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Le Quotidien d'Oran
Quand même la
solution du fusible est impossible
Kharroubi Habib
Dimanche 9 janvier 2011
Bien que le détonateur apparent de l'explosion populaire qui
secoue le pays depuis mardi dernier soit la flambée des prix
intervenue à l'entame de la nouvelle année, les émeutes qui se
propagent partout ne sont pas les «émeutes de la faim». C'est
tout un condensat de revendications sociales et politiques qui
en est la véritable cause. La hausse des prix n'a fait que
précipiter les événements. C'est pourquoi le pouvoir commettrait
une faute gravissime s'il se contente en guise de réponse au
mouvement de contestation populaire des seules mesures annoncées
par le ministre du Commerce.
Le mutisme observé par le chef de l'Etat et son Premier
ministre est la preuve manifeste qu'ils sont conscients que la
colère populaire a des fondements dont ils ne peuvent admettre
la justesse sans reconnaître que leur gouvernance est au cœur
des problèmes l'ayant suscitée. Les jeunes qui sont dans la rue
sont en révolte contre cette gouvernance. Et même si «une main»
a voulu orienter leur colère sur un segment de la classe
dirigeante en charge de cette gouvernance, ces jeunes ne font
pas de «distinguo» et englobent dans leur remise en cause tous
les tenants du pouvoir en place.
En octobre 88 le pouvoir avait sacrifié en guise de boucs
émissaires certaines de ses figures. Il n'est pas sûr que cette
fois une opération du même genre puisse avoir un effet apaisant.
C'est pourquoi il faut au contraire s'attendre à ce que ce
pouvoir fasse front à la contestation populaire en s'affichant
uni malgré la sourde lutte interne qui oppose ses segments. Il
n'a pas d'autre solution, pas même celle du «fusible». En tout
cas, le chef de l'Etat s'est ôté celle-ci en concentrant le
pouvoir entre ses mains et en ayant instauré la conviction que
tout ce qui se fait et se décide dans le pays émane de sa seule
autorité.
S'il faut donc s'adresser aux émeutiers, seul le chef de l'Etat
doit le faire. Que peut dire celui-ci pouvant les calmer? Sinon
que sa gouvernance est mauvaise, qu'elle n'a pas tenu les
promesses et engagements pris par lui. Mais dire cela sans en
tirer la conclusion qui s'impose ne mènera à rien. Bouteflika ne
veut manifestement pas se résoudre à cette extrémité et s'emmure
dans le mutisme avec l'espoir que la colère populaire s'éteindra
aussi vite qu'elle a explosé. Mais voilà cela fait cinq jours
que les émeutes secouent le pays et les jeunes manifestants
semblent déterminés à installer leur révolte dans la durée. Un
scénario qui se précise avec le durcissement des affrontements
entre eux et le service d'ordre. Durcissement qui fait que l'on
enregistre morts d'hommes maintenant alors que malgré la
violence et le vandalisme qui ont été à l'œuvre les premiers
jours, la confrontation n'avait pas donné lieu à un macabre
bilan.
L'enchaînement des faits tel qu'il se produit ne permet pas
d'envisager un retour «à la normale» rapide. Même si cela doit
néanmoins advenir, les émeutes que vit l'Algérie ont
irrémédiablement installé la fracture entre le peuple et le
pouvoir. Celui-ci ne pourra plus désormais entretenir la fiction
de sa légitimité populaire. Quant à ses relais politiques que
sont les partis de l'alliance présidentielle, ils sont apparus
pour ce qu'ils sont en ces moments cruciaux. Des coquilles vides
incapables de prendre sa défense.
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