Opinion
Poker menteur
K.
Selim
La centrale de Bouchehr - Photo: RIA
Novosti
Mardi 8 novembre
2011
On criera encore à la manie
araboberbère de voir du complot,
mais prenons le risque. La
propagande soudaine destinée à
rendre acceptable l'idée d'un
bombardement de l'Iran paraît
succéder au présumé complot style
pieds nickelés que le pays des
mollahs aurait ourdi contre
l'ambassadeur saoudien aux
Etats-Unis. Le fait est passé comme
une vérité et les médias «sunnites»
des rois ont rejoué la partition de
la menace chiite. Simple et
efficace. L'Iran n'est pas sunnite,
il faudra donc le bombarder. Aussi
net. Et parions qu'il se trouvera
des «savants» qui édicteront la
fatwa de circonstance si les émirs
la commandent.
On est à chaque fois dans ce
dossier iranien dans le domaine des
assertions de services invérifiables
mais que l'on doit puisqu'elles sont
le fait des Occidentaux qui ne
mentent jamais, n'est-ce pas ?
croire sur parole.
Dans ce long dossier nucléaire
iranien, le seul vrai reproche avéré
que l'on fait à l'Iran réside dans
le «potentiel» de ses savants. Ils
peuvent faire la «chose» s'ils le
veulent. Et dans l'esprit de ceux
qui ont le monopole de la terreur
nucléaire, «pouvoir faire la chose»
équivaut à la faire. Dans une telle
situation, aucune garantie ne peut
être donnée par l'Iran. Comment
garantir que les neurones de ses
savants ne fonctionneront pas un
jour…?
Beaucoup notent d'ailleurs que
c'est cette accumulation persistante
de menaces qui rend «rationnelle»
l'idée de posséder une arme
nucléaire pour s'en protéger. Mais
ce sont des idées trop iconoclastes.
On est sommé donc de croire les
services occidentaux qui ne mentent
jamais ! Et qui informent sans
aucune autre intention que celle de
faire la vérité et de la transmettre
à l'AIEA. Un vrai conte de fées dans
une scène internationale où seul le
rapport de forces fonctionne. Rester
sceptique - ce qui veut dire
n'exclure aucune hypothèse et
soumettre les «preuves» à l'examen
critique - comporte le risque de se
faire classer irrémédiablement dans
la case, péjorative, des «
conspirationnistes». Et pourtant…
Sur quoi se base le discours
guerrier contre l'Iran déclenché à
partir d'Israël avec des fuites
orchestrées sur une attaque contre
les installations nucléaires de ce
pays ? Sur un rapport de l'AIEA qui
sera rendu public aujourd'hui et qui
renforcerait les «soupçons» des
Occidentaux. Et les articles de
presse nous expliquent benoîtement
que ce rapport de l'AIEA se baserait
en bonne partie sur des éléments
fournis par des services de
renseignements occidentaux. La
boucle est ainsi bouclée.
Tous les services secrets du monde
mentent, manipulent et désinforment.
Sauf ceux des Occidentaux, qui ne
cachent pas pourtant que l'Iran est
une cible et un ennemi à abattre.
Imaginer donc que les services
occidentaux fabriquent de fausses
preuves et orientent l'action de
l'AIEA dans le sens de leur but de
guerre est plausible… Mais dans la
propagande dominante, cela ne serait
qu'un avatar de la théorie du
complot. On ne sait pas si l'Iran a
un programme militaire caché ou non.
Mais on sait que quoi que l'Iran
dise ou fasse, il sera toujours
considéré comme suspect.
Ce qu'on exige de lui n'est pas de
renoncer à un programme militaire
mais de renoncer au «savoir» dans le
domaine du nucléaire. Et n'en
déplaise aux propagandistes, ce sont
deux choses différentes. Finalement,
dans ce poker menteur, la seule
incertitude qui a empêché de
bombarder l'Iran réside dans la
forme et l'ampleur de sa riposte.
Contrairement à l'Irak de Saddam
Hussein, «bombardé» par les médias
grande puissance militaire, l'Iran
aurait une sérieuse capacité de
nuisance. Qui pourrait embraser
toute la région et porter les prix
du pétrole à un niveau insupportable
pour les économies occidentales.
Il y a une logique de guerre dans
l'air. La seule chose qui freine une
attaque contre l'Iran réside aussi
dans le mystère que ce pays
entretient sur ses capacités de
riposte. C'est un équilibre fragile.
A la merci des Folamour qui
n'existent pas qu'au cinéma.
Le
dossier Iran
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