Syrie
De l'impuissance
structurelle de l'OSDH et de l'AFP
Louis Denghien
Soldats
syriens dans un quartier d’Alep,
photographiés le 12 novembre : ceux-là,
et aussi la grande majorité des Syriens,
ne sont pas touchés par la propagande de
l’OSDH et de l’AFP,
qui
mouline à vide depuis des mois… (photo
AFP)
Mardi 13 novembre
1012 Lundi, des chars
israéliens ont riposté à la chute d’un
obus de mortier syrien sur le Golan
occupé. Ces tirs israéliens, apparemment
les troisièmes en 48 heures, n’auraient
fait aucune victime, alors que selon des
sources militaires le précédent incident
aurait touché une position d’artillerie
syrienne.
Des obus
politiques
Quoiqu’il en soit, on a
l’impression que Tel-Aviv marche dans
les pas d’Ankara. Il nous semble
d’ailleurs que Netanyahu est dans la
même démarche qu’Erdogan : ses obus sont
politiques, au sens de la politique
intérieure. Au moment où la tension
repart sur la frontière de Gaza, le
tandem Netanyahu/Barak se veut le
défenseur intransigeant de la sécurité
israélienne, et en ce qui concerne le
Golan, le message (les obus) est destiné
autant à l’opinion israélienne
(sollicitée d’ici deux ou trois mois
pour des législatives anticipées) qu’à
Bachar al-Assad. Et, tout comme son
alter ego (et allié objectif) Erdogan,
Netanyahu ne veut pas la guerre, mais
sauver ou maintenir la face,
diplomatiquement et politiquement. C’est
bien pourquoi, comme sur la frontière
turque, les obus n’annoncent aucune
opération militaire majeure. Le fait est
que ni Damas ni Tel-Aviv n’ont intérêt à
un embrasement en l’état actuel des
choses.
Cette évidence n’empêche
pas certains analystes français –
tendance idéologie dominante – de parler
de provocation et de stratégie de la
tension de la part du pouvoir syrien :
ce dernier, en mauvaise posture
intérieure, tenterait d’effrayer ses
voisins par un esquisse ou une menace
d’extension du conflit. Ca conforte la
thèse
mainstream, un peu fatiguée mais
irremplaçable pour notre caste
médiatique, du caractère dangereux et
diabolique du pouvoir syrien. Mais ça ne
correspond pas à la réalité.
Triple
échec militaire, diplomatique et
politique de l’opposition
D’abord, le dit pouvoir
n’est pas aux abois :
-Militairement, il a
contenu partout les soi-disant
offensives de la rébellion : à Alep et
Maarat al-Numan, par exemple, il
continue de regagner du terrain, ce que
reconnait d’ailleurs l’article de l’AFP
de ce mardi matin ; et, faisant fi des
gesticulations d’Erdogan, il poursuit
ses opérations dans le secteur
frontalier nord-est, bombardant
notamment le poste-frontalier de Rass
al-Ain.
À Damas, les scribes de
l’OSDH et de l’AFP
ont bien du mal à entretenir la fiction
d’une nouvelle bataille, en transformant
des attentats à la bombe, des
assassinats ciblés et des incursions et
tirs de mortiers sporadiques à Tadamone,
à Harasta et dans la périphérie sud de
la capitale en une nouvelle offensive
décisive de la rébellion.
On ne prend pas Damas
avec quelques centaines de desperados,
quand plusieurs milliers ont échoué en
juillet/août dernier.
Il est vrai que le patron
de l’OSDH Rami Abdel Rahmane (marchand
de jeans à Coventry dans le civil) est
plein de ressources, et trouve presque
toujours quelque chose pour relancer sa
machine propagandiste. Ainsi, voici
quelques jours, il annonçait la « prise
» de trois nouvelles villes frontalières
par les milices kurdes. Tout est dans
les mots : d’abord, il faut vraiment
beaucoup agrandir une carte satellite de
le Syrie pour qu’apparaissent enfin les
« villes » en question : Ar Darbasiyah
et Amouda sont en fait de petites
bourgades effectivement situées sur la
frontière turque, à quelques kilomètres
à l’ouest de la ville (une vraie ville,
elle), de Qamichli, capitale de fait du
«
Kurdistan syrien« . Ensuite, rien
de nouveau sous le soleil : on sait bien
que Damas a négocié un retrait de cette
région au profit des milices du PYD
kurde-syrien, qui s’opposent très
concrètement, à Alep et dans plusieurs
secteurs frontaliers avec la Turquie,
aux opérations de l’ASL et des
islamistes. L’armée et l’administration
de Damas restant présentes dans les
grandes villes d’ar-Raqqah et d’al-Hassake,
et continuant à mener des opérations en
certains ponts de cette frontière
nord-orientale, notamment dans le
secteur de Tal al-Abyad, poste-frontière
situé à une cinquantaine de kilomètres
au nord d’ar-Raqqah, ou encore, on vient
de le voir, à Rass al-Aïn.
Ca ne
veut pas dire que la montée en puissance
du PYD, allié au PKK, ne pose pas de
problème ou de question à l’unité de la
Syrie, mais c’est un problème qui doit
être négocié après que sera atteint
l’objectif prioritaire : l’éradication
de la rébellion « atlanto-islamiste ».
Au-delà du « buzz »
propagandiste quotidien, on en revint
toujours à cette « vérité structurelle »
: tout simplement, les distorsions,
exagérations et mensonges peuvent
fournir à la grande presse française –
apparemment la meilleure cliente de
l’OSDH – sa ration quotidienne (encore
que bien anémiée depuis des semaines) de
titres sensationnels et pro-opposition,
ils n’en sont pas moins impuissants à
transformer la réalité.
Et la réalité, c’est
que les bandes armes ne peuvent
atteindre aucun objectif majeur, ni le
conserver quand par hasard ils l’ont
atteint ; tout au plus
peuvent-ils s’accrocher, au prix de
pertes sensibles, à leurs positions : on
le voit sur les deux principaux front du
moment, à Alep et à Maarat al-Numan, où
ils reculent « irrésistiblement » et
subissent des saignées.
-Diplomatiquement, la
situation du gouvernement syrien n’est
pas aussi mauvaise que le disent (et le
rêvent) les haut-parleurs – syriens et
occidentaux – de l’opposition : la
nouvelle Coalition nationale de
l’opposition (englobant et maquillant un
CNS démonétisé) a sans surprise été
reconnue par les divers émirs et
roitelets du Golfe, ainsi que par les
Américains et leurs principaux suiveurs
européens. Mais la Ligue arabe n’a pu,
elle, masquer des dissensions à ce sujet
: l’Algérie et l’Irak ont exprimé des «
réserves
» sur la légitimité de cette opposition
repeinte à grands frais par le Qatar ;
et l’on sait que d’autres pays arabes,
comme le Liban, la Mauritanie, voire
Oman et le Yémen, sont eux aussi
réservés quant à la politique syrienne
de la Ligue, quoique plus discrètement.
Et que le Qatar et l’Arabie séoudite
n’ont pu empêcher Morsi, en Égypte,de se
rapprocher de l’Iran.
Et, de toute façon, les
gesticulations de Doha n’impressionnent
pas la Russie qui a tout de suite
demandé à la nouvelle structure de
négocier avec Bachar, ce qu’elle a
aussitôt refusé.
-Enfin,
et on serait tenté de dire surtout,
l’opposition radicale a perdu
politiquement en Syrie : son
radicalisme religieux, sa dimension
étrangère, son indifférence nihiliste
aux dégâts qu’elle cause partout où elle
est en situation de le faire, lui ont
aliéné une bonne part de ses soutiens
populaires initiaux. Même des opposants
déterminés au régime ont commencé à
entrevoir que les bandes armées (la
vraie opposition de terrain depuis
longtemps) ne sont plus dans une
stratégie de révolution, mais de djihad
et de terrorisme :
sous l’empire des faits, le nihilisme et
le fanatisme religieux ont remplacé le
projet politique, si tant est qu’il ait
jamais fait l’objet d’un consensus entre
l’opposition exilée et les différents
groupes armés.
Tout cet article pour dire,
ou plutôt pour redire, que, en dépit de
tout ce qui peut être dit ou écrit par
les nomenklaturistes des médias
français, l’opposition syrienne
manipulée par les émirs et les
néoconservateurs transatlantiques est
dans une impasse totale. Et qu’elle ne
peut que continuer à mener,
mécaniquement, qu’une guerre de
déclarations, d’annonces et de non
événements, en parallèle avec la guerre
d’attentats et de coups de mains de ses
« troupes » sur le terrain.
Les soldats syriens,
la majorité du peuple syrien , et bien
sûr le gouvernement syrien se moquent
des communiqués de l’OSDH, des articles
de l’AFP
et même des gesticulations diplomatiques
de l’Occident.
Publié le 13 novembre
2012 avec l'aimable autorisation d'Info
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