Opinion
Le parti de la
France n'est pas là où on le pense
Kharroubi Habib
Mardi 6 septembre
2011
Cinquante ans après son indépendance
pourtant chèrement payée, l'Algérie
est toujours arrimée à son
ex-puissance colonisatrice par des
liens dont la persistance et
l'aspect parfois léonin montrent à
quel point est factice le discours
antifrançais, dont, depuis l'aube de
cette indépendance, se gargarisent
dans le pays la prétendue «famille
révolutionnaire» et les pouvoirs
successifs auxquels elle sert de
socle social.
A un moment ou à un autre, ces
pouvoirs ont usé de ce discours en
tant qu'arme de diabolisation et de
discrédit à l'encontre de toute
opposition interne s'aventurant à
remettre en cause leur «légitimité»,
censée émaner du combat libérateur
mené contre la présence et la
colonisation françaises. Etre traité
«d'agent de la France» équivalait
pour les opposants à ces pouvoirs à
leur retranchement définitif de la
société algérienne et à la
dénégation absolue de leur sentiment
patriotique.
Or, cinquante années d'indépendance
ont passé et malgré les postures
antifrançaises «pures et dures» de
cette «famille révolutionnaire» et
des pouvoirs qui se sont succédé, la
France est toujours présente en
Algérie, jouissant d'une capacité
d'influence sur les affaires
algériennes, qui les infirment
totalement. En dépit, il est vrai,
de moments tumultueux ayant marqué
les relations algéro-françaises,
l'ex-puissance coloniale conserve
encore en Algérie un droit de
regard, dont les pouvoirs algériens,
pourtant «sourcilleux» du point de
vue de la souveraineté nationale, se
sont étonnement accommodés.
En Algérie, il existe effectivement
un «hisb França», qu'il ne faut pas
chercher du côté des adversaires
intérieurs du pouvoir, mais dans le
sérail de celui-ci. Ce n'est pas en
effet l'opposition, à quelque moment
que ce soit depuis l'indépendance,
qui a conforté la présence
française. Ce sont les pouvoirs en
place qui ont fait qu'il en soit
ainsi. Jamais ces pouvoirs au
discours antifrançais, parfois
enrobé, souvent franchement
excessif, n'ont œuvré à couper le
cordon ombilical de la dépendance
algérienne à l'égard de
l'ex-puissance coloniale. Il en
résulte que cinquante ans après
l'ère coloniale, la France est le
principal partenaire économique de
l'Algérie, son premier fournisseur.
Situation qui, à l'évidence, ne
choque nullement la «famille
révolutionnaire», qui, à chaque fois
qu'elle sent monter le
mécontentement populaire, enfourche
la même rengaine antifrançaise.
L'Algérie a eu et a encore
l'opportunité de s'extraire du «pré
carré» que la France néocoloniale
s'obstine à considérer comme sien.
Elle aurait pu et peut encore le
faire en diversifiant la coopération
et le partenariat avec d'autres
puissances étrangères. Sauf que le
pouvoir en Algérie est habité par le
«complexe du colonisé», qui en fait
le jouet des dessins de
l'ex-puissance colonisatrice. La
fascination française, avec tout ce
qu'elle a d'effet soporifique sur le
sentiment patriotique de la classe
dirigeante algérienne post
indépendance, est vraiment la
réalité tangible qui explique la
pérennité de l'influence et du
pouvoir d'ingérence de la France
dans l'Algérie indépendante.
La commémoration prochaine du 50e
anniversaire de l'indépendance sera
l'occasion pour cette classe
dirigeante de nous abreuver de
tirades patriotiques, poudre aux
yeux avec laquelle elle cherchera à
masquer le lien de dépendance
qu'elle entretient avec
l'ex-puissance coloniale. Kouchner a
eu tort d'estimer que la France sera
gagnante au retrait du pouvoir en
Algérie de cette génération de
dirigeants qui l'a confisqué depuis
l'indépendance.
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