Syrie
Benoît XVI plus
proche de Poutine que
de Hollande et de l'OTAN...
Louis Denghien
Avec ses
mots et son ton à lui, Benoît XVI vient
de condamner, à propos de la Syrie,
l’extrémisme religieux, l’ingérence
étrangère et de prôner le dialogue
politique.
Ca ressemble d’avantage à du Poutine
qu’à du Hollande/Cameron/Clinton…
Mardi 25 décembre
2012 En stigmatisant, la
veille de Noël, l’instrumentalisation de
la religion (qui peut, dit-il, devenir «
malade
quand l’homme pense devoir prendre
lui-même en main la cause de Dieu«
) Benoît XVI visait à l’évidence les
fondamentalistes islamistes à l’oeuvre
en Syrie (et en Irak, en Égypte, en
Tunisie, au Yémen et ailleurs). En
laissant son porte-parole pour les
affaires humanitaires, le cardinal
Robert Sarah, dire, mardi, que
l’Église s’opposait
fermement à toute intervention militaire
qui rappellerait «
ce qui
s’est passé en Irak, en Libye, en Côte
d’Ivoire« , opérations dont le
Vatican souhaite qu’elles «
ne se
répètent plus« , le pape
lançait clairement une condamnation
morale – mais aussi du coup politique –
sur les Atlantistes de Washington,
Londres et Paris.
Et en plaidant, ce même
mardi 25 décembre, à l’occasion de sa
traditionnelle bénédiction «
à la Ville
et au Monde« , pour que «
par le
dialogue, soit recherchée une solution
politique au conflit syrien« , le
Saint-Père infligeait un désaveu
implicite aux jusqu’au-boutistes de
l’opposition syrienne.
Car Benoît XVI n’a réclamé le départ de
personne en Syrie, juste le dialogue
entre hommes de bonne volonté. Ce qui
rapproche, ou même assimile la position
du chef spirituel des catholiques à
celle défendue depuis des mois par
Poutine et la Russie.
À sa façon feutrée, disons
« apolitique », que certains sur ce site
lui reprochent, Benoït XVI, que
préoccupe à bon droit la situation des 1
800 000 chrétiens de Syrie, a nettement
pris position. Contre
le bellicisme des atlantistes. Contre le
fanatisme de la plupart des rebelles.
Contre l’intransigeance des opposants
radicaux entretenus par le Qatar.
Au fond, certains anti-impérialistes et
amis de la Syrie réelle lui ont un peu
rapidement fait le procès que d’autres,
pour d’autres raisons, ont fait et font
encore à Pie XII sur sa « passivité »
pendant la deuxième guerre mondiale.
Mais Pie XII, qui ne pouvait provoquer
frontalement la colère des nazis, a
discrètement mais concrètement aidé les
juifs, ou des juifs, en Italie et
ailleurs. Aujourd’hui son successeur ne
prend pas de front les néoconservateurs
d’Occident et les pétro-monarques du
Golfe, mais il donne de la voix contre
l’extrémisme religieux et
l’interventionnisme, dont chacun sait de
quel côté ils se trouvent dans le
conflit syrien.
Brahimi rencontre
l’opposition intérieure et modérée
Brahimi et
Bachar, lundi 24 décembre : apparemment,
plus question pour l’ONU,
mais peut-être aussi pour les
États-Unis, d »obtenir le départ du
président syrien avant 2014.
Mais prudence….
Nous parlions d’hommes de bonne volonté.
L’émissaire de l’ONU Lakhdar Braghimi,
qui s’était entretenu avec Bachar al-Assad
lundi, a rencontré mardi à Damas des
représentants de l’opposition,
intérieure, patriotique et modérée, du
Comité de Coordination pour le
Changement démocratique (CCND). À
l’issue, Raja al-Nasser, secrétaire du
bureau exécutif du CCCND, s’est félicité
que M. Brahimi puisse rencontrer,
jusqu’à dimanche, des responsables
syriens, et il a dit qu’il y avait «
grand espoir que cela
aboutisse à des accords ou des avancées
positives ». Ce
qui est déjà une « avancée
positive« , c’est que l’AFP
apprenne enfin à ses lecteurs et clients
qu’il existe en Syrie une autre
opposition que celle logée au Caire, à
Ankara ou à Doha. Et explique
que le CCND, surtout connu en France par
la figure médiatique de Haytham Manaa,
regroupe « des partis
nationalistes arabes, kurdes,
socialistes et marxistes« . Autant
de gens « tolérés par le
pouvoir syrien » ajoute l’AFP.
De quoi perturber 5 minutes le préposé à
la désinformation de
France 24, d’I-Télé
ou de BFMTV qui
croyait qu’en Syrie l’opposition se
résumait à des barbus djihadistes, et
des bobos exilés.
On parle – le
Figaro notamment – d’un accord
secret ou discret intervenu entre Moscou
et Washington sur la constitution d’un
gouvernement e transition sous
l’autorité nominale de Bachar al-Assad,
lequel resterait au pouvoir jusqu’au
terme de son mandat en 2014, mais sans
pouvoir alors se représenter au suffrage
des Syriens. C’est de ce plan que
Brahimi aurait entretenu l’intéressé,
mais aussi ses interlocuteurs du CCCND.
Sur le départ de Bachar en 2014, on
objectera que c’est quand même aux
Syriens, par référendum ou scrutin
présidentiel, d’en décider.
Mais on notera que si
cette information est vraie, c’est
plutôt Washington qui a rejoint Moscou
que le contraire. Et que l’Europe,
c’est-à-dire, sur ce dossier,
essentiellement la France et la Grande
Bretagne, se retrouve isolée, en
attendant d’être pathétique.
En tout cas les efforts de
Brahimi lui ont valu une volée de bois
vert de la part de l’opposition
made in Qatar, de la
« Coalition nationale
» aux Frères musulmans en passant par
les Comités locaux de coordination, qui
naguère organisaient en Syrie les
défilés du vendredi contre le
gouvernement. Tout ce beau monde s’en
tient à son exigence du départ,
volontaire ou forcé, du gouvernement
syrien, et ne veut donc pas entendre
parler de gouvernement de transition, de
dialogue, ni donc de paix. Encore une
fois, cette attitude, qui n’a rien de
nouvelle, risque de devenir
embarrassante pour Hollande/Fabius et
Camern/Hague, surtout si les Américains
lâchent du lest.
Quand
Lavrov rit carrément au nez des
Occidentaux
À propos d’opposition
radicale, le Conseil de Coopération du
Golfe, fédération de pétro-souverains
autocrates et fondamentalistes s’en est
pris non seulement à Bachar al-Assad,
qui tarde décidémment à passer la main,
mais à son véritable « ennemi public
n°1″, l’Iran, qu’ils accusent d »«
ingérence » dans leurs affaires
internes. En clair, les Golfeux voient
la main de Téhéran dans la révolte des
chiites du Bahrein conte leur monarque
sunnite : mais ce n’est pas la faute des
Iraniens si les 70% de chiites du
Bahrein ont le sentiment d’être traités
en citoyens de seconde zone par
l’oligarchie locale, qui n’a dû son
maintien en 2011 qu’à l’intervention
militaire des Séoudiens. Le CCG a aussi
dénoncé l’occupation iranienne de trois
petites îles revendiqués par les Émirats
arabes unis. Bref un
ton martial qui masque une certaine
impuissance : car armer et payer des
mercenaires en Syrie est une chose,
faire la guerre à l’Iran en est une
autre.
Et à propos d’impuissance
et de jactance, il nous faut revenir sur
l’ironie cinglante – et parlante – de
Sergueï Lavrov, samedi dernier. Le chef
de la diplomatie russe a lâché, sur le
ton de la (fausse) confidence) aux
journalistes un nouvelle « petite phrase
» sur la Syrie : « Je peux
vous dire que personne ne brûle
manifestement d’intervenir (en
Syrie). On a même
l’impression qu’ils (les pays
occidentaux) prient le
ciel que la Russie et la Chine ne
cessent de bloquer une intervention
extérieure (…) personne n’étant prêt à
agir, du moins pour le moment« .
Pour se
moquer aussi ouvertement des
gesticulations et poses occidentales,
Lavrov doit être vraiment très sûr de
lui. En tous cas, on voit quel crédit il
faut apporter aux différents sommets des
« Amis de la Syrie »
organisés à grands frais et grand
brouhaha médiatique par la
Sainte-Alliance des atlantistes et des
islamistes. Du vent, du bruit, produits
par des impuissants. Et, si l’on en
croit Lavrov, des Tartuffe.
Publié le 25 décembre
2012 avec l'aimable autorisation d'Info
Syrie
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