Opinion
Des vérités sur la
Syrie
Jeremy Salt
Rencontre
de la cohésion nationale tenue le 23
janvier 2012 à Erneh
Mardi 24 janvier
2012
(revue de presse : Palestine
Chronicle – extraits - 13/1/12)
Dans son discours à l’Université de
Damas, la semaine dernière, Bashar al-Assad
a évoqué un complot contre la Syrie.
Vous pouvez chercher un autre mot, et
bien sûr il y en a un. Les fantassins de
cette campagne pour abattre le
gouvernement syrien sont des hommes
armés qui s’appellent l’Armée Libre de
Syrie et des gangs en armes, ramassés au
hasard. Aucun de ces groupes ne pourrait
poursuivre les violences constatées sans
un soutien extérieur. A moins d’une
intervention armée directe, ils ne
peuvent pas renverser le régime syrien.
Ce qu’ils peuvent faire, c’est continuer
de tuer et de déstabiliser en espérant
qu’il s’effondrera.
Seul point d’accord :
détruire le régime baasiste
Leurs parrains sont les Etats-Unis, la
France, la Grande-Bretagne, l’Arabie
Saoudite, le Qatar, les Frères
Musulmans, le Conseil National Syrien,
un assortiment d’« exilés »,
certains très étroitement liés au
Foreign Office britannique et au
Département d’Etat, et aux salafistes de
la région. Les réformes ne sont pas
l’enjeu et même si leurs agendas
divergent, ils convergent tous sur un
point : leur volonté de détruire le
régime baasiste. Pour les Etats-Unis, la
France et la Grande-Bretagne – «
l’Occident » - l’objectif est de se
débarrasser d’un gouvernement et d’un
parti politique qui se sont mis sur leur
chemin, depuis trop longtemps.
Pour l’Arabie Saoudite, il s’agit de
confronter l’Iran et de contenir
l’expansion du chiisme dans la région.
Pour les Frères Musulmans, la répression
de leur mouvement par Hafez al- Assad en
1982 doit être vengée par la mise à bas
d’un gouvernement séculier et
l’installation, en remplacement, d’une
domination fondée sur la charia. Pour
les salafistes et les Frères, la
question est aussi de détruire les
Alaouites comme force socio-politique en
Syrie.
Les Etats-Unis tout comme l’Arabie
saoudite considèrent l’Iran, la Syrie et
le Hezbollah comme les facettes d’un
même problème. L’Arabie saoudite voit en
l’Iran la « tête du serpent » et
cherchait, dans les dernières années de
l’administration Bush, à ce qu’il soit
attaqué, mais une guerre ouverte, levant
le voile sur la guerre souterraine qui
se déroule déjà, aurait été
catastrophique pour les pays y prenant
part. (…)
Depuis le début de l’année, la carte
géopolitique de la région a été
dramatiquement redessinée. Les partis
islamistes sont au gouvernement, ou en
feront partie, que ce soit au Maroc, en
Tunisie et en Egypte. Ils obtiendront de
bons résultats en Libye lors des
prochaines élections. Ce que les partis
politiques disent en tant qu’opposants
et ce qu’ils accomplissent une fois au
pouvoir sont généralement deux choses
différentes et les partis islamistes ne
font pas exception. Sur la question
épineuse des relations avec Israël,
Rachid Ghanouchi, le chef du parti
Al-Nahda, a eu des entretiens
discrets avec les Israéliens à
Washington et il a indiqué que la
Palestine ne serait pas une question
prioritaire pour le nouveau gouvernement
tunisien. (…)
L’Occident est à
l’affût d’une nouvelle guerre au
Moyen-Orient
Dans ce paysage politique en constant
changement, la Syrie est un Etat qui
tient. Il résiste aux Etats-Unis et
Israël d’une part, et aux islamistes/salafistes
de l’autre. L’opposition pacifique a,
depuis longtemps, été balayée par la
violence, avec l’armée se battant contre
«des déserteurs » et des gangs
armés dont la création, selon les
médias, est l’œuvre du gouvernement. La
presse doit toujours interviewer les
familles des milliers de soldats et de
civils qui sont tombés sous les balles
de ces «déserteurs » et autres
bandes armées pour savoir ce qu’ils
pensent des événements dans leur pays.
Ne se fondant que sur les accusations
non vérifiées d’ «activistes » et
de sources suspectes, elle a joué un
rôle critique dans la propagation de
nouvelles fausses. La semaine dernière,
The Guardian a touché le fond en
publiant une accusation fournie par un
« activiste » basé à Londres
accusant les forces de sécurité
syriennes d’enfourner des détenus dans
des containers qu’il jetait ensuite à la
mer… Aucune preuve n’a été apportée,
mais cela donne un exemple de la manière
dont The Guardian a informé ses
lecteurs de bout en bout. Quand Damas a
été victime d’un attentat à la bombe, le
Guardian et la BBC ont entonné
l’accusation que ces attentats étaient,
selon les opposants, le fait du
gouvernement Aucune preuve n’a été
donnée à l’appui alors même que les
Syriens étaient encore en train de laver
le sang des rues et de ramasser les
débris des corps de ceux qui avaient été
tués. Quand la Ligue arabe a émis une
déclaration provisoire sur la mission de
ses émissaires en Syrie dans laquelle
elle demandait au gouvernement syrien et
aux bandes armées de faire cesser la
violence, la BBC sur sa page web
tronquait l’appel pour ne le concentrer
que sur l’appel destiné au gouvernement.
L’Occident est à l’affût d’une nouvelle
guerre au Moyen-Orient car telle est
l’essence de la campagne contre la
Syrie. L’Iran reçoit des provocations
tous les jours de sorte qu’un
scientifique nucléaire iranien a été
assassiné dans l’espoir que l’Iran
réagirait et enclencherait la nouvelle
intervention militaire qu’en Israël et
aux Etats-Unis beaucoup souhaitent.
Il ne fait aucun doute que la Syrie doit
procéder à des réformes mais,
contrairement à ce que l’on pourrait
penser, ce n’est pas ce qui motive les
Etats-Unis, la France, l’Arabie
saoudite, la Grande-Bretagne et le
Qatar. Ceux qui le pensent font un doux
rêve. Chaque information provenant des
activistes aussi énormes soit-elle, a
une audience respectueuse des médias,
correspondant à leurs attentes. La fin
de la violence n’est pas au programme de
ces protagonistes. Ils veulent qu’elle
continue jusqu’à la chute du
gouvernement syrien et ils en ont les
moyens, presque indéfinis. S’ils
plongent et provoquent une attaque
ouverte contre la Syrie ou l’Iran, ils
enclencheront une guerre régionale et,
de l’avis de certains, une guerre
générale. Dans leurs costumes gris et
leurs cravates pastel, ces gens sont
fous comme l’étaient les nazis en
chemises brunes.
Traduction : Xavière Jardez - Titre et
sous titres: AFI-Flash
Texte intégral : Truth About Syria:
Crazy Men In Grey Suits
Jeremy Salt enseigne l’histoire à
l’Université de Bilkent à Ankara, au
Département du Moyen-Orient moderne à la
Faculté de Science Politique. Il
collabore au site Palestinechronicle.com
© G. Munier/X.
Jardez
Publié le 24 janvier 2012 avec l'aimable
autorisation de Gilles Munier
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