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Opinion
La guerre d'Iran
aura-t-elle lieu ?
Jean-Michel Vernochet
Samedi 17 juillet 2010
L’accord tripartite de Téhéran sur le nucléaire iranien
provoquera t-il un conflit au lieu d’en résoudre ? C’est ce que
pense Jean-Michel Vernochet pour qui, les Etats-Unis n’ayant
plus d’arguments pour justifier leurs sanctions contre l’Iran
pourraient être tentés d’en finir en passant à l’acte. Bien sur,
la guerre ne doit pas nécessairement être entreprise contre
Téhéran, elle peut aussi éclater à sa marge pour l’y précipiter.
La guerre contre l’Iran aura-t-elle lieu ? Inutile de jouer
les Cassandre, la réponse à cette question devant nous être
donnée par les événements eux-mêmes. Par contre peut-être
n’est-il pas vain de s’intéresser au rapport des forces en
présence dans leur dynamique d’évolution. Nous parlons ici
essentiellement de rapports de forces politiques tant la
question semble réglée d’avance en ce qui concerne le
différentiel de forces militaires en cas de confrontation
directe entre Washington, Tel-Aviv… et Téhéran.
En effet, la disproportion entre le potentiel militaire de
coercition des uns et celui des autres ne prête à aucune
équivoque. De ce point de vue, ce sont exclusivement des
paramètres de nature « politiques » qui déterminent avant tout,
encore aujourd’hui, le gouvernement iranien à ne pas céder aux
injonctions de la « Communauté internationale ». Aussi parce que
Téhéran considère qu’il est loin d’avoir « épuisé » la carte de
l’accord tripartite turco-irano-brésilien [1].
Celui-ci pouvant, le cas échéant, lui offrir une issue
raisonnable (voire « honorable », ne pas perdre la face en
Orient étant un souci premier). Rendez-vous est à ce propos pris
avec Brasilia et Ankara pour la fin août…
Reste que le succès de cette entreprise de contournement de
la diplomatie états-unienne est loin d’être assurée au vu des
réactions violemment négatives des Anglo-Américains (voir
infra). Surtout que, lorsqu’on parle de « négociation » avec
Téhéran, encore faut-il bien entendre que l’on attend du
gouvernement iranien une reddition sans condition. En
contrepartie, Téhéran fera tout, et jusqu’au bout, pour éviter
de passer sous les Fourches caudines comme le département d’État
l’y convie avec une pressante insistance.
Mais de ce point de vue, tout n’est pas dit. D’abord parce
que l’Iran se sait, en principe, totalement vulnérable « à une
attaque instantanée et non détectable, écrasante et
dévastatrice, sans possibilité de défense et sans capacité
réelle d’exercer des représailles dissuasives » [2] ;
ensuite parce que la Turquie trouverait dans l’aboutissement
réussi de l’accord de Téhéran un moyen de s’affirmer sur la
scène régionale tout en rendant la monnaie de sa pièce à
Tel-Aviv après l’humiliation de l’épisode sanglant de la
flottille humanitaire pour Gaza.
A contrario, d’autres facteurs ne plaident pas en
faveur d’un règlement négocié par le truchement de la Turquie et
du Brésil associés dans le sauvetage de l’Iran
national-islamiste [3].
Russes et Chinois pratiquant, volens nolens, un jeu de
bascule diplomatique, ont voté le 9 juin la Résolution 1929 du
Conseil de Sécurité des Nations Unies durcissant le régime des
sanctions internationales imposées à l’Iran [4].
Résolution qui surtout a donné caution au Congrès états-unien,
puis à l’Union européenne – Bruxelles devant faire connaître son
propre train de sanctions vers la fin du mois de juillet – pour
prendre en concertation des mesures draconiennes à l’encontre de
la République islamique, notamment d’ordre économique (voir
infra).
En ce qui concerne Moscou, cette décision semble bien
refléter une certaine « schizophrénie » au sommet de l’État ou
un bicéphalisme ouvertement divergent entre une Présidence a
priori plus « occidentaliste » que ne le serait le Premier
ministre Vladimir Poutine. Cela se traduit à la fois par un
ralliement âprement négocié à la politique de sanctions
états-uniennes et européennes, et simultanément par des
« consultations » irano-russes portant sur le renforcement de la
coopération bilatérale ; certes « en premier lieu économique »
comme l’a souligné récemment le vice-ministre des Affaires
étrangères russe, Alexeï Borodavkine… ou encore le maintien
d’une complète ambigüité quant aux livraisons de batteries de
missiles hypersoniques anti-aériens S300 (voir infra).
Examinons maintenant quelques unes des raisons qui sont
vraisemblablement intervenues Moscou pour décider le Kremlin à
voter en faveur de la Résolution 1929, le 9 juin 2010,
moins d’un mois après avoir applaudi à la conclusion de l’accord
tripartite.
Passons sur la nécessité impérieuse, pour la Fédération de
Russie, d’une réduction de la production afghane d’opium (dont
les produits dérivés occasionnent quelque 30 000 décès annuels
en Russie), et notons, par une heureuse coïncidence, la levée
des sanctions états-uniennes contre quatre groupes russes
réputés avoir commercé de façon « illégale » avec l’Iran et la
Syrie après 1999.
Selon le Washington Post du 22 mai 2010,
l’administration Obama – trois jours après l’annonce par la
Secrétaire d’État, Mme Hillary Clinton, que la Russie acceptait
d’avaliser le projet de résolution – abandonnait ses
« poursuites » contre Rosoboronexport épinglé en 2006 et 2008
pour des ventes illicites à l’Iran ; également concerné
l’Institut moscovite d’avionique, ainsi que l’université des
sciences et techniques de la chimie Dimitri Mendeleyev pour
transferts illégaux de techniques relatives au domaine
balistique. Depuis janvier 2010, l’Administration Obama a su
apparemment donner des gages substantiels et avait déjà opéré la
levée préalable des sanctions frappant Glavkosmos et
l’Université technologique de la Baltique pour leurs échanges
avec l’Iran…
Mais pour qu’un marchandage soit complet, il faut aussi que
certaines portes restent entrouvertes, ainsi l’Administration
Obama, dans la formulation de son projet de résolution, a su
maintenir un flou artistique quant à l’interdiction de le vente
de systèmes de missiles hypersoniques sol-air russes S300 à
l’Iran. Un marché représentant plusieurs centaines de millions
de dollars, vraisemblablement en partie déjà payés, mais dont
les livraisons ont été jusqu’à présent ajournées pour des
« raisons techniques » sous la pression conjointe
américano-israélienne. Passé en 2005 ce contrat concerne 30 à 40
systèmes d’armes (dont un aurait peut-être été livré en 2008),
des matériels ayant la capacité de rendre l’Iran en grande
partie imperméable à d’éventuelles frappes israélo-américaines…
sachant que dix systèmes seulement suffiraient théoriquement à
assurer la couverture des sites stratégiques perses, et ce,
notamment contre une aviation israélienne aux performances
limitées par une relative vétusté...
À l’incartade turco-brésilienne, Washington avait aussitôt
répondu en ignorant superbement l’accord tripartite signé la
veille du dépôt de son propre projet de sanctions renforcées
devant le Conseil de Sécurité. Un camouflet pour la Turquie et
le Brésil remis à leur « juste » place dans le concert des
Nations, dont le président des États-Unis monopolise le pupitre
de chef d’orchestre. Des « signaux forts » ayant été envoyés à
Ankara [5],
il convenait de présenter à la Turquie une « carotte » assez
appétissante pour l’inciter à regagner le giron atlantiste et
suffisante pour lui faire oublier ses velléités de jeu personnel
dans l’arène régionale, de la Méditerranée orientale à la
Caspienne via la Mer noire. Tant et si bien que, le 30 juin,
l’Union européenne relançait les négociations d’adhésion de la
Turquie en ouvrant à Bruxelles un nouveau chapitre relatif à la
sécurité alimentaire, vétérinaire et phytosanitaire (le
treizième depuis l’ouverture des négociations d’adhésion en 2004
sur les 35 prévus afin d’adapter la législation des candidats
aux normes européennes)…
À l’évidence l’UE, dans le cadre du smart power [6]
préconisé à Washington (une étroite association de produits
d’appels et de contraintes) avait été mandatée afin de
« récupérer » Ankara. Le secrétaire états-unien à la Défense,
M. Robert Gates n’avait-il pas en effet dénoncé un peu
auparavant « ceux qui en Europe poussent la Turquie vers l’Est
en refusant de lui donner le lien organique avec l’Occident
qu’elle recherche". Autrement dit son entrée dans une Union
pourtant déjà incapable de se gérer à vingt-sept ! Autre
coïncidence ou hasard calendaire, toujours le 30 juin 2010, la
discrète rencontre ministérielle à Bruxelles entre représentants
turcs et israéliens au moment même où Ankara demandait à
Washington moins de laxisme à l’égard de la rébellion armée du
PKK [7].
Parallèlement, le 24 juin, à la suite des sanctions adoptées
par le Conseil de sécurité, le Congrès états-unien avait validé
le durcissement la politique US à l’encontre de l’Iran en votant
un nouveau train de mesures coercitives, mesures adoptées à
l’unanimité par le Sénat (99 pour, 0 contre)… Le chef de la
majorité démocrate de la chambre haute Harry Reid résumant
l’état d’esprit des parlementaires : "Notre objectif est de
viser l’Iran là où cela fait le plus mal" !
En l’occurrence il s’agit de créer une pénurie énergétique
(mortelle à terme) en interdisant toute entrée de produits
pétroliers raffinés ou tout équipement destiné à rendre à l’Iran
une quelconque capacité de raffinage. Quatrième producteur
mondial de pétrole brut, l’Iran manque cependant de raffineries,
certaines ayant d’ailleurs fait l’objet d’attentats ces
dernières années [8]
et de fait, dépend fortement de ses importations pour la
satisfaction de ses besoins intérieurs, importés à quelque 40%.
Remarquons ici que la Résolution du Conseil de Sécurité (votée à
l’unanimité des cinq membres permanents, Turquie et Brésil ayant
voté contre et le Liban s’étant abstenu) n’a eu pour objet que
de servir de cache-sexe, autrement dit de cautionner les mesures
autrement plus sévères prises par les États-Unis et
prochainement par l’UE.
Le républicain John McCain, concurrent de Barak Obama à la
présidence, avait pour sa part clairement explicité la portée
d’un texte dont le but est de « forcer les entreprises partout
dans le monde à faire un choix : voulez-vous travailler avec
l’Iran, ou bien voulez-vous travailler avec les Etats-Unis ? Les
deux ne sont pas compatibles », énonçant de cette façon que les
rigueurs du Nouvel Ordre Mondial ne s’adressent pas seulement
aux récalcitrants arcboutés sur l’État-nation, fût-il islamique,
mais à tous ceux qui se refusent à passer sous les fourches
caudines du Marché unique universel dont le chef d’orchestre
est, évidemment, anglo-américain. C’était déjà la teneur du
message envoyé au monde par le président Bush au lendemain du 11
Septembre « ceux qui ne sont pas avec nous, seront contre
nous »…
Un message reçu cinq sur cinq à Bruxelles et anticipé par
quelques géants européens tels l’allemand Siemens ou le français
Total [9],
contraints et forcés l’un et l’autre en vertu de choix
politiques. Une fois n’est pas coutume, le politique ayant pris
le pas dans ce cas sur des intérêts économiques quasiment vitaux
en période de récession.
En janvier 2010, Siemens officialisait la rupture – imposée
par Mme Merkel – de ses liens commerciaux avec la République
islamique d’Iran tout en honorant les commandes en cours… une
décision en réalité déjà effective depuis octobre 2009. Fin
janvier, la chancelière allemande pouvait annoncer que
l’Allemagne s’associerait pleinement à de nouvelles sanctions
« dans tous les secteurs concernés ». Sachant que les sociétés
allemandes avaient exporté vers l’Iran pour environ 3,3
milliards d’euros dans les premiers 11 mois de l’année 2009 (la
part
Siemens se montant alors à quelque 500 millions d’euros
annuels) on voit ici qu’elle est l’ampleur du sacrifice consenti
par l’industrie allemande pour se mettre en conformité avec les
engagements transatlantiques européens. Résultat, la position
strictement atlantiste de Mme Merkel au détriment des intérêts
immédiats de l’économie allemande, a beaucoup contribué à
l’affaiblissement de son crédit politique aujourd’hui déclinant.
Quant au pétrolier français Total, agissant également à
rebours des intérêts nationaux et sur injonction directe de la
présidence, a officialisé le 28 juin la cessation de ses
livraisons d’hydrocarbures à l’Iran rejoignant de cette manière
ses consœurs British Petroleum et Royal Dutch Shell dans la
cohorte des compagnies pétrolières boycottant l’Iran. Une
déclaration de pure forme car la suspension effective, sine
die avait commencé depuis plusieurs semaines avant même le
vote de la Résolution 1929et des oukases du Congrès…
lesquels faisaient aboutir le projet de loi d’avril 2009
instituant des sanctions contre les compagnies fournisseuses de
carburants à l’Iran, au premier chef, Total et British Petroleum.
À ce titre, nul n’a été surpris de voir la décision de renoncer
au marché iranien du groupe français annoncée d’abord sur le
site du Financial Times et ce, avant toute déclaration en
France même.
Last but not least, depuis juin dernier, l’UE avait
commencé d’interdire son espace aérien à la majorité des
appareils Airbus et Boeing de la compagnie Iran Air. Un mois
plus tard, Bruxelles ajoutait à sa liste d’interdiction les
Airbus A-320, les Boeing B‑727 et B-747. Simultanément, le
Royaume-Uni et l’Allemagne, à l’instar des Émirats arabes unis [10],
eu égard aux sanctions tant états-uniennes qu’européennes,
refusaient tout ravitaillements en kérosène aux avions civils
iraniens en dépit d’une évidente violation des conventions
internationales pertinentes.
Guerre de communiqués et gesticulations
militaires
Aux mesures de confinement économique et financier (la plus
part des transactions financières de l’Iran ayant été rendues
impossibles hors de ses frontières) viennent s’ajouter d’autres
mesures, actives celles-là (mesures actives terme désignant à
l’origine les opérations de désinformation ne visant pas
seulement les élites dirigeantes mais visant plus largement au
conditionnement et à la manipulation des opinions publiques).
Ces actions s’inscrivent dans le cadre d’une guerre
psychologique qui ne dit pas non nom mais qu’a dénoncée à bon
escient le gouvernement iranien le 28 juin 2010 alors que le
Directeur de la Central Intelligence Service, Leon Panetta,
estimait péremptoirement sur la chaîne ABC que « Téhéran dispose
maintenant de suffisamment d’uranium enrichi pour la confection
de deux armes nucléaires dans un délais de deux ans ».
Verdict qui tombe après que l’Agence Guysen International
News eut diffusé le 24 juin une information donnée pour être
d’origine iranienne (!) suivant laquelle « … des avions
israéliens auraient atterris sur l’aéroport saoudien de Tabouk
les 18 et 19 juin dernier…C’est ce qu’a rapporté l’agence
iranienne FARS dans un article intitulé “Activité militaire
douteuse du régime sioniste en Arabie Saoudite“ ». Rumeur
reprise ensuite par le Times de Londres qui n’hésite pas
à annoncer que l’Arabie Saoudite aurait ouvert son espace aérien
à l’aviation israélienne en prévision d’une attaque contre
l’Iran, une information bien entendu non confirmée à Tel-Aviv et
démentie par Riyad.
Difficile alors de faire la part entre rumeurs et faits
avérés. Parmi les faits documentés relevant (ou non) de
l’intoxication et de la guerre psychologique, signalons que
pendant que l’État hébreu se livrait à des manœuvres d’envergure
pour contrer une éventuelle attaque de son territoire par des
missiles, les États-Unis complétaient leur dispositif offensif
dans le Golfe et alentours [11].
Toujours dans le contexte d’une guerre par médias interposés,
d’après le quotidien londonien Al-Qods Al-Arabi,
information encore reprise par Guysen News, un convoi composé de
11 frégates états-uniennes et une israélienne, le tout
accompagnant le porte-avions à propulsion nucléaire USS Harry S
Truman, aurait transité par le Canal de Suez en direction la Mer
Rouge. Enfin l’Iran aurait mis en état d’alerte ses forces
proches de la Mer Caspienne en raison d’une « concentration de
forces israélo-américaines en Azerbaïdjan » ! C’est en tout cas
ce qu’a déclaré le 22 juin 2010 le général Mehdi Moini
commandant des Gardiens de la Révolution : « la mobilisation se
justifie par la présence de forces américaines et israéliennes
sur la frontière de l’Ouest… ces renforts sont dépêchés dans la
province d’Azerbaïdjan occidental car certains pays occidentaux
attisent des conflits ethniques afin de déstabiliser cette
région ». L’exécution le 20 juin 2010 d’Abdolmalek Rigi, chef du
Jondallah, responsables de plusieurs attentats meurtriers contre
les Gardien de la Révolution au Baloutchistan iranien est à ce
titre un signal fort envoyé par les autorités iraniennes à
l’attention de toutes les autres minorités susceptibles de
fomenter des troubles dans une conjoncture s’inscrivant dans une
inexorable stratégie de la tension.
C’est dans ce contexte que l’État hébreu aurait en effet,
toujours selon la rumeur, prépositionné une flotte aérienne
d’attaque en Azerbaïdjan. Là encore l’extrême prudence étant de
rigueur, il faut noter l’inflation de rumeurs qui crée un climat
propice à toute provocation ou tout accident accélérateur ou
déclencheur d’une confrontation directe. En tout état de cause,
l’utilisation de l’Azerbaïdjan comme base de lancement de raids
aériens parait assez improbable si l’on considère l’actuel
refroidissement des relations entre Bakou et Washington depuis
avril, l’Azerbaïdjan ayant pris ombrage du rôle joué par le
département d’État dans le conflit du Haut-Karabakh qui l’oppose
à l’Arménie et annulé en conséquence des manœuvres militaires
conjointes avec la marine des États-Unis…
Faisant d’ailleurs écho, le même jour, aux déclarations du
commandant des Pasdaran, le 22 juin donc, le Dr Uzi Arad, chef
du Conseil de Sécurité nationale israélien et proche conseiller
du Premier ministre Benjamin Netanyahou, avait jeté sa part
d’huile sur le feu en jugeant « le dernier volet des sanctions
du Conseil de sécurité des Nations Unies, est insuffisant pour
contrarier les progrès iraniens en matière de fabrication de
l’arme nucléaire. Une intervention militaire préventive pourrait
être finalement nécessaire ». Aujourd’hui c’est au tour de la
CIA par la voix de son directeur d’enfoncer le clou…
Alors gesticulations guerrières, guerre des mots et
intoxication, ou préparation psychologique à ce que le camp
belliciste s’acharne à présenter comme inéluctable : le recours
à la force contre Téhéran ? Toujours est-il que la guerre des
nerfs fait rage dans cette partie de poker menteur à échelle
planétaire à laquelle, bon gré malgré, nous sommes conviés à
participer !
Nous ne conclurons pas ici sur les conséquences à terme du
défi que la Turquie au premier chef, le Brésil ensuite, ont
lancé aux États-Unis et à ses commensaux britannique et hébreu.
De toute évidence la Turquie n’avait pas envisagé que les choses
iraient si loin, ni la vigueur de la réaction
anglo-israélo-américaine… Chacun a priori s’attache aujourd’hui,
de part et d’autre, à calmer le jeu et à replacer le contentieux
dans le cadre formel des échanges diplomatiques [12].
On a, de ce point de vue, cru voir s’amorcer ce retour à la
normale avec l’entretien de Bruxelles entre ministres turc et
israélien, la Turquie en demandant des excuses israéliennes,
l’indemnisation des victimes après l’affaire du Mavi Marmara,
le tout assorti d’une levée du blocus de Gaza. Il était loisible
de penser que dans le contexte d’un désaccord affiché entre
Washington et Tel-Aviv, la Turquie aurait dû obtenir, au moins
partiellement, gain de cause : Tel-Aviv n’est-il pas déjà en
train d’alléger le dispositif d’asphyxie de la bande de Gaza
dont le but avoué était de pousser la population à se soulever
contre le gouvernement élu du Hamas ?/p>
UUn embargo qui s’est avéré être non seulement erroné mais,
qui plus est, est devenu totalement contreproductif… Et bien
contre toute attente Ankara s’est vu opposer un refus cassant et
intransigeant à sa demande d’excuse, qui aurait pu être
simplement « formelle ». Immédiatement après, ce nouveau
camouflet : la Maison-Blanche, accueillant à bras ouverts le
Premier ministre israélien, M. Benyamin Netanyahou, a offert au
monde le spectacle d’une réconciliation d’assez mauvaise augure
en ce qu’elle cautionne contre vents et marées la politique de
la coalition dominée par le Likoud ultrasioniste au pouvoir à
Tel-Aviv.
Des démonstrations d’amitiés qui suivent de peu le limogeage
du général McChrystal, chef des forces états-uniennes et de
l’Otan en Afghanistan, pour des propos malvenus d’après boire et
son remplacement par le général David Petraeus [13]
déjà chargé du commandement central [United States Central
Command] du front allant de la Mésopotamie au Waziristan (Zones
tribales du Pakistan).
La démarche turco-brésilienne a par conséquent certainement
procédé d’une mauvaise évaluation du rapport de forces réel
existant toujours entre les États-Unis – maîtres du jeu
planétaire jusqu’à plus ample informé – et le reste du monde,
malgré le fait incontestable que ce jeu se complexifie et se
diversifie davantage avec l’arrivée, sur la scène
internationale, de puissances montantes qui à leur tour
revendiquent une place à la table des « Grands »./p>
La punition militaro-diplomatique n’ayant pas tardé sous
forme d’un « acte de guerre » perpétré en haute mer (et en toute
impunité), les mesures de rétorsions économiques et commerciales
ne devraient pas se faire attendre très longtemps. Prenons
l’exemple de la France qui, après 2003 et sa sortie au Conseil
de Sécurité (intolérable du point de vue des partisans de
l’annihilation de l’Irak), a souffert de la vindicte
états-unienne au point d’amorcer dès 2004 son retour dans le
giron Atlantique [14].
En résumé, l’initiative tripartite, opération éminemment
louable du point de vu de la paix entre les nations, se sera
révélée au final assez désastreuse parce ce que non seulement
elle n’a pas permis de squeezer les États-Unis, mais
qu’elle leur a offert la possibilité de déplacer leurs pions
plus vite que prévu sur le grand échiquier eurasiatique. Pire,
l’initiative tripartite a fourni le prétexte et l’occasion aux
États-Unis de faire preuve de cette capacité de « rebond »,
cette « ressource » qu’exalte au plus haut degré la culture du
Nouveau Monde. De plus, elle a, d’une certaine façon, précipité
les « événements » en créant l’urgence et en entamant la marge
de manœuvre des Anglo-Américains jusqu’à les pousser, peu ou
prou, au passage à l’acte dans un processus de diplomatie armée
qui va crescendo.
Alors quelles leçons tirer de cet accord
turco-irano-brésilien qui a suscité le fugace espoir de voir
s’engager une amorce de stabilisation régionale ? En premier
lieu que le rapport du fort au faible n’offre que peu
d’échappatoires. La Fontaine nous l’a autrefois enseigné : la
rhétorique du « loup » ne tient aucun compte ni de la raison, ni
du Droit, a fortiori du droit international, ni de la
justice… Que le discours du « fort » subvertit en soi les
valeurs en principe fondatrices des relations entre les
individus d’abord, entre les sociétés ensuite.
Nous avons là une sophistique consensuelle donnant une
apparence de rationalité légaliste à l’expression de l’imperium
hégémonique, verbalisme de chancellerie qui n’est au demeurant
qu’une transposition du dialogue au bord du ruisseau des deux
animaux de la fable. L’Iran est pareillement un coupable sui
generis et doit par conséquent se soumettre
inconditionnellement. S’il ne s’y résigne pas de son propre gré,
il sera ramené de gré ou de force dans le droit chemin
démocratique et libéral. Ce cas de figure n’est pas nouveau et
les historiens, s’ils cherchent un peu, trouveront de multiples
précédents au cours du XXe siècle.
Nous voyons donc ici, à la croisée des chemins, à quel point,
au XXIe siècle, la ruse, enveloppée du brouillard verbal propre
au smart power prime sur l’immédiat exercice de la force
brutale, mais qu’elle l’annonce cependant tout comme la nuée
porte l’orage. À ce titre les « prophéties » du Líder Máximo
cubain, quelqu’atteint par l’âge qu’il soit, renvoie étonnamment
aux avertissements prodigués par la présidence russe.
La guerre, si elle devait avoir lieu, n’aurait à ce titre pas
grand chose à voir avec une quelconque fatalité plus ou moins
inhérente à de supposées lois physiques de la nature
géopolitique du monde. Elle interviendrait pour la simple et
unique raison que des factions influentes d’ultras, à
Washington, à Londres et à Tel-Aviv, la veulent assidûment et la
préparent avec ardeur et que ces mêmes factions auront fini par
l’emporter sur les clans et les hommes hostiles à l’affrontement
entre forces matérielles.
Bien des naïfs, croyaient en décembre 1990 que la guerre du
Koweït serait évitée parce que des négociations allaient bon
train entre Bagdad et Riyad ; parce qu’également le raïs
Saddam Hussein avait offert de se retirer si un certain délais
lui était accordé lui permettant de « sauver la face ». La
guerre a eu lieu. Elle a eu lieu pour l’unique raison que
l’« on » voulait qu’elle eût lieu. Or la situation d’aujourd’hui
offre de nombreuses similitudes avec celle de décembre 1990. Il
ne manque plus au tableau qu’un prétexte plausible, une
provocation intervenant n’importe où dans le monde mais
suffisamment spectacularisable pour frapper les opinions
de sidération, cela, le temps nécessaire à lancer les premières
frappes qui tétaniseront les oppositions en les prenant de court
et enclencheront automatiquement l’escalade militaire.
Conflit qui serait sans doute appelé à déborder rapidement
hors du cadre régional comme l’en a averti le président russe,
Dimitri Medvedev. Un conflit qui alors pourrait constituer une
opportune porte de sortie à la crise systémique globale qui,
aujourd’hui, commence à menacer le statut d’idole du divin
dollar [15] :
la guerre n’est-elle pas « le » moyen de régulation par
excellence ?
Plus grave, nous devons nous garder, aujourd’hui plus que
jamais, d’une appréciation fausse du rapport de force global qui
est toujours en faveur des États-Unis comme nous en administre
la preuve le ralliement volens nolens de la Russie et de
la Chine au durcissement des sanctions. Une attitude analogue à
celles de ces navires qui fuient sous le vent pour tenter
d’échapper à la tempête… pour l’immédiat, les deux challengers
eurasiatiques des États-Unis se trouvent littéralement aspirés
par la volonté américaine de liquidation du régime iranien et
d’inclusion dans sa sphère d’influence de tout l’espace
géoécopolitique des Balkans à l’Hindou Koush.
Les États-Unis - John Pitbull - n’en démordront pas, chacun
doit se persuader que la chute du régime iranien n’est plus du
domaine du négociable. Russes et Chinois le savent et leur
comportement démontre qu’ils ne disposent pas de la monnaie
d’échange susceptible d’infléchir le projet états-unien. Une
ambition dont le succès à terme n’est d’ailleurs pas assuré
comme les échecs des révolutions colorées géorgienne et
ukrainienne en témoignent./p>
De sorte que Moscou et Pékin peuvent tout au plus jouer le
rôle de ralentisseurs d’un processus qu’ils savent, sauf
accident de parcours, inéluctable. Finalement l’épisode de
l’initiative tripartite aura eu le vrai mérite de mettre les
choses au point et de nous donner un cliché exact de l’état des
lieux géostratégiques, c’est-à-dire en montrant le caractère
(provisoirement) illusoire d’un rééquilibrage des pouvoirs dans
un monde encore assez éloigné de la multipolarité.
Ce constat contredit finalement – en dépit des différents
conflits qui déchirent le Proche-Orient ces deux dernières
décennies – l’idée que nous assisterions tendanciellement à un
déclin de l’expansionnisme états-unien en dépit de deux fronts
et de deux enlisements, l’irakien et l’afghan… tout aussi bien
que par les conséquences économiques et sociales d’une crise
financière que Washington est pourtant encore loin d’avoir
complètement surmonté.
À cet égard, écartons définitivement l’idée – laquelle
ressort de la méthode Coué, c’est-à-dire de l’autosuggestion –
qu’en raison de ses difficultés budgétaires, l’État fédéral
états-unien n’aurait plus la capacité d’aller au bout de ses
intentions belliqueuses. Une idée controuvée à l’heure de la
guerre des drones de combat et des missiles de croisières
hypersoniques à portée intercontinentale.
AAu contraire ce sont ces difficultés mêmes et les menaces que
font peser sur la suprématie du dollar les actuelles
défaillances structurelles du système hypercapitaliste
ultralibéral qui pourraient le cas échéant contraindre l’État
fédéral à une fuite en avant, comme ce fut le cas dans les
années ayant précédé la Seconde Guerre mondiale. Mais à la
différence du temps du président Roosevelt, dont les intentions
véritables étaient masquées par un discours et des dispositions
à caractères pacifistes (embargo sur les armes à destination de
l’Europe), les discours du président Obama se situent
aujourd’hui en contradiction avec les faits les plus patents et,
de facto, ne parviennent plus guère à donner le change.
Enfin, last but not least,, à l’appréciation erronée du
poids relatif sur la scène internationale des « émergents » et
de leur potentiel en matière de bargaining power (car il
est nous est interdit de prendre nos désirs géopolitiques pour
des réalités géostratégiques !) vient se surajouter une
confiance excessive des dirigeants iraniens dans leur capacité à
dissuader les israélo-anglo-américains de procéder à des frappes
préventives… Ceux-ci seraient arrêtés dans leur élan guerrier
par la crainte supposée d’un prix à payer trop élevé : les
dirigeants iraniens croient en effet que l’importance des pertes
qui seraient induites chez l’agresseur lui rendent le coût du
passage à l’acte tout à fait rédhibitoire…
Quant aux mesures que prendrait l’Iran en cas de frappes
préventives, elles sont déjà parties prenantes du script des
opérations. Qu’une salve de missiles de croisière, avec ou sans
tête nucléaire, tirée depuis les sous-marins vendus à l’État
hébreu par l’Allemagne social-démocrate, touchent des centres
vitaux iraniens, que la réplique en représailles de Téhéran sur
des bases ou des navires états-uniens détermine des pertes
significatives dans le corps expéditionnaire coalisé (du même
ordre que lors de l’attaque de Pearl Harbor le 7 décembre 1941,
laquelle fit 2403 victimes, seuil psychologique comparable à
celui atteint avec les destructions des Tours jumelles,
préalable à l’assaut lancé contre le bastion afghan), la presse
occidentale se déchaînera muselant une opinion publique
tétanisée comme elle l’a été le 11 septembre 2001, nous
entrerons alors dans l’engrenage infernal de la guerre sans
limites engagée par le président George Walker Bush contre les
« ennemis » de l’Amérique.
Nous n’aborderons pas ici, l’hypothèse vraisemblable, de
l’ouverture préalable d’un premier front au Liban, voire en
Syrie alliée de l’Iran, afin de réduire la pression exercée par
les tirs de missiles du Hezbollah sur le nord d’Israël… Sans
oublier le scénario de basse intensité comportant la fermeture
du détroit d’Ormuz… mais à y regarder de plus près, celle-ci ne
ferait que retarder l’échéance d’une campagne (déjà planifiée)
de frappes massives destinées à donner toutes ses chances aux
forces intérieures œuvrant au renversement du régime. Le
scénario « Ormuz » devant se révéler tout aussi impuissant à
dissuader les attaquants potentiels… L’artère jugulaire d’Ormuz
par laquelle transitent près de 30 % de la production mondiale
des hydrocarbures nécessaires à faire tourner le moteur
planétaire, fermée, un baril qui bondirait à 300 $ serait
d’ailleurs une aubaine inespérée pour les i>Majors, le
cartel des grandes Compagnies pétrolières, qui pourraient dès
lors se lancer dans l’exploitation à haut coût des schistes et
des sables bitumineux du Groenland et d’ailleurs ou se lancer
dans d’aventureuses campagnes de forages en eaux profondes comme
dans le golfe du Mexique et avec le « succès » que l’on sait.
Sauf par conséquent à ce que l’initiative tripartite ne soit
reprise par une large coalition conduite par la Russie et la
Chine, ce qui semble peu probable dans la conjoncture présente,
le scénario du pire, sous les deux versions qui viennent d’être
évoqués – frappes préventives, représailles, fermeture d’Ormuz –
est en fait de plus en plus plausible. Et sauf une levée de
bouclier internationale particulièrement nette et ferme, La
guerre de Troie aura bien lieu si les dieux assoiffés de
puissance qui siègent dans l’île de Manhattan et règnent sur la
Cité de Londres s’accordent entre eux et en décident ainsi. Il
restera aux stratèges de décider s’ils frappent directement la
Perse, ou s’ils font éclater un conflit à sa marge, pour l’y
précipiter et l’y détruire.
Jean-Michel Vernochet,
Ancien journaliste au Figaro Magazine et professeur à
l’École supérieure de journalisme (ESJ-Paris). Dernier ouvrage
paru : Europe, chronique d’une mort annoncée (Éditions de
l’Infini, 2009).
[1]]
« Joint
Declaration by Iran, Turkey and Brazil on Nuclear Fuel »,
Voltaire Network,
17 mai 2010. « Contentieux
nucléaire Iranien et divergences Américano-Turques,
par Jean-Michel Vernochet, Geopolintel, 12 juillet 2010.
[2]
A propos d’une attaque procédant d’une stratégie
intercontinentale de guerre éclair du XXIe siècle, Rick Rozoff
développait l’idée que les É-U entendrait, en raison d’une
supériorité proprement écrasante, « remporter la victoire sans
même avoir engager la bataille » dans la mesure où
« l’adversaire connaît sa vulnérabilité à une offensive
instantanée, non détectable, écrasante et dévastatrice, sans
capacité de défense ou de représailles ». Doctrine qui n’est que
la stricte application des enseignements datant du VIe siècle
av.J.C, toujours à l’honneur dans les Écoles de guerre
américaines, du général chinois Sun Tzu. La dissymétrie massive
des forces entre les protagonistes se résume d’ailleurs en un
seul chiffre : 708 milliards de dollars pour le budget de la
défense états-unien à comparer aux 7,31 milliards de dollars
pour l’Iran (estimation pour 2007 de l’Institut d’études
stratégiques de Londres). « Prompt
Global Strike : World Military Superiority Without Nuclear
Weapons », par Rick Rozoff,
Voltaire Network,
21 avril 2010.
[3]
Le terme « national-islamiste » fait référence au
« national-catholicisme » de la Pologne de Lech Walesa, épine
dans le pied de l’Union soviétique expirante. Ce qui est en
cause dans le contentieux irano-américain, ce n’est pas tant la
dimension religieuse islamique d’un État « théocratique », que
sa dimension souverainiste. Le nouvel ordre régional voulu par
Washington sur le Rimland eurasiatique, des Balkans à l’Hindou
Koush, est incompatible avec des gouvernements autonomes non
intégrés au système global dominé par Washington, Chicago, New
York et Londres. Il s’agit donc de faire sauter tout les verrous
de souveraineté : ceci a été vrai pour la Fédération de
Yougoslavie détruite à l’issue de la guerre de 1999 et de l’Irak
en 2003. Le Shah d’Iran, Reza Pahlavi, est lui-même tombé,
abandonné de l’Administration Carter, pour avoir eu la velléité
de renouer avec le nationalisme pétrolier de Mossadegh. L’Iran
est en vérité plus « kémaliste » que d’aucuns ne l’imaginent,
l’État profond iranien se situant non pas dans un clergé au
demeurant assez favorable aux concessions, que chez les Gardiens
de la Révolution (les Pasdaran) lesquels constituent le noyau
dur assurant la stabilité de l’édifice politique iranien au même
titre que l’armée turque forme, encore aujourd’hui, un État dans
l’État.
[4]
« Résolution
1929 du Conseil de sécurité »,
Réseau Voltaire,
9 juin 2010.
[5]
Nouvelle doctrine de la diplomatie américaine le
smart power
est une combinaison ou un moyen terme entre le
hard power
(pouvoir de coercition manu
militari) et le
soft power
(pouvoir d’influence, de conviction et de persuasion). La
secrétaire d’État américaine, Mme Hillary Clinton, lors de son
audition devant la commission sénatoriale chargée d’avaliser sa
nomination a présenté le nouveau concept en ces termes : « Nous
devons avoir recours à ce qui a été appelé “le pouvoir de
l’intelligence“ [lequel rassemble] l’ensemble des outils mis à
notre disposition : diplomatiques, économiques, militaires,
politiques, légaux, et culturels – il faut choisir le bon outil,
ou la bonne combinaison d’outils, la mieux adaptée à chaque
situation".
[6]
Gardons en mémoire que l’autre entente tripartite,
anglo-américano-israélienne, en effet n’a pas tardé à faire
payer à la Turquie son audace, d’abord en donnant l’assaut, dans
la nuit du 30 au 31 mai 2010, de la flottille humanitaire
turque, action qui devait faire 9 victimes parmi les passagers
du Mavi Marmara. Puis, peu après, le 18 juin, le PKK (Parti
kurde de travailleurs) lançait une attaque contre un poste
frontière turc au nord de l’Irak occasionnant 8 morts parmi les
gardes frontières turcs. Les observateurs les plus avertis ont
vu dans ces événements, non pas des dérapages incontrôlés ou de
simples accidents, mais un « signal fort », envoyé de façon
préméditée par le « 51ème état de l’Union » à l’attention des
dirigeants turcs de l’AKP, le parti islamique néo-ottoman au
pouvoir à Ankara. Deux événements par conséquent non fortuits,
sachant que, pour le second, le PKK est réputé bénéficier du
soutien actif de conseillers israéliens et d’une certaine
« tolérance » en Irak de la part des forces américaines.
[7]
En lutte ouverte contre le pouvoir central turc depuis 1984, le
bilan du conflit avec le PKK s’établirait à 45 000 morts de tous
bords dont 50 au cours du seul mois de juin 2010. Par conséquent
un sujet de préoccupation permanent pour Ankara, à telle
enseigne que, le 30 juin, le vice-Premier ministre turc Cemil
Ciçek a, une nouvelle fois, remis sur le tapis la question du
« laxisme » états-unien à l’égard des rebelles du PKK…
Parallèlement, le même jour, avait lieu à Bruxelles une
rencontre discrète, à l’initiative d’Ankara (?) entre le
ministre israélien du Commerce, Benjamin Ben Eliezer, et Ahmet
Davutoglu Ministre turc des Affaires étrangères, en vue de
désamorcer l’actuelle crise bilatérale.
Ce premier contact
ministériel israélo-turc depuis le 31 mai date de
l’arraisonnement de la flottille internationale, a été établi
sous couvert du Premier ministre israélien, Benjamin Netanyahou
en court-circuitant le chef de la diplomatie israélienne,
Avigdor
Lieberman.
[8]
« Iran :
minorités nationales, forces centrifuges et fractures endogènes »,
par Jean-Michel Vernochet, in
Maghreb-Machrek, octobre 2009.
[9]
L’Allemagne est traditionnellement l’un des grands partenaires
de l’Iran, Siemens en particulier présent en Perse depuis 1868
lorsque l’entreprise allemande s’employait à poser la première
ligne télégraphique reliant Londres aux Indes. En 2008, les
entreprises allemandes avaient livré des produits pour une
valeur de 3,9 milliards d’euros à l’Iran et seulement 3,3 en
2009.
[10]
Selon le Washington Times
- 7 juillet 2010 - l’ambassadeur des Émirats arabes unis à
Washington, Youssef Al Otaïba (en vérité peu « représentatif »
en raison des analyses divergentes de crise iranienne prévalant
au sein des Émirats), a publiquement prôné le recours à la
force dans le règlement du contentieux nucléaire iranien en cas
d’échec des sanctions contre Téhéran. De la même manière que
les gouvernements français et allemand, les ÉAU font passer
leurs allégeances politiques avant leurs intérêts économiques,
le commerce entre les Émirats et l’Iran se montant par an à la
bagatelle de 12 milliards de dollars.
[11]
« Israël se prépare à la guerre » selon la plupart des médias
arabes lors du lancement le 23 mai 2010 de manœuvres baptisées
« Tournant 4″ », vaste exercice (4e du genre depuis la guerre au
Liban en 2006), destiné à contrer une éventuelles attaque de
missiles de la part du Hezbollah ou de l’Iran.
Le dispositif naval états-unien aux abords du Golfe
arabo-persique se composait encore récemment d’une flotte de
combat tout à fait imposante : Carrier Strike Group 10, headed
by the USS Harry S. Truman aircraft carrier, sails out of the US
Navy base at Norfolk, Virginia Friday, May 21. On arrival, it
will raise the number of US carriers off Iranian shores to two.
Up until now, President Barack Obama kept just one aircraft
carrier stationed off the coast of Iran, the USS Dwight D.
Eisenhower in the Arabian Sea, in pursuit of his policy of
diplomatic engagement with Tehran. For the first time, too, the
US force opposite Iran will be joined by a German warship, the
frigate FGS Hessen, operating under American command. It is also
the first time that Obama, since taking office 14 months ago, is
sending military reinforcements to the Persian Gulf. Our
military sources have learned that the USS Truman is just the
first element of the new buildup of US resources around Iran. It
will take place over the next three months, reaching peak level
in late July and early August. By then, the Pentagon plans to
have at least 4 or 5 US aircraft carriers visible from Iranian
shores.The USS Truman’s accompanying Strike Group includes
Carrier Air Wing Three (Battle Axe) - which has 7 squadrons - 4
of F/A-18 Super Hornet and F/A-18 Hornet bomber jets, as well as
spy planes and early warning E-2 Hawkeyes that can operate in
all weather conditions ; the Electronic Attack Squadron 130 for
disrupting enemy radar systems ; and Squadron 7 of helicopters
for anti-submarine combat (In its big naval exercise last week,
Iran exhibited the Velayat 89 long-range missile for striking US
aircraft carriers and Israel warships from Iranian submarines.)
Another four US warships will be making their way to the region
to join the USS Truman and its Strike Group. They are the
guided-missile cruiser USS Normandy and guided missile
destroyers USS Winston S. Churchill, USS Oscar Austin and USS
Ross.
[12]
À telle enseigne que la Turquie, bien que déboutée par le refus
cinglant de Tel-Aviv de lui présenter des excuses pour l’épisode
sanglant du Mavi Marmara
le 31 mai dernier, vient, le 13 juillet 2010, par
l’intermédiaire de son ministre chargé des relations avec
l’Union Européenne, M. Egemen Bagis, de demander à Mme Catherine
Ashton, Ministres des affaires extérieures de l’UE en visite à
Istanbul, d’intervenir auprès de l’État hébreu afin de sortir de
l’impasse diplomatique actuelle.
[13]
New York Times
du 25 mai 2010 : l’existence d’une directive « secrète » de
septembre 2009 signée par le général David Petraeus, chef du
Commandement central américain, autorisant l’intensification des
opérations militaires secrètes au Proche-Orient, en Asie
centrale (mais aussi dans la Corne de l’Afrique). Le document de
17 pages intitulé « Joint Unconventional Warfare Task Force
Execute Order » autorise les unités spéciales à « pénétrer,
perturber, vaincre ou détruire » toutes cibles en tous pays (y
compris un pays allié comme l’Arabie saoudite) et ce, afin de
« préparer l’environnement » à des offensives conventionnelles.
En ce qui concerne plus particulièrement l’Iran la directive
autorise explicitement « des missions de reconnaissance pouvant
ouvrir la voie à de possibles frappes militaires si les tensions
relatives ses ambitions nucléaires venaient à s’intensifier ».
Des missions (reconnaissance, renseignement, acquisition) qui
de facto
ne seront soumises au visa du Congrès parce que directement
placées sous la juridiction de David Petraeus, chef de l’état
major régional des forces états-uniennes (United States Central
Command) pour les théâtres d’opérations irakien et afghan
(incidemment pakistanais). C’est à ce titre que David Patraeus a
succédé, le 23 juin 2010, au général McChrystal, relevé de ses
fonctions à la tête des forces de « stabilisation » de l’Otan
(ISAF) en Afghanistan sous mandat des Nations Unies. Fonctions
où il sera censé déguiser une défaite presque certaine en fausse
victoire grâce au Pakistan à qui il a été demandé de reprendre
en main son « Golem », à savoir le mouvement Taleb créé à
dessein contre le régime communiste et son soutien soviétique .
[14]
L’infléchissement de la politique française vers un retour dans
le giron atlantique, se fait sentir à partir du 2 septembre 2004
lorsque la France se rallie à la
Résolution 1559 du Conseil de
sécurité, laquelle préconise le retrait syrien du Liban. Six
mois après cette adoption, l’ancien Premier ministre libanais
Rafic Hariri est assassiné le 15 février 2005. Le rapprochement
de la France – son voyage à Canossa ! - et des États-Unis sera
complet lorsque le président Sarkozy revient officiellement en
2009 dans le commandement intégré de l’Otan (dont de Gaulle
avait retiré la France en 1966).
[15]
Le problématique du refinancement du déficit public états-unien
pèse lourdement sur l’évolution des cours du dollar. Des
incertitudes qui hypothèquent l’avenir des obligations d’État (T-Bonds)
à intérêt fixe, engendrant le risque, non négligeable, d’un
krach obligataire ou, l’hyperinflation liée à la multiplication
de signes monétaires de plus en plus démunis de valeur réelle.
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