Opinion
Les Syriens sont
une majorité à soutenir le président
Assad, mais ce n'est pas des média
occidentaux que vous pourriez
l'apprendre
Jonathan Steele
Manifestation pro-Assad - Photo: Hussein
Malla/AP
Mercredi 19 janvier
2012
Un son de
cloche différent sur la Syrie
Jonathan
Steele est un grand reporter
Britannique spécialiste des affaires
étrangères qui écrit pour le
Guardian. Ce journal offre, aussi
bien à ses journalistes qu’à
d’autres rédacteurs, la possibilité
d’écrire dans une rubrique de
commentaires libres qui ne reflètent
donc pas nécessairement sa ligne
éditoriale. Jonathan Steele ne s’en
prive pas et c’est de cette façn
qu’il nous livre son analyse sur ce
qui se passe en Syrie.
Son analyse
(argumentée) est que la Syrie ne
fera sans doute pas l’objet d’une
agression comme celle dont a été
victime récemment la Libye mais
qu’elles est dores et déjà sous le
coup d’une agression ç visée
déstabilisatrice sur le mode dont
les Américains étaient coutumiers en
Amérique latine au temps de la
guerre froide : aider des bandes
rebelles à s’organiser et à s’armer
dans un territoire limitrophe, leur
donner des renseignements sur l’état
et les mouvements des forces
gouvernementales ainsi qu’un appui
propagandiste dans la presse dite
libre.
Le but est au
minimum d’user et d’affaiblir le
pouvoir en place et, si les
circonstances le permettent,
d’aboutir à son renversement.
Djazaïri
Les Syriens
sont une majorité à soutenir le
président Assad, mais ce n’est pas des
média occidentaux que vous pourriez
l’apprendre.
La popularité d’Assad, les
observateurs de la Ligue Arabe,
l’implication militaire des Etats Unis :
tout cela est distordu par la propagande
de guerre occidentale.
Par Jonathan Steele, The Guardian
(UK) 17 janvier 2012
Supposez qu’une enquête d’opinion
digne de confiance constate que la
plupart des Syriens sont en faveur du
maintien au pouvoir de Bachar al-Assad,
ne serait-ce pas une information majeure
? Tout particulièrement du fait que
cette conclusion irait à l’encontre du
discours dominant sur la crise syrienne,
et que les media considèrent ce qui est
inattendu comme plus intéressant à
rapporter que ce qui est évident ?
Pas toujours, hélas. Quand la
couverture d’un drame en cours cesse
d’être juste et se transforme en arme de
propagande, les faits gênants doivent
être occultés. Il en a été ainsi pour
les résultats d’un récent sondage YouGov
Siraj sur la Syrie commandé par The Doha
Debates, financé par la Qatar Foundation.
La famille royale du Qatar a adopté une
des lignes les plus dures contre Assad –
l’émir vient juste d’appeler à une
intervention de troupes arabes – ça a
donc été une bonne chose que Doha
Debates ait publié le sondage sur son
site web. Ce qui est dommage, c’est
qu’il a été ignoré par presque tous les
organes de presse de chaque pays
occidental dont le gouvernement a appelé
Assad à s’en aller.
La conclusion principale était que,
alors que la plupart des Arabes ailleurs
qu’en Syrie, pensent que le président
devrait démissionner, les attitudes à
l’intérieur du pays sont différentes.
Quelque 55 % des Syriens veulent qu’Assad
reste, par crainte d’une guerre civile –
un spectre qui n’a pas le même caractère
théorique que pour les Syriens qui
résident à l’étranger. La moins bonne
nouvelle pour le régime d’Assad est que
le sondage a aussi observé que la moitié
des Syriens qui acceptent son maintien
au pouvoir considèrent qu’il doit
organiser des élections libres dans un
futur proche. Assad prétend qu’il est
sur le point de le faire, une promesse
qu’il a répétée dans ses derniers
discours. Mais il est d’une importance
vitale qu’il promulgue la loi électorale
le plus vite possible, autorise les
partis politiques et s’engage à
permettre à des observateurs
indépendants de contrôler le scrutin.
Le biais dans la couverture
médiatique continue avec la distorsion
de la mission d’observation de la Ligue
Arabe en Syrie. Quand la Ligue avait
soutenu une zone d’exclusion aérienne en
Libye au printemps dernier, elle avait
eu droit aux éloges de l’Occident pour
son action. Sa décision de faire
médiation en Syrie a été moins bien
accueillie par les gouvernements
occidentaux et par les organisations
d’opposition syriennes les plus en vue
qui sont de plus en plus en faveur d’une
solution militaire plutôt que politique.
La démarche de la Ligue a donc été
rapidement mise en doute par les
dirigeants Occidentaux, et la majorité
des média occidentaux s’est faite l’écho
de cette position. La crédibilité du
président Soudanais de la mission a été
attaquée. Des critiques du
fonctionnement de la mission formulées
par un de ses 165 membres ont fait les
gros titres. Des demandes ont été faites
pour que la mission se retire en faveur
d’une intervention de l’ONU.
Les détracteurs semblaient craindre
de voir la mission d’observateurs Arabes
rapporter que la violence armée n’est
plus l’apanage des forces du régime, et
que l’image de manifestants pacifiques
brutalement réprimés par l’armée et la
police est fausse. Homs et quelques
autres villes syriennes sont en train de
devenir comme Beyrouth dans les années
1980 ou Sarajevo dans les années 1990,
avec des affrontements entre milices qui
font rage le long de lignes de faille
ethniques et sectaires.
Il en va de même pour l’intervention
militaire étrangère qui a déjà commence.
Elle ne suit pas le modèle libyen car la
Russie et la Chine sont furieuses
d’avoir été bernées par l’occident au
Conseil de Sécurité l’an dernier. Elles
n’accepteront pas une résolution de
l’ONU qui permettrait un quelconque
recours à la force. Le modèle pour la
Syrie est d’un type plus ancien, qui
remonte à l’époque de la guerre froide,
avant que les « interventions
humanitaires » et la « responsabilité de
protéger » soit développée et souvent
utilisée à mauvais escient.
Souvenez-vous du soutien de Ronald
Reagan aux contras qu’il armait et
entraînait pour essayer de renverser le
gouvernement sandiniste du Nicaragua à
partir de bases au Honduras ? Remplacez
le Honduras par la Turquie, la base
arrière où la soi-disant Armée Syrienne
Libre s’est installée.
Là aussi, le silence des media
occidentaux est remarquable. Aucun
journaliste n’a rendu compte d’un
article important de Philip Giradi, un
ancien officier de la CIA qui écrit
maintenant pour American Conservative –
un magazine qui critique le complexe
militaro-industriel d’un point de vue
néoconservateur dans la ligné de Ron
Paul, qui s’est classé deuxième dans la
primaire républicaine du New Hampshire
la semaine dernière. Giraldi affirme que
la Turquie, un pays membre de l’OTAN,
est devenue l’agent exécutant de
Washington et que des avions militaires
de l’OTAN dont les marques
d’identification ont été retirées se
sont posés à Iskenderun près de la
frontière syrienne pour débarquer des
volontaires Libyens et des armes saisies
dans l’arsenal de feu Mouammar Kadhafi.
« Des formateurs appartenant aux forces
spéciales françaises et britanniques
sont sur place, » écrit-il, « prêtant
assistance aux rebelles tandis que la
CIA et les Special Ops US fournissent du
matériel de télécommunications et des
informations pour aider la cause
rebelle, rendant les combattants
capables d’éviter les concentrations de
troupes syriennes… »
Alors que le risque d’une guerre
totale augmente, les ministres des
affaires étrangères de la Ligue Arabe
s’apprêtent à se rencontrer au Caire ce
weekend pour discuter de l’avenir de
leur mission en Syrie. Il y aura à coup
sûr des informations des media
occidentaux pour souligner les propos de
ces ministres qui ont le sentiment que
la mission a « perdu sa crédibilité, » «
a été dupée par le régime » ou « a
échoué à faire cesser la violence. » Les
arguments contraires seront minimisés ou
occultés.
Malgré les provocations venues de
tous côtés, la Ligue devrait s’en tenir
à ses constatations. Sa mission en Syrie
a vu des manifestations pacifiques aussi
bien pour que contre le régime. Elle a
vu, et dans certains cas souffert, de la
violence exercée par des forces
d’opposition. Mais elle n’a pas encore
eu assez de temps ni de personnel
suffisamment nombreux pour parler avec
un large échantillon d’acteurs en Syrie
et donc pour pouvoir faire un ensemble
de recommandations claires. Par-dessus
tout, elle n’a même pas commencé à
accomplir cette partie de son mandat qui
lui demande de contribuer au lancement
d’un dialogue entre le régime et ses
détracteurs. La mission doit rester en
Syrie et non être brusquement révoquée.
Original :
http://www.guardian.co.uk/...
Traduction :
Djazaïri
Le dossier Syrie
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