est déjà divisée et sous
équipée, ne peut pas se permettre
d’ouvrir un nouveau front avec les
Kurdes ». Sauf que le commandant de la brigade Tawhid, s’il qualifie les Kurdes de
« frères« , avertit son
interlocuteur que lui et ses hommes
pourraient modifier leur regard «
une
fois le régime tombé » : « S’ils ne
changent pas, une fois que nous en
aurons fini avec l’armée d’Assad,
nous nous attaquerons » aux
militants du PKK (en fait le PYD,
mais notre islamiste n’entre pas
dans ces subtilités).
Bref, les Kurdes
ne doivent pas s’attendre à une
grande autonomie, à tout point de
vue, en cas de victoire des barbus,
ce qu’ils savent déjà depuis
longtemps. Mais, message
d’espoir, le plumitif du grand
quotidien haririste note que la
chute de Bachar
« est
loin d’être acquise« .
Le reporter de
L’Orient Le Jour, quotidien
libanais proche de Samir Geagea et
d’Amine Gemayel, s’inquiète aussi
(subitement) de la
sous-représentation des chrétiens au
sein de l’ASL. A Alep, il a
rencontré aussi un chef de bande
rebelle, Abou Mahar, qui prétend
commander à 200 hommes et qui lui
tient à peu près ce peu rassurant et
oecuménique langage : «
Les
chrétiens ne sont pas liés au pays.
Si quelque chose arrive en Syrie,
ils prendront tous la fuite».
Les voilà eux aussi prévenus, et par
L’Orient Le Jour. A vrai dire
eux non plus ne se faisaient aucune
illusion. Mais, on
est épaté malgré nous de la «
transparence » des rebelles syriens,
qui ruinent la communication des
Occidentaux (à vrai dire en panne)
avec une désinvolture qui rappelle
que leur combat est dans une autre
dimension que ceux répertoriés par
les politiciens-technocrates de
Paris, Londres, Bruxelles ou
Washington. Et, à notre avis, ce
combat-là est voué à l’échec en
Syrie.
Abou
Ibrahim, première victime notable de la
guerre entre Kurdes et rebelles
islamistes ? Publié le 31 octobre 2012 avec l'aimable
autorisation d'Info Syrie
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