Opinion
Le Brésil,
deuxième producteur mondial d'OGM
Joana Ferreira
Un
militant du Mouvement des Travailleurs
sans Terre du Brésil brûle des graines
de soja transgéniques lors d’une
manifestation précédant la cérémonie
d’ouverture de la huitième réunion de la
Conférence des Parties à la Convention
sur la biodiversité (COP 8) à Curitiba,
au Brésil, le 27 mars 2006. On estime à
88,8 % le soja transgéniquement modifié
cultivé au Brésil. (Orlando Kissner/AFP/Getty
Images)
Samedi 10 août 2013
RIO DE JANEIRO — Le Brésil est le
deuxième producteur mondial d’organismes
génétiquement modifiés (OGM), après les
États-Unis. Selon l’agence de Conseil
agroalimentaire Céleres, le Brésil
présente 37 millions d’hectares de
terres plantées de cultures
génétiquement modifiées. Cela représente
plus de la moitié des 67,7 millions
d’hectares des terres agricoles du pays,
selon les estimations 2013, de
l’Institut brésilien de géographie et de
statistiques.
L’utilisation de produits
transgéniques au Brésil a commencé au
début des années 1990, lorsque les
agriculteurs du Sud ont commencé à
cultiver du soja génétiquement modifié
importé d’Argentine. En 1995, le
gouvernement a alors établi une
réglementation sur la commercialisation
de ce produit.
Trois ans plus tard, en 1998, la
vente des OGM a été interdite en raison
d’une poursuite intentée par l’Institut
brésilien de Défense des Consommateurs.
Mais, en 2003, une réglementation du
gouvernement autorisait à nouveau la
commercialisation des OGM. La même
année, le gouvernement a publié le
décret sur l’étiquetage (4680/2003)
imposant aux producteurs et aux vendeurs
d’identifier, sur l’emballage
alimentaire, les produits contenant plus
de 1 % de matière première génétiquement
modifiée.
En mars 2005, la loi sur la sécurité
biologique (11.105/05) est entrée en
vigueur, autorisant l’utilisation
d’organismes transgéniques sans études
préalables sur l’impact environnemental.
La loi a aussi présenté des règlements
pour la recherche en biotechnologie et a
créé une organisation supervisant ce
règlement, le Comité technique national
de biosécurité brésilienne (CTNBio).
Le Brésil cultive plus de variétés de
soja génétiquement modifiées que toute
autre culture, une culture populaire
destinée à l’exportation dans le monde
entier. Céleres rapporte qu’en
2012-2013, 88,8 % du soja cultivé au
Brésil était génétiquement modifié.
Les OGM sont-ils nécessaires
au Brésil?
Francisco Aragão, chercheur à
l’EMBRAPA (Entreprise brésilienne de
recherche agricole), une entreprise
étatique brésilienne de recherche
agricole, estime que le Brésil doit
recourir davantage aux biotechnologies,
telles les OGM, afin d’accroître sa
productivité, d’améliorer les conditions
de croissance et de réduire les coûts de
production. EMBRAPA est la branche de
recherche du ministère brésilien de
l’agriculture, de l’élevage et de
l’alimentation.
Selon Aragão, «les méthodes
conventionnelles ne peuvent pas résoudre
certains problèmes», avant de souligner
l’importance de l’agriculture non
seulement comme source d’alimentation
mais aussi de biocarburant, de textiles
et de produits pharmaceutiques. En
revanche, Sarah Agapito, agronome et
chercheuse à l’Université fédérale de
Santa Catarina, conteste l’idée que les
OGM permettent d’augmenter la
productivité ou de réduire l’utilisation
de pesticides.
Elle cite en exemple le Roundup-Ready
(RR) utilisé pour le soja. Le Roundup
est un herbicide fabriqué par le géant
de l’agriculture Monsanto. Son principal
composant est le glyphosate. Le soja RR
est génétiquement modifié afin de
résister au glyphosate et devrait
permettre aux agriculteurs d’asperger
leurs cultures de Roundup, en ne tuant
que les mauvaises herbes.
Un
agriculteur du Matos Grosso do Sul
(Brésil Central en 2004) pulvérise une
plantation de soja transgénique. Selon
l’agence de conseil agroalimentaire
Céleres, 88,8 % du soja cultivé au
Brésil – dont une grande partie exportée
dans le monde entier – est génétiquement
modifié, même si l’utilisation des OGM
au Brésil n’est pas sans critique. (Monalisa
Lins/AFP/Getty Images)
Agapita constate «que des preuves
scientifiques ont déjà été établies que
la production de soja RR a contribué à
l’émergence de mauvaises herbes
résistantes au glyphosate». Au final,
les agriculteurs sont confrontés à des
surcoûts, car ils doivent utiliser
davantage de Roundup et d’autres
herbicides.
Flavio Finardi Filho, président du
CTNBio, soutient que l’utilisation de
semences transgéniques est essentielle,
car le climat tropical et humide du
Brésil rend les plantes particulièrement
sensibles aux parasites. Les plantes
peuvent être génétiquement modifiées
afin de les rendre plus résistantes aux
parasites et aux conditions climatiques.
Selon Flavio Finardi Filho,
l’agriculture a représenté environ 15 %
du PIB brésilien au cours des 15
dernières années. Finardi dit
«qu’indubitablement la compétitivité de
l’agro-industrie est liée à l’adoption
des OGM comme moyen de palier aux
restrictions alimentaires et d’apporter
de nouvelles extensions à la production
agricole».
Pour Gabriel Bianconi, chercheur à
l’ASPTA (Services consultatifs de
projets relatifs à l’agriculture
alternative), dans la production d’OGM,
les chercheurs sont préoccupés du risque
de domination de quelques entreprises
sur le marché mondial des semences, de
la contamination des cultures non OGM et
de la croissante difficulté à produire
des cultures sans OGM. L’ASPTA est un
organisme à but non lucratif soutenant
l’agriculture familiale et le
développement durable en milieu rural.
De son côté, Bianconi estime que le
Brésil est tout à fait capable de
revenir à une production exempte d’OGM.
Le recensement agricole 2010
annonçait que la production à petite
échelle de type familiale et la
production biologique comptaient déjà
pour 70 % des produits alimentaires de
base au Brésil.
Études sur les effets des
aliments OGM au Brésil
Au Brésil existent très peu d’études
relatives aux effets des OGM sur la
santé humaine. Maria Clara Coelho,
étudiante doctorante à l’École nationale
de la santé publique du Brésil, a mené
une étude sur les analyses obtenues.
Elle a passé en revue les portails
électroniques de la Bibliothèque
scientifique en ligne (SciELO) et de
ceux de la Coordination de
perfectionnement du personnel de
l’enseignement supérieur (Capes). Sur
les 716 articles traitant des OGM, seuls
8 explorent la question de la sécurité
alimentaire.
L’analyse conclut qu’aucune des huit
études n’approuve les aliments
transgéniques comme étant sains pour la
santé, mais exprime plutôt leurs
inquiétudes sur les risques liés à la
consommation de tels aliments. Coelho
demande : «Quelles sont les études de
base permettant au CTNBio d’autoriser
une sortie commerciale des OGM, si
toutes les données des articles
analysées, confirment que ces aliments
ne sont pas sains?»
Selon le rapport 2011, publié par le
groupe d’avocats des droits de l’homme
et des droits de la terre, les
évaluations faites par le CTNBio afin de
vérifier les risques sanitaires des OGM
sur l’environnement et la santé publique
sont restées confidentielles.
Epoch Times a appelé le
CTNBio à deux reprises afin de
s’enquérir des études préalables
effectuées. Dans les trois semaines
précédant la publication de cet article,
le CTNBio a demandé à Epoch
Times de lui envoyer un courriel;
ce qu’Epoch Times a fait sans
obtenir la moindre réponse du Comité
technique national.
Le professeur Rubens Nodari, du
Département de Phytologie, du
laboratoire de Physiologie et de la
Génétique du Développement, à
l’Université Fédérale de Santa Catarina,
ces informations ne sont pas transmises
dans le pays car : «Il est évident que
les entreprises veulent garder le
monopole. Mais elles ne peuvent y
parvenir que si les gouvernements sont
subordonnés.»
Grâce à son réseau de
correspondants dans le monde entier,
Epoch Times décline la question
des organismes génétiquement modifiés
(OGM) dans une série intitulée OGM,
un débat mondial. Chaque article de
cette série focalise sur le rôle et la
diffusion des organismes génétiquement
modifiés dans plusieurs pays dans le
monde.
Version originale :
GMOs, A Global Debate: Brazil, Second
Largest GMO Producer in World
Pour soutenir concrètement le
MST, on peut écrire à Lucas Tinti,
prointer@mst.org.br
Dossier Amérique latine
Les dernières mises à jour
|