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Dossier Lieberman
Avigdor
Lieberman : le vrai visage d’Israël
Julien Salingue
novembre
2006
Avigdor
Lieberman, homme politique ouvertement raciste vient de rejoindre
le gouvernement israélien. Le leader du parti Israël Beitenou (« Notre
maison Israël ») est nommé Vice-Premier Ministre et
« Ministre aux Menaces stratégiques », un poste créé
spécialement pour lui et dont la principale tâche est de gérer
le « dossier du nucléaire iranien ». Olmert, fragilisé
après l’échec de l’expédition libanaise, avait besoin de
renforcer sa majorité. C’est chose faite. Tous ceux qui avaient
analysé les élections israéliennes comme témoignant d’un
« glissement vers la gauche » de l’échiquier
politique en sont pour leurs frais. A l’heure où l’Etat d’Israël
multiplie les exactions et asphyxie tout un peuple, cette nouvelle
n’est guère rassurante. Mais elle n’est pas surprenante.
Le programme de Lieberman :
exécutions et nettoyage ethnique.
Lieberman
s’est rendu célèbre pour ses propositions les plus « radicales »
: bombarder les centres commerciaux, les banques et les stations
essence de Cisjordanie et de Gaza (mars 2002), expulser tous les
Palestiniens d’Israël qui refuseraient de prêter un serment de
loyauté à l’Etat juif (juin 2002), noyer les prisonniers
politiques palestiniens dans la Mer morte (juillet 2003),
exécuter les députés palestiniens à la Knesset qui ont
des contacts avec le Hamas ou qui ont commémoré l’expulsion de
1948 (mai 2006)… Récemment il déclarait : « Je
suis tout à fait favorable à la démocratie mais lorsqu’il y a
contradiction entre les valeurs démocratiques et les valeurs
juives, les valeurs juives et sionistes sont prépondérantes »
(entretien au journal HaZofeh, septembre 2006).
Au-delà
de ces déclarations, Lieberman n’a jamais caché qu’il avait
un projet très clair pour régler la question palestinienne :
nettoyage ethnique et constitution de cantons. Dès 2001, il
proposait de constituer 4 cantons en Cisjordanie, hermétiquement
fermés, dans lequel seraient regroupés les Palestiniens. Plus récemment,
il a agrémenté ce projet d’une solution pour les Palestiniens
d’Israël, qui sont plus d’un million. Il propose d’en déplacer
la grande majorité pour les regrouper eux aussi dans des zones
hermétiquement fermées, auto-administrées. Ainsi verrait le
jour un « Etat juif ethniquement pur » de la Mer Méditerranée
jusqu’au Jourdain, abritant en son sein des bantoustans
palestiniens.
Les masques tombent
Il
est donc légitime de s’émouvoir de son arrivée à un poste-clé
du gouvernement Olmert. Mais derrière l’émotion de certains,
notamment au Parti Travailliste et plus généralement dans le
« camp de la paix » en Israël, se cache une certaine
hypocrisie. En effet une bonne partie de ceux qui dénoncent son
intégration au gouvernement le
font en sous-entendant que le gouvernement Olmert va changer de
nature. En France, les Guignols de l’Info ont poussé le vice
jusqu’à en appeler à Ariel Sharon (sur le mode « Réveille-toi
ils sont devenus fous… »).
Les
pitoyables déclarations du numéro 1 du Parti travailliste (« Il
est clair pour moi que Lieberman a une vision du monde extrémiste
et scandaleuse mais nous resterons [au gouvernement] pour
que cette vision du monde ne s'impose pas » (dépêche
Reuters, 29 octobre)) ne doivent pas faire illusion. Les idées de
Lieberman sont déjà au pouvoir, une bonne partie de sa politique
est déjà mise en pratique. Aujourd’hui, en Cisjordanie, les
cantons existent de fait et le bouclage de ces « zones
autonomes » est permanent. Les exécutions extra-judiciaires
sont quotidiennes. Le bombardement des infrastructures civiles de
la bande de Gaza a eu lieu cet été. Sans Lieberman…
« Qu’est-ce qui changera au juste ? Israël se lancera dans une guerre
superflue ? (…) Le racisme à l’égard des citoyens arabes
d’Israël va croître ? L’armée d’occupation se rendra
cruelle envers les Palestiniens ? Mais tout cela, le gouvernement,
dans sa composition actuelle, nous le dispense déjà en
abondance, et la participation de Lieberman fera seulement tomber
le masque » (Gidéon Levy, Haaretz, 15 octobre). Même
s’il y a des nuances dans le ton et des divergences ponctuelles,
son projet d’un Etat juif sur le plus de territoire possible
avec seulement quelques réserves pour les autochtones
palestiniens est vieux comme le sionisme. Et c’est le projet de
la très grande majorité de la classe politique israélienne.
Ancien militant et dirigeant du Likoud, « Lieberman
n’est en réalité qu’une créature de l’establishment
politique israélien » (Jonathan Cook, Electronic
Intifada, 25 octobre).
Les grandes
puissances se taisent : une surprise ?
« Vous comprendrez que nous ne pouvons pas interférer dans la
constitution d’un gouvernement étranger. C’est de la seule
responsabilité de l’Etat concerné » (Cristina Gallach,
porte-parole officielle de Javier Solana, citée par Ali Abunimah,
Electronic Intifada, 26 octobre). Difficile de garder son calme
lorsque l’on sait que l’Union européenne suspend ses
subventions à l’Autorité Palestinienne depuis que le
gouvernement est dominé par le Hamas, où quand on se souvient
que l’arrivée d’Haider au pouvoir en Autriche, en 2000, avait
entraîné des sanctions diplomatiques contre le nouveau
gouvernement, au nom des « valeurs » de l’UE,
selon… Javier Solana.
Au-delà
du fait que l’Etat d’Israël bénéficie d’une impunité
sans commune mesure, c’est bel et bien parce que l’arrivée de
Lieberman ne change pas qualitativement le gouvernement
Olmert-Peretz que la « communauté internationale » se
tait. Car dénoncer le projet politique du leader d’Israël
Beitenou, c’est aussi s’attaquer au projet, à long terme, de
Kadima et de leurs alliés travaillistes. Les Etats-Unis et l’UE
se taisent depuis des décennies. Pourquoi se réveilleraient-ils
maintenant ? Ce n’est pas sur eux que nous devons compter,
ni sur ceux qui s’offusquent de la présence de Lieberman au
gouvernement mais qui se taisaient encore il y a quelques
semaines.
Dénoncer
l’arrivée de Lieberman au gouvernement israélien ne doit pas
nous amener à décerner un brevet de démocratie et
d’antiracisme à Olmert et Peretz, qui ont largement démontré
qu’eux aussi plaçaient le projet sioniste au-dessus de tout. La
présence de Lieberman doit être l’occasion, pour tous ceux qui
sont solidaires des Palestiniens, de recentrer la critique de la
politique israélienne sur l’essentiel : le caractère
intrinsèquement raciste et colonialiste du projet sioniste et de
l’Etat d’Israël.
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