Opinion
Derrière l'enjeu
malien :
la France coloniale cherche à punir
l'Algérie historique
Laid
Seraghni
Mercredi 9 janvier
2013
« La France historique salue
l’Algérie indépendante »
Valéry Giscard d’Estain.
« Une page est
tournée, l’Algérie est d’abord fille de
son histoire, qu’elle ait surmonté
l’épreuve coloniale et même défié
l’éclipse, atteste, s’il en était besoin
de cette volonté inextinguible de vivre
sans laquelle les peuples sont menacés
parfois de disparition »
Houari Boumediene.
Deux mois après le
putsch militaire au Mali de mars 2012,
les rebelles touaregs s’emparent du nord
de ce pays, une région plus vaste que la
France, et déclarent l’indépendance de
l’Azawade*. Le Mali est coupé en deux.
La junte militaire, qui n’est pas
inféodée à la France, tente de négocier.
Mais avec qui ?
Les rebelles
appartiennent à des groupes aux liens
complexes et nébuleux. Ils combattent
côte à côte mais pour des objectifs
différents. Ces groupes sont au nombre
de quatre (1), et leur financement
dépend en partie des rançons versées par
les européens pour la libération des
personnes prises en otage. La Suisse
finance également ces mouvements : «
le département fédéral des affaires
étrangères suisse a participé à
l’organisation et au financement d’une
réunion politique des rebelles touaregs
indépendants du MNLA les 25, 26 et 27
juillet 2012 à Ouagadougou ». (2)
La France se mobilise pour une
intervention militaire
Sous le prétexte
fallacieux du rétablissement de l’ordre
constitutionnel au Mali, n’étant en
réalité que l’ordre colonial établi pour
préserver ses intérêts, la France pousse
à une intervention militaire. L’Algérie,
qui partage une frontière de près de
1.500 km avec le Mali, s’y oppose et par
la voix de son Premier ministre se dit «
favorable au dialogue » (3)
afin de régler la crise.
De toute évidence,
une intervention étrangère militaire au
Mali affectera et déstabilisera tous les
pays de la région du Sahel. Et notamment
l’Algérie dont les frontières sont si
grandes que l’Etat ne peut contrer les
infiltrations des groupes terroristes
d’Al Qaida et l’afflux des populations à
la recherche d’un refuge sur son
territoire.
Cette intervention
contraindrait l’Algérie à envisager
l’option militaire pour protéger ses
frontières et les populations
algériennes dans la région de Kidal
(Mali). L’armée algérienne aura en face
les rebelles d’Ansar Eddine, Al Qaida au
Maghreb islamique et du Mouvement pour
l’unicité et le djihad. L’Algérie
privilégie le dialogue pour résoudre
cette crise avec le groupe Ansar Eddine
espérant éviter l’intervention
militaire. L’Occident semble douter des
visées algériennes, et soupçonne les
dirigeants de vouloir faire passer sous
contrôle algérien la région de Kidal,
une région convoitée pour ses gisements
d’uranium et d’or.
Pourquoi cet
Occident, qui ailleurs cherche à
démembrer les États, n’encourage-t-il
pas les Touaregs à constituer un «
État dépendant » au nord du Mali
dans une région riche ?
L’intégrité
territoriale du Mali ou le démembrement
de l’Algérie ?
La France est
impliquée de manière directe dans la
question malienne, notamment depuis les
années 1990.
Cette crise n’est
qu’une étape pour atteindre in fine
l’Algérie, dont le sud est cerné par
l’armée française qui opère en Libye, en
Côte d’Ivoire, au Niger, en Mauritanie,
au Tchad et au Mali.
Sarkozy,
faisant abstraction des accords de paix
signés à Tamanrasset le 6 janvier 1991
sous l’égide de l’Algérie entre le
gouvernement malien et le MNLA, a
affirmé, une semaine après la
déclaration de l’indépendance de
l’Azawade, vouloir « travailler avec
les Touaregs pour voir comment ils
peuvent avoir un minimum d’autonomie
» (4). Il ignore l’autonomie accordée
aux populations des trois régions du
nord du Mali « qui géreront leurs
affaires régionales et locales par le
bais de leurs représentants dans des
assemblées élues, selon un statut
particulier consacré par la loi »
(5). La France torpille ainsi cet accord
qui ne fait qu’éloigner totalement le
projet de création de l’Organisation
Commune des Régions Sahariennes(6) «
cette chose étrange qui s’appelait OCRS,
une machinerie juridique à travers
laquelle la France avait espéré
maintenir une souveraineté sur le Sahara
». (7)
L’entremise française
dans l’armement des terroristes du Sahel
a été soulevée par le Le temps
d’Algérie, du 11 septembre 2011. «
Les services de renseignements
français qui organisent le trafic des
missiles libyens ; un lot de 20.000 Sam
7 russes ou stringer américains sont
passés aux mains d’Al Qaida au Maghreb
islamique (AQMI) » (9).
La France
cherche par les armes à réaliser un rêve
colonial
Les prédateurs
occidentaux, notamment la France,
trouvent dans la crise malienne une
occasion pour mettre l’Algérie dans sa
ligne de mire.
Dans cette région
l’Algérie est incontestablement le pays
le plus puissant et le plus important en
termes économique, militaire et/ou
géographique. L’Algérie, depuis la
colonisation, avait toujours revendiqué
son indépendance et sa souveraineté. La
révolution algérienne de 1957 a fait
avorter le projet de création d’un Etat
indépendant touareg contrôlé par la
puissance coloniale. L’Algérie refuse de
recevoir sur son territoire des bases
françaises dont la mission principale
consiste en une surveillance et des
pressions sur l’Etat algérien.
Depuis les années 60,
la France a toujours voulu installer une
base militaire à Mopti, chose que les
autorités maliennes ont refusé depuis le
président Modibo Keïta,
dont De Gaule disait «
qu’il est le seul chef devant lequel
il n’était pas obligé de baisser la tête
pour lui parler »(10).
L’affaiblissement de ce pays est
envisagé par Paris en permettant à la
MNLA de conquérir le nord du Mali, en
venant de la Libye. La France, dont les
mirages survolaient la Libye, qui
dispose de bases militaires au Tchad et
contrôle le Niger, aurait pu facilement
intercepter les colonnes des rebelles
puissamment armés grâce aux arsenaux
libyens se dirigeant de la Libye vers le
Mali, si elle tenait vraiment à
l’intégrité de ce pays.
Selon le
docteur Assadek Aboubacrine,
universitaire malien, la France aurait
passé un deal avec le MNLA : « La
France s’engage à soutenir
financièrement, diplomatiquement et
stratégiquement les séparatistes
jusqu’au bout, c’est-à-dire jusqu’à ce
qu’ils atteignent leurs objectifs. En
contrepartie, les séparatistes
s’engagent à éradiquer l’AQMI du Nord du
Mali et aussi à confier aux sociétés
françaises l’exploitation du pétrole du
Nord » (11).
Pour que les projets
des États-Unis et des Européens se
réalisent dans cette région, il faut
impérativement déstabiliser l’Algérie,
en permettant aux Touaregs de s’équiper
en armement, à partir des stocks
libyens, et en les laissant transiter
librement par le Niger, sous contrôle de
la France, pour rejoindre le Nord du
Mali, proche de la ville algérienne de
Tamanrasset. Quatre objectifs sont fixés
dont l’aboutissement serait d’amputer le
pays de sa partie saharienne :
1- Affaiblir le mali
et l’amener à recevoir sur son sol des
militaires français à Mopti ;
2- Confier
l’exploitation des gisements d’or, du
pétrole et autres minerais à la France;
3- Briser les
relations algèro-maliennes ;
4- Contrôler la
région saharo-sahélienne géostratégique
et riche en minerais stratégiques.
Pourquoi la
France cherche-t-elle à affaiblir
l’Algérie ?
Quiconque suit les
relations entre l’Algérie et la France
comprendra que ce n’est pas le Mali qui
suscite l’attention de la puissance
française, mais bien l’Algérie.
La classe politique
française n’a jamais pardonné
l’indépendance de l’Algérie ayant ouvert
la voie à la décolonisation en Afrique.
Depuis juillet 1962, La France
entretient des relations avec l’Algérie
qui s’inscrivent dans le prolongement de
la pensée coloniale. L’Algérie
historique doit être punie pour les
raisons suivantes :
1- Lors des
négociations, l’Algérie n’a pas voulu
d’une indépendance avec une souveraineté
réduite et une intégrité territoriale
amputée du Sahara.
2- Elle n’a pas
accordé à la France ce que certains pays
africains avaient concédé au titre du
pacte colonial de 1961. Ces derniers
facilitaient « au profit des forces
armées françaises, le stockage des
matières premières et produits
stratégiques **, lorsque les intérêts de
la Défense l’exigent, elles limitent ou
interdisent leur exportation à
destination d’autres pays » (12)
3- L’Algérie n’a pas
voulu faire partie de la zone monétaire
CEFA (13). Les pays africains qui
appartiennent à cette zone, dirigée par
la France, placent 65 % de leurs
recettes d’exportation sur un compte du
trésor français. Ainsi, la Banque de
France dispose d’importantes réserves en
devises pour faire face à ses dépenses
courantes au moment où des millions
d’Africains ne perçoivent pas leurs
salaires par manque de liquidités.
De Gaulle avait
raison quand il déclarait que « la
France n’a pas d’amis, elle n’a que des
intérêts ».
Références :
* Azawade : trois
régions du Mali Gao, Tombouctou et Kidal
population arabo-berbère.
** Les matières
premières et les produits stratégiques
sont classés en deux catégories :
· La première catégorie : les
hydrocarbures liquides ou gazeux.
· La deuxième catégorie : l’uranium, le
thorium, le béryllium, leurs minerais et
composés.
(1) Les groupes
armés au sahel.
·
Le Mouvement national de libération de
l’Azawade (MNLA)
d’obédience laïque est le plus
important, il se bat pour l’indépendance
de l’Azawade depuis 1990
·
Les groupes islamistes
composés essentiellement des touaregs
revenants de Libye. Leur retour est
encouragé par l’OTAN qui a fermé les
yeux sur le transit par le Niger, sous
contrôle de la France, d’une partie de
l’arsenal libyen.
·
Le groupe islamiste salafistes Ansar
eddine (l’armée de la religion).
Il se bat pour l’application de la
charia, loi islamique, sur tout le
territoire malien. Il aurait reçu un
renfort des combattants de l’Al Qaida au
Maghreb islamique (AQMI) dont la base
est le Nord du Mali.
·
Le groupe pour l’unicité et le djihad en
Afrique de l’ouest (MUJAO),
dissident de l’AQMI.
(2) Courrier
international du 8 décembre 2012.
(3) LeFigaro.fr du 6
avril 2012.
(4) Le Monde du 13
avril 2012.
(5) Alter Info du 8
décembre 2012
(6) Cette
organisation consistait à rassembler les
régions sahariennes d’Algérie, du mali,
de la Mauritanie, du Niger et du Tchad.
L’Algérie a empêché la réalisation de ce
projet et le contrôle de la bande
saharo-sahélienne riche en minerais
stratégiques pour l’Occident.
(7) Terrain n° 28
mars 1997. Miroir du colonialisme «
Charles de Foucault face aux touaregs.
Rencontre et malentendu »
(8) Le Grand Soir du
1er mai 2012.
(9) Le temps
d’Algérie du 11 septembre 2011
(10) Site Modibo
Keita
(11) Mediapart du 18
avril 2012.
(12) AFRICA HUMAIN
VOICE-Fédération africaine.
(13) Franc des
colonies françaises d’Afrique crée le 26
décembre 1945 par la France, devenu
depuis 1958 franc de la communauté
française d’Afrique.
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Cercle des Volontaires.
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Publié le 10 janvier 2013
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