Opinion
Les États-Unis
développent leurs plans pour
une intervention militaire en Syrie
Joseph
Kishore
Jeudi 25 avril 2013
Les États-Unis et les principales
puissances européennes intensifient
leurs plans pour une intervention
militaire directe en Syrie.
L'objectif des
manœuvres américaines, y compris de la
série de visites diplomatiques cette
semaine, est de s'assurer de la chute du
président Syrien Bashar el-Assad, un
allié essentiel de l'Iran, tout en
mettant en place un gouvernement qui
opérera sous le contrôle de Washington.
La semaine
dernière, des responsables américains de
haut rang ont annoncé qu'ils
déploieraient 200 soldats en Jordanie,
qui borde le Sud de la Syrie. Ces
responsables ont clairement dit que
c'était un premier déploiement de forces
pour établir des centres de commandement
près de la frontière syrienne, ouvrant
la voie à l'envoi de 20 000 soldats ou
plus dans les mois qui viennent.
Cet acte
d'agression militaire a été suivi cette
semaine par une série de menaces et de
promesses d'un soutien accru aux forces
de l'opposition syrienne.
Répondant à des
accusations non confirmées de la part
d'Israël selon lesquelles la Syrie
aurait utilisé des armes chimiques, le
ministre des Affaires étrangères
américain John Kerry a déclaré lors
d'une réunion de l'OTAN à Bruxelles
mardi qu'il était nécessaire de «
réfléchir attentivement et
collectivement à la manière dont l'OTAN
s'est préparé à répondre pour protéger
ses membres contre la menace syrienne, y
compris toute menace potentielle à
l'arme chimique. »
Le gouvernement
Obama a précédemment déclaré que l'usage
des armes chimiques est une « ligne
rouge » qui déclencherait une réaction
agressive.
Le secrétaire
général de l'OTAN, le général Anders
Fogh Rasmussen a ajouté que les membres
de l'alliance, qui comptent le voisin du
Nord de la Syrie, la Turquie, « ont tous
les plans prêts pour assurer la défense
et la protection effectives de la
Turquie. »
Les accusations
israéliennes sur les armes chimiques
s'appuient sur des photographies
envoyées par les forces de l'opposition
concernant une bataille qui a eu lieu à
Alep le 19 mars. Le régime d'Assad a
affirmé que c'étaient les rebelles, et
non les forces gouvernementales, qui ont
utilisé ces armes.
La semaine
dernière, la Grande-Bretagne et la
France ont lancé leurs propres
accusations d'usage d'armes chimiques
dans une lettre adressée au secrétaire
général de l'ONU, Ban Ki-Moon, en
s'appuyant sur des prélèvements de sols
fournis par les forces qu'ils
soutiennent.
Le ministre des
Affaires étrangères russe, Sergei Lavrov
a noté que les États-Unis et les
puissances européennes ont bloqué une
enquête sur ces allégations d'usage
d'armes chimiques. « Au lieu d'envoyer
un groupe d'experts vers un endroit
précis près d'Alep, comme cela avait été
promis, ils ont commencé à demander que
les autorités syriennes leur donne accès
à toutes les installations sur le
territoire syrien. Puis ils ont commencé
à demander qu'on les autorise à
interroger tous les citoyens sur le
territoire syrien. »
Il a ajouté, «
c'est une tentative de politiser la
question et une tentative de présenter à
la Syrie les mêmes exigences qui ont été
présentées à l'Irak il y a longtemps,
quand ils cherchaient des armes
atomiques. »
Le gouvernement
Obama n'a pas encore officiellement
adopté la position selon laquelle la
Syrie a utilisé des armes chimiques, il
cherche à gagner du temps pour préparer
son escalade militaire et assembler puis
ravitailler une coalition suffisante
pour prendre le pouvoir à Assad.
Au cours du
week-end, lors d'une réunion à Istanbul
réunissant les 11 membres « principaux »
du Groupe des amis de la Syrie, Kerry a
annoncé que les États-Unis doubleraient
leur assistance « non-létale » aux
soi-disant « rebelles » jusqu'à 250
millions de dollars.
D'après Reuters, un
responsable américain a déclaré vendredi
que cette aide « pourrait inclure pour
la première fois des équipements de
soutien sur le champ de bataille comme
des gilets pare-balles et des lunettes
de vision de nuit. » L'agence
d'information continue, « les
responsables américains ont dit par le
passé que ces équipements pourraient
comprendre des véhicules blindés et des
moyens de communication sophistiqués,
mais Kerry n'a donné aucun détail. »
Avec un cynisme
sans bornes, Kerry, haut responsable
d'un Etat qui a attisé une guerre civile
sectaire en Syrie, après avoir infligé
une catastrophe en Irak, a déclaré
qu'une intervention accrue était
nécessaire pour empêcher la Syrie d'«
être déchirée et peut-être partagée en
plusieurs enclaves [avec le] risque de
violences sectaires que cette région ne
connaît que trop bien. »
Lundi, l'Union
européenne a annoncé qu'elle allait,
elle aussi, étendre son aide à
l'opposition syrienne, tout en
permettant aux importateurs européens
d'acheter du pétrole aux groupes syriens
pro-occidentaux.
Depuis le début de
leurs efforts pour déclencher une guerre
civile en Syrie, les États-Unis se sont
appuyés lourdement sur les forces
islamistes fondamentalistes, en
particulier le front Al Nusra, qui a
officiellement déclaré son allégeance à
Al Qaïda récemment. L'Arabie saoudite et
le Qatar ont donné des armes à ces
forces, pendant que les États-Unis se
sont engagés dans des opérations
secrètes pour envoyer des forces
islamistes depuis la Libye et d'autres
pays pour contribuer à la campagne
contre Assad.
Cependant, tandis
que Washington se prépare à des efforts
plus directs pour faire tomber Assad, il
y a des inquiétudes sur le fait que ces
forces pourraient arriver au pouvoir,
prendre le contrôle des réserves d'armes
chimiques et constituer une menace pour
les intérêts américains et leurs alliés,
dont Israël.
Lors de la réunion
de la fin de cette semaine, où Kerry a
annoncé des projets pour doubler l'aide
américaine, il est parvenu à un accord
sur le fait que tous les fonds du groupe
des Amis de la Syrie passeraient par le
commandement militaire de l'opposition,
présidé par Salim Idriss, un ex-général
de l'armée d'Assad qui est maintenant
proche des Américains. Le gouvernement
Obama espère qu'Idriss sera en mesure de
bricoler un gouvernement, comprenant des
sections de l'armée syrienne, et qui
servira de bon intermédiaire pour les
intérêts américains.
La décision
d'envoyer de l'argent en passant par
Idriss a été, d'après Kerry « l'une des
choses les plus importantes sur
lesquelles un accord a été conclu » lors
de la réunion.
Obama lui-même a
rencontré mardi l'Émir du Qatar Hamad
bin Khalifa al-Thani, un des principaux
pourvoyeurs d'armes à l'opposition
syrienne, discutant, entre autres
choses, du futur des envois d'armes. Les
tensions sont montées entre le Qatar et
l'Arabie saoudite, d'un côté, et
Washington, de l'autre, parce que ces
deux Etats du Golfe ont envoyé
l'essentiel de leur aide militaire à des
milices jihadistes, y compris celles qui
sont liées à Al Qaïda.
Obama a dit que ces
deux pays doivent « poursuivre une
stratégie commune » pour être « une
force pour le bien de toute la région. »
S'exprimant aux côtés du chef de cette
pétromonarchie réactionnaire, il a
ajouté que la « grande tragédie » qui se
déroule en Syrie pourrait être résolue
si le gouvernement actuel « trouve une
voie de sortie, et que de nouvelles
personnes qui croient en la démocratie
prennent sa place. »
Le ministre de la
Défense américain Chuck Hagel a
entrepris un voyage dans tout le
Moyen-Orient, comprenant Israël, la
Jordanie, l'Arabie saoudite, l'Égypte et
les Émirats arabes unis (EAU). Il met au
point les derniers détails d'un accord
de vente d'armes à Israël, à l'Arabie
saoudite et aux EAU qui se monte à 10
milliards de dollars et dirigé contre
l'Iran. D'après le New York Times,
l'ensemble comprend « des appareils à
décollage vertical Osprey, qui peuvent
servir à transporter des troupes et à
patrouiller les frontières et les côtes,
» deux dizaines d'avions de combat F-16
pour les EAU, et des missiles air-sol
guidés de précision pour les EAU et
l'Arabie saoudite.
« Deux des systèmes
qui doivent être vendus à Israël, une
nouvelle génération d'appareils de
ravitaillement en vol et des missiles
sophistiqués qui se guident sur les
signaux radars pour détruire les sites
de défense anti-aérienne, seraient
importants pour toute attaque contre les
sites nucléaires iraniens, » a noté le
Times.
En Israël, Hagel a
dit dimanche que les ventes d'armes
étaient « un autre signal clair adressé
à l'Iran. » Il a ajouté, en faisant
référence aux États-Unis et à Israël, «
c'est une période difficile et
dangereuse, c'est une période où amis et
alliés doivent rester proches, plus
proches que jamais. »
À la suite de sa
réunion avec le Premier ministre
israélien Benjamin Netanyahu, Hagel a
fait escale à Amman en Jordanie, pour
des discussions avec le plus haut
commandant militaire de cette monarchie,
le Général Mesha al-Zaben. D'après le
Washington Post, les deux « ont
discuté de l'instabilité le long de la
frontière Nord de la Jordanie avec la
Syrie et ont passé en revue divers plans
d'urgence, dont des options pour
s'occuper des stocks d'armes chimiques
syriennes » c'est-à-dire une
intervention militaire en Syrie.
L'escalade massive
de la violence militaire au
Moyen-Orient, emmenée par les
États-Unis, menace d'engloutir toute la
région dans une guerre régionale qui
risquerait d'entraîner des millions de
morts. Une guerre régionale risquerait
également d'impliquer rapidement la
Russie et la Chine, alliés traditionnels
de la Syrie et de l'Iran.
Quelques mois
seulement après avoir entamé son
deuxième mandat, le gouvernement Obama
met en place une trajectoire aux
conséquences catastrophiques pour les
peuples du Moyen-Orient, des États-Unis
et du monde entier.
(Article original
paru le 24 avril 2013)
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Publié le 25 avril 2013 avec l'aimable
autorisation du WSWS
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