Politique étrangère
Fabius au Quai
d'Orsay : on a changé de Juppé ?
Louis
Denghien
Fabius
entre Bernard et Bernard lors du meeting
germanopratin "pro-syrien" de BHL, le 4
juillet 2011
Mercredi 16 mai
2012
La nomination de Laurent
Fabius comme ministre des Affaires
étrangères n’est,
a priori,
pas particulièrement bonne pour la Syrie
et ses amis. L’homme qui fut le plus
jeune Premier ministre de la Ve
République en 1984, et qui anima le «
non » de gauche au référendum sur le
projet de constitution européenne en
2005, avant d’incarner, un peu avant
Arnaud Montebourg et Benoît Hamon,, la «
gauche » du PS n’est pas – litote – un
tiermondiste ni un adversaire déclaré
d’Israël et des États-Unis. En revanche,
il s’est nettement positionné comme un
ennemi de la Syrie telle qu’elle est :
en avril 2011, au tout début de la
crise, il s’était bruyamment déclaré en
faveur d’une intervention de l’ONU,
demandant même à Sarkozy de «
durcir le
ton » vis-à-vis de Bachar al-Assad,
qu’il menaçait déjà de la Cour pénale
internationale. Tout en reconnaissant
que la situation en Syrie était «
particulière » (par rapport à la
Libye ?)
Avec BHL
contre Bachar
Mieux, c’est-à-dire pire,
en juillet de l’année dernière, Fabius a
participé au meeting-manip’ de
Bernard-Henri Lévy sur la Syrie, un
sommet de l’escroquerie intellectuelle
et politique atlanto-sioniste (voir
notre article « Escroquerie : Infosyrie
était au meeting « pro-syrien » de BHL
», mis en ligne le 5 juillet), y
prenant même la parole : après avoir
salué son ami «
Bernard«
, il y avait notamment dit que ne pas
intervenir en Syrie reviendrait à
délégitimer l’intervention en Libye.
Mais il avait eu aussi une phrase
ambigüe et alambiquée sur le risque de
voir des pressions s’exercer depuis des
pays limitrophes de la Syrie, et qui
permettraient de ressouder l’opinion
syrienne autour de ses dirigeants.
Songeait-il à la Turquie ? Et notre
homme de proposer plutôt des pressions «
directes
ou indirectes » sur la Russie et
les membres des BRICS. Plus au niveau de
l’Europe un renforcement des sanctions
sur les entreprises et intermédiaires
financiers de Syrie ou travaillant avec
la Syrie. Et Fabius avait conclu sa
péroraison par une élégante pirouette
historique, citant Hérodote, et accusant
Bachar de «
faire la
guerre à son propre peuple« .
Bref,
rhétoriquement et politiquement, Fabius
faisait de la surenchère sur Juppé, et
un concours d’interventionnisme et
d’ingérence avec lui !
Plus récemment, au début de
février dernier, François Hollande l’a
envoyé en mission au Proche-Orient pour
y faire mieux connaître celui qui était
déjà son champion pour la
présidentielle. Et certes, Fabius
n’avait pas fait, alors, escale à Damas.
Préférant rencontrer les responsables
israéliens et qataris – et aussi
palestiniens de Cisjordanie. Le futur
successeur d’Alain Juppé était revenu «
enchanté » de son périple. On espère que
ce n’était pas parce que Shimon Peres et
Ehud Barak lui avaient alors confiés que
les Israéliens étaient prêts à
intervenir en Iran ! Sans surprise, dans
une interview accordée le 5 février au
site israélien
JSS News, Laurent Fabius, agent
électoral de François Hollande, s’était
déclaré un «
ami
d’Israël« . Une figure imposée des
personnalités issues des forces
politiques
mainstream.`
À la limite, sa visite
d’amitié au Qatar est plus inquiétante,
car rechercher l’ »aboubement » de son
candidat auprès des pétro-potentats
wahhabites et pro-OTAN, déstabilisateurs
forcenés du monde arabe, n’est guère
plus sympathique que de quémander le
parrainage israélien.
Il n’y aura donc guère de
changement à attendre de lui sur la
crise syrienne : comme
le veut depuis trente ans au moins les
dures lois de l’alternance française, on
a changé d’atlantiste et de sioniste. Il
devrait faire « aussi bien » que Juppé
en termes de déclarations médiatiques et
de positionnement diplomatique.
Oui, mais dans les actes ? Sa coloration
de gauche socialiste – pour artificielle
qu’elle puisse être – l’obligera –
peut-être – avec une certaine prudence,
et à ne précéder ni l’OTAN ni surtout
l’ONU. Et la prudence de son
présidentiel patron le contraindra
peut-être à réfréner ses ardeurs. Et
puis il y a la modification des rapports
de forces depuis l’été dernier avec la
solidité du régime, l’accélération de la
dérive terroriste de l’opposition et
l’apparition d’al-Qaïda dénoncée par l’
»ami américain ». Et puis bien sûr le
renforcement du pôle international
pro-syrien, qui a réduit l’Occident à
une relative impuissance. Tout cela peut
obliger le tandem Hollande-Fabius à une
plus grande retenue – dans les faits –
que le binôme Sarkozy-Juppé. C »est tout
ce qu’on peut espérer dans l’immédiat.
Pour
finir cet article, disons que, du point
de vue pro-syrien qui est le nôtre,
Laurent Fabius, en dépit de tout ce
qu’on sait déjà de lui, ne pourra
probablement pas être pire – quand bien
même il le voudrait – qu’Alain Juppé.
Ci-dessous, le lien vers l’intervention
de Fabius à la réunion de BHL, le 10
juillet 2011 :
Publié le 17 mai 2012
avec l'aimable autorisation d'Info Syrie
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