Syrie
La Russie et la
Chine sifflent (déjà) la fin de la
récréation à François Hollande - et à
d'autres...
Louis
Denghien
Guennadi
Gatilov : le vice-ministre russe des
Affaires étrangères a laissé
François Hollande faire le Mitterrand
quelques dizaines de minutes
Mercredi 30 mai 2012
Eh bien, François Hollande
va devoir trouver un nouveau sujet de
conversation avec Vladimir Poutine,
vendredi. Le nouveau président de gauche
(formatée atlantiste) n’avait pas exclu,
voici 24 heures, de faire participer la
France à une intervention militaire
contre la Syrie, « comme en Libye »,
pourvu que celle-ci soit autorisée par
l’ONU. Mais le président français et BHL
n’auront pas attendu longtemps la mise
au point du meneur de jeu russe. Mardi
soir, quelques dizaines de minutes après
l’intervention de Hollande, comme pour
calmer les excités occidentaux croyant
leur heure revenue à la faveur du drame
– toujours pas éclairci – de Houla, le
vice-ministre russe des Affaires
étrangères Guennadi Gatilov a averti que
la Russie ne laisserait pas le Conseil
de sécurité autoriser une telle
intervention : Moscou «
est
catégoriquement opposée à toute
intervention extérieure dans le conflit
syrien qui ne ferait qu’aggraver la
situation avec des conséquences
incalculables pour la Syrie et le reste
de la région« .
Décidément, dans le monde
où nos vivons, seul le bon sens est
révolutionnaire ! La mise au point de
Gatilov intervient trois jours avant la
visite à Paris de Vladimir Poutine, que
Hollande comptait bien convaincre de
baisser la garde sur la Syrie et de
troquer, en quelque sorte, Bachar al-Assad
contre des promesses de garanties quant
aux intérêts locaux russes.
Un bonheur n’arrivant
jamais seul, le porte-parole du
ministère chinois des Affaires
étrangères, Liu Weimin, a annoncé
quasi-simultanément que Pékin
s’opposerait, elle aussi, à toute
intervention militaire, et que pour le
reste, la Chine «
ne
soutient aucun changement forcé de
régime« . Et Liu Weimin a donné une
illustration concrète de cette position
en indiquant qu’il n’était évidemment
pas question pour le autorités de son
pays d’expulser l’ambassadeur syrien à
Pékin.
Nous
sommes contents, mais pas vraiment
surpris
Tout ceci à vrai dire n’est
surprenant que pour les présentateurs
illettrés et formatés des journaux d’
»information » français : nous avons
écrit ici que la Russie et Chine
n’avaient pas, depuis des mois, pris les
positions que l’on sait sur la crise
syrienne pour en changer subitement à
cause d’une nouvelle offensive
diplomatico-médiatique d’ampleur des
bellicistes de l’Ouest. Sur la Syrie,
Poutine joue une partie de la nouvelle
crédibilité internationale russe, et la
sienne propre. Il était donc totalement
exclu qu’il « bouge » sur le sujet.
Du reste
les interrogations formulées à haute
voix par Sergueï Lavrov et d’autres
pontes de la diplomatie russe sur les
circonstances et les responsabilités des
tueries de Houla constituaient déjà une
indication que Moscou avait flairé sinon
un montage, du moins une manipulation de
grande ampleur de l’opinion
internationale à des fins
déstabilisatrices et bellicistes.
Certes, après Houla, la Russie, avec la
Chine, avait accepté de signer une
déclaration du Conseil de sécurité
incriminant l’usage par le gouvernement
syrien d’armes lourdes. Mais Guennadi
Gatilov l’a bien précisé : il s’agissait
juste d’envoyer au gouvernement syrien
un «
signal assez fort » pour qu’il
modère autant que possible ses réactions
militaires aux attaques des groupes
armés. Cette déclaration votée à
l’unanimité des 15 membres du Conseil «
représente
une réaction suffisante » pour
reprendre les mots du haut-responsable
russe.
François Hollande prend là
sa première leçon de
realpolitik. Comme son mentor Obama,
il va devoir en rabattre. Bien sûr, le
président français va essayer, avant
Obama mais comme lui, de convaincre le
président russe d’au moins lâcher Bachar,
quitte à trouver une formule de
gouvernement de transition assurant une
représentation minimum de l’ancienne
équipe dirigeante. Mais; et là encore au
risque de nous répéter, il est plus que
douteux que Poutine se laisse convaincre
: le départ forcé de Bachar signerait
évidemment le début d’un processus de
décomposition du pouvoir syrien,
accéléré par tout ce que le pays compte
de bandes armées islamistes.
Ce serait la fin, dans
un chaos sanglant, de la Syrie
souveraine, peut-être très vite la prise
du pouvoir par des factions qui
considèrent la Russie comme une ennemie
et vendraient le pays à la Turquie ou à
l’OTAN.
C’est bien pourquoi tout ce
qu’on a entendu depuis Houla ressort à
l’intimidation verbale, aux manoeuvres
obliques, mais ne peut se transformer en
action diplomatique et militaire
effective. François
Hollande, comme Barack Obama, n’aura pas
« sa » Libye – ni son Irak, lui qui a
érigé François Mitterrand en modèle.
Publié le 31 mai 2012
avec l'aimable autorisation d'Info Syrie
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