Opinion
Palestine: mettre
l'apartheid israélien au cœur de la
cible de la campagne BDS européenne
José
Luis Moraguès
José Luis
Moraguès
Lundi 12 décembre
2011
L’ONU 1975,
La question du
racisme d’Israël n’est pas nouvelle. Un
an après l’admission de l’OLP comme
observateur à l’ONU en 1974, et la
réaffirmation «des droits inaliénables
du peuple palestinien à l'indépendance
nationale et au droit au retour
par l’assemblée générale des Nations
Unies, cette même assemblée, adoptait le
10 novembre 1975, une résolution
énonçant que «le sionisme est une forme
de racisme et de discrimination
raciale». Le poids du puissant mouvement
des pays non alignés n’était pas
étranger à cette résolution. Son déclin
et le contexte de négociations lors de
la conférence de Madrid ont permis à
Israël et ses alliés de faire en sorte
que l’ONU – fait rare - révoque cette
résolution le 16/12/ 1991.
DURBAN 2001,
La question revient sur le devant de la
scène 10 ans plus tard, en 2001, avec la
«Conférence Mondiale contre le Racisme»
de l’ONU à Durban (Afrique du Sud).
En marge du Forum officiel, le 3
septembre 2001, la déclaration finale du
Forum des 6000 ONGs représentées,
mentionne à plusieurs reprises et très
explicitement le racisme et l’apartheid
de l’état d’Israël, dans les points
98,99 et de 160 à 165 ([1]) :
« 99.
Reconnaissant en outre qu’un système
raciste fondé sur
l’apartheid à l’Israélienne est à
la base des violations systématiques
actuelles des droits humains, y compris
de graves violations de la quatrième
Convention de Genève de 1949 (à savoir,
des crimes de guerre), des actes et
pratiques génocides et d’assainissement
ethnique» Et de mentionner qu’un des
aspects de ce racisme est le refus du
retour des réfugiés palestiniens. Le
Forum des ONG a remis sur le tapis la
nature raciste de l’état d’Israël fondé
sur l’apartheid.
La réaction israélienne est des plus
violentes.
La délégation du gouvernement israélien
à la Conférence de Durban dénonce la
résolution des ONG comme étant une
incitation à la haine des Juifs. "C'est
un langage de haine, parti d'une
campagne pour délégitimer Israël et le
peuple israélien", a déclaré Noam Katz,
le porte-parole de la délégation. "C'est
le pire document anti-juif depuis la fin
de l'Allemagne nazie", a commenté pour
sa part le rabbin Abraham Cooper, du
centre Simon Wiesenthal, présent à
Durban. Dans ces conditions de
nombreuses ONG européennes y compris des
droits de l’Homme ( !) par crainte
d’être taxées d’antisémitisme se
désolidariseront de la déclaration jugée
« excessive ». Caractériser Israël
d’état raciste et d’apartheid est tabou.
APARTHEID
et BDS SONT LIÉS DÈS L’ORIGINE
Pour les
Palestiniens, Durban 2001 est une
victoire qui ouvre sur de nouvelles
perspectives. Pour la première fois un
large courant de la société civile
internationale a non seulement réaffirmé
la nature raciste de l’état d’Israël
mais a caractérisé et dénoncé le système
d’apartheid mis en place par l’état
raciste comme étant de même type que
celui de l’Afrique du Sud des années
1948 à 1991. Et il a appelé à utiliser
contre l’apartheid israélien les mêmes
armes de combat qu’à l’égard de
l’apartheid Sud africain : le Boycott,
le Désinvestissement et les Sanctions.
Dans la logique de
la déclaration de Durban et après deux
tentatives peu reprises en 2001 et 2002,
le PACBI (Comité Palestinien pour le
Boycott Universitaire et Culturel) lance
en 2004 son appel au boycott des
institutions universitaires et
culturelles israéliennes. Sur cette
base, le PACBI, plusieurs associations
de Réfugiés, Stop the wall, PNGO et
quelques autres, travaillent à la
construction de l’Appel BDS de juillet
2005, connu sous le nom de l’Appel BDS
du BNC (Comité National Palestinien du
BDS) et qui dès son lancement compte 171
organisations palestiniennes
signataires, représentant les 3
composantes du peuple palestinien et
toutes les catégories sociales,
politiques et religieuses.
10 ANS
D’EXACTIONS CRIMINELLES ISRAÉLIENNES
POUR QUE SOIT LEVÉ LE
TABOU sur la nature de l’état
raciste et d’apartheid israélien.
Après Durban 2001
la pression est telle, que même au sein
du mouvement de solidarité, la
résolution de l’ONU de 1975 (Sionisme =
racisme) peine à se faire entendre.
Quant à caractériser Israël
d’état raciste fondé sur l’apartheid,
ceux qui s’y aventurent sont
immédiatement accusés d’antisémitisme,
soit rapidement isolés et accusés de
faire entrave au sacro-saint processus
de Paix dont on mesure aujourd’hui la
nocivité.
Comme l’écrit Omar
Barghouti (7/12/2007) le «processus
d’Oslo» a été le coup le plus
dévastateur pour la lutte palestinienne
d’autodétermination, parce qu’il a
conduit à un glissement de paradigme:
d’une lutte d’un peuple opprimé contre
ses occupants et colonisateurs, à une
dispute entre deux groupes nationaux
avec des droits et des revendications
morales conflictuels mais symétriques».
Cette fameuse symétrie dont s’est
emparée la «gauche» sioniste israélienne
et européenne pour défendre « le droit à
l’existence » de l’état d’Israël. Ce qui
n’est possible qu’en évacuant du débat
la question de la nature raciste de
«l’état juif» d’Israël. En effet, qui
oserait défendre ouvertement le droit à
l’existence d’un état raciste et
d’apartheid ?
Il aura fallu 10
ans d’exactions criminelles
d’Israël perpétrées pendant le
«processus de paix»: «Opération rempart»
en 2002, le Mur, les attaques contre la
Bande de Gaza (2003, 2005 ; 2006), la
guerre contre le Liban (2006) et surtout
la guerre contre Gaza de l’hiver
2008-2009, et la condamnation de
l’assemblée générale de l’ONU pour que
le tabou sur la nature de l’état
d’Israël soit levé et que soit enfin mis
en œuvre l’Appel BDS palestinien
pourtant lancé en 2005.
NOVEMBRE
2011 : LE TRIBUNAL RUSSEL SUR LA
PALESTINE PORTE LE COUP DE GRÂCE ET
APPELLE AU BDS
Après Londres et
Barcelone, la troisième session du
Tribunal Russel sur la Palestine (TRP)
s’est tenue au Cap en Afrique du Sud les
5 et 6 novembre 2011. Pendant ces deux
jours de travaux le TRP a examiné la
question suivante :
«Les pratiques d’Israël envers le Peuple
palestinien violent-elles l’interdiction
internationale de l’apartheid ?».
Selon le communiqué final, Le jury,
composé de personnalités internationales
connues pour leur intégrité morale et
des juristes experts en droit
international, a rendu son
verdict après audition de 25
experts et témoins. La sentence est sans
appel :
Israël commet le
crime d'apartheid et la persécution qui
est un crime contre l'Humanité.
Les résultats de
cette session du TRP sont de la plus
haute importance pour le BNC et le BDS
international.
- Le TRP caractérise sans ambiguïté le
double crime commis par l’état
israélien.
Crime d'apartheid :
le TRP a
conclu
(…)
à l’existence d’un régime
institutionnalisé de domination qualifié
d’apartheid selon les critères définis
par le droit international.
La définition légale du crime
d’apartheid comporte 3 éléments :
- 1) deux groupes raciaux distincts
peuvent être identifiés;
- 2) des "actes inhumains" sont commis à
l'encontre du groupe dominé;
-3) de tels actes sont commis
systématiquement dans le cadre d'un
régime institutionnalisé de domination
d'un groupe sur l'autre.
La notion d’actes inhumains comprend :
les assassinats à large échelle ou
ciblés lors des incursions militaires ;
la torture et les traitements dégradants
de prisonniers ; la privation
systématique des droits humains
empêchant les Palestiniens, y compris
les réfugiés, d’exercer leurs droits
politiques, économiques, sociaux et
culturels. Il en résulte une
fragmentation territoriale et la
création de réserves et d’enclaves qui
séparent Palestiniens et Israéliens. Une
politique décrite par l’État d’Israël
lui-même comme «Hafrada» ce qui signifie
en hébreu séparation.
La notion de régime systématique et
institutionnalisé renvoie à des
législations différentes pour les
Palestiniens et les Israéliens.
La persécution comme crime contre
l’Humanité
La notion de persécution est définie
comme une privation intentionnelle et
grave des droits fondamentaux des
membres d’un groupe identifiable dans le
cadre d’attaques larges et systématiques
contre des populations civiles.
Notamment : le blocus de Gaza comme
châtiment collectif, l’attaque de civils
lors d’opérations militaires, la
destruction de maisons non justifiée par
des nécessités militaires et l’impact du
Mur sur les populations et la démolition
des villages bédouins. (…)
- Le TRP constate que les trois
composantes du peuple Palestinien sont
victimes des crimes d’apartheid et
contre l’humanité (persécution).
(…) Ce régime discriminatoire prend des
formes et des intensités différentes
selon les lieux où vivent les
Palestiniens. Les Palestiniens, soumis à
la réglementation militaire coloniale
dans les territoires, sont sujets à une
forme aggravée d’apartheid. Les
Palestiniens citoyens d’Israël, bien que
disposant du droit de vote, ne font pas
partie de la nation juive telle que
définie par la loi israélienne, ils sont
donc exclus des bénéfices de la
nationalité juive et sont sujets à une
discrimination systématique par la
violation de leurs droits fondamentaux.
(…)
(…) la privation systématique des droits
humains empêchant les Palestiniens, y
compris les réfugiés, d’exercer leurs
droits politiques, économiques, sociaux
et culturels. (…)
La puissance stratégique de l’appel
BDS de 2005 du BNC tient à cette
approche politique :
- qui a mis en évidence, non seulement
les trois composantes du peuple
palestinien, éclaté du fait de la
création de l’état d’Israël,
- mais qui a reconstitué l’unité du
peuple Palestinien en formulant
l’exigence des droits fondamentaux pour
chacune de ces composantes dès lors
considérées comme indissociables ,
l’obligation
par Israël de reconnaître le droit
inaliénable des Palestiniens à
l'autodétermination et respecte
entièrement les préceptes du droit
international en :
• 1. Mettant fin à
son occupation et à sa colonisation de
toutes les terres Arabes et en
démantelant le Mur
• 2. Reconnaissant
les droits fondamentaux des citoyens
Arabo-palestiniens d'Israël à une
égalité absolue; et
• 3. Respectant,
protégeant et favorisant les droits des
réfugiés palestiniens à revenir dans
leurs maisons et propriétés comme
stipulé dans la résolution 194 de l'ONU.
(…)
En énonçant que les
palestiniens de Cisjordanie/Gaza, les
Palestiniens d’Israël et les
palestiniens Réfugiés sont victimes du
crime d’apartheid et du crime contre
l’humanité (Persécution), par delà la
nature du verdict, en mettant en
évidence le lien indissociable de ces
trois composantes, le TRP renforce du
poids de l’intégrité morale et de son
expertise, la vision stratégique de
l’appel du BNC palestinien.
- Le TRP appelle la
société civile à se mobiliser pour le
BDS :
Parmi les 9 recommandations du TRP ([2])
la 5ème recommandation du TRP
est explicite: «La société civile doit
recréer l'esprit de solidarité qui a
contribué à la fin du régime d'apartheid
en Afrique du Sud notamment par le moyen
de la campagne Boycott,
désinvestissement, sanctions (BDS) ».
Validant ainsi le BDS comme l’arme (non
violente) la plus efficace pour
combattre le raciste et l’apartheid de
l’état d’Israël.
METTRE
L’APARTHEID AU CŒUR DE LA CIBLE DE LA
CAMPAGNE BDS EUROPÉENNE
Depuis Durban la
question de l’apartheid s’est imposée
comme une évidence pour les
Palestiniens. Dès 2002 et en avril 2004,
le PACBI a appelé intellectuels et
universitaires du monde entier à «
boycotter complètement et
systématiquement toutes les institutions
universitaires et culturelles
israéliennes, en contribution à la lutte
pour stopper l’occupation, la
colonisation et le système d’Apartheid
d’Israël ».
Aujourd’hui, après 10
ans d’exactions criminelles d’Israël,
dont la guerre contre le Liban et contre
Gaza, après que le « processus de paix »
se révèle avoir été une arme contre le
peuple Palestinien, le masque
de « démocratie » d’Israël est
tombé. La sentence du TRP est une
condamnation sans appel qui confirme le
crime d’apartheid et le crime contre
l’humanité (persécutions).
Les conditions sont
donc réunies pour que la campagne BDS et
l’ensemble du mouvement de solidarité
s’emparent de la question de l’apartheid
et de la persécution et qu’ils en
fassent le centre de la cible
stratégique dans la lutte pour obliger
Israël à reconnaître les droits
fondamentaux des Palestiniens.
La journée d’action
européenne du 26/11 dernier contre les
exportateurs de fruits et légumes
israéliens, et contre Mehadrin en
particulier, décidée lors du Forum
Européen contre Agrexco à Montpellier, a
intégré cette démarche. Plus de 60
actions dans 10 pays européens se sont
déroulées sur le thème : « Pas
d’apartheid au menu ». L’appel du BNC à
cette journée était clair :
« L’exportation de produits agricoles
israéliens est au cœur du régime
d’apartheid contre le peuple
palestinien. C’est une partie intégrale
du processus de colonisation et de
destruction environnementale de la terre
palestinienne, du vol de l’eau et du
mauvais traitement des droits des
travailleurs palestiniens [1]. (…)
Sur le plan tactique
ce choix présente au moins trois
avantages :
- S ‘attaquer au
système d’apartheid et de persécution
c’est choisir de dénoncer les
caractéristiques les plus terribles pour
le peuple Palestinien et les plus
condamnables de l’état d’Israël,
car il s’agit de crimes parfaitement
définis et relevant de la CPI (Cour
Pénale Internationale).
- C’est prendre pour
cible des crimes qui concernent
l’ensemble du peuple Palestinien, c’est
un dénominateur commun qui inclue et
rassemble à égalité de traitement les
trois composantes du Peuple Palestinien.
- Pour le mouvement
de solidarité et la campagne BDS c’est
le meilleur moyen pour inscrire les
actions de terrain dans la perspective
des objectifs stratégiques du BDS : la
satisfaction des droits fondamentaux des
Palestiniens sous occupation, des
Palestiniens d’Israël et des
Palestiniens Réfugiés.
José Luis Moraguès, Universitaire, Membre
de la coordination nationale CCIPPP
(Campagne Civile Internationale pour la
Protection du Peuple Palestinien) et du
BDS France (Boycott, Désinvestissement,
Sanctions)
[1]
Cf. Texte de la déclaration
http://www.google.fr/search?...
[2]
Recommandations du TRP
– Le TRP demande instamment à l’État
d’Israël de démanteler immédiatement son
système d’apartheid, de mettre fin aux
lois et pratiques discriminatoires et
d’arrêter la persécution des
Palestiniens ;
– Tous les États doivent coopérer en vue
de mettre fin à cette situation
illégale ;
– Le Procureur de la Cour pénale
internationale (CPI) doit accepter la
plainte déposée par l’Autorité
palestinienne et lancer une enquête sur
les crimes internationaux
susmentionnés ;
– La Palestine doit être acceptée comme
Partie au Statut de Rome de la CPI ;
– La société civile doit recréer
l’esprit de solidarité qui a contribué à
la fin du fin du régime d’apartheid en
Afrique du Sud notamment par le moyen de
la campagne Boycott, désinvestissement,
sanctions (BDS) ;
– L’Assemblée générale des Nations Unies
doit recréer un comité spécial des
Nations Unies contre l’apartheid
concernant le peuple palestinien ;
– L’Assemblée générale des Nations Unies
doit demander un avis consultatif à la
Cour internationale de Justice afin
d’étudier la nature de l’occupation
prolongée des territoires palestiniens
et la politique d’apartheid ;
– Le Comité des Nations Unies pour
l’élimination des discriminations
raciales doit inclure la question de
l’apartheid dans sa prochaine analyse du
cas israélien ;
–
Le gouvernement sud-africain, comme hôte
du TRP doit s’assurer qu’aucune forme de
représailles ne soit exercée par l’État
d’Israël contre les témoins présents
lors des travaux du TRP.
Le
dossier BDS
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