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Opinion

Lynchage de Kadhafi: le retour du sacrifice humain
Jean-Claude Paye


Photo: RIA Novosti

Jeudi 10 novembre 2011

Le traitement du corps de Mouammar Kadhafi est révélateur de la tragédie vécue par le peuple libyen. Sa dépouille a été l'objet d'un double traitement d'exception, d'une double violation de l'ordre symbolique dans lequel s'insérait cette société.

Au lieu, comme le veut le rite musulman, d'être inhumé le jour même, son cadavre, afin d'être livré au regard des visiteurs, a été exposé durant quatre jours dans une chambre froide.

Cette exhibition s'accompagne ensuite d'un enterrement dans un lieu secret, malgré la demande de récupération du corps, adressée par son épouse à l'Onu.

Cette double décision du nouveau pouvoir libyen inscrit les populations dans une situation que la tragédie grecque a déjà traité. En interdisant à la famille d'inhumer le corps, le nouveau pouvoir politique se substitue à l'ordre symbolique. Supprimant toute articulation entre la "loi des hommes" et la "loi des dieux", le CNT les fusionne et s'octroie le monopole du sacré. Ainsi, il se place au-dessus du politique.

La décision du CNT, de refuser les funérailles à la famille et d'exhiber le cadavre a pour objet de supprimer le signifiant du corps, afin de ne garder que la seule image de la mort. Il s'agit que la pulsion, que l'injonction de jouir de l'image de la mort de Kadhafi ne puisse rencontrer aucune limite. L'exposition du corps n'est qu'un élément de sa fétichisation.

L'essentiel se trouve dans les images du lynchage de Kadhafi. Capturées par GSM, elles occupent l'espace médiatique et tournent en boucles. Intrusives, elles apparaissent en temps réel dans notre vie quotidienne. Elles nous capturent. Elles nous en disent beaucoup, non sur le conflit lui-même, mais sur l'état de nos sociétés, ainsi que sur le futur programmé de la Libye : une guerre permanente. Ces images ont la fonction d'un sacrifice, celui d'un bouc émissaire. Elles nous introduisent dans la violence mimétique, c'est-à- dire dans un cycle pulsionnel, de la répétition de la mise à mort du mal personnifié.

Il s'opère ainsi un retour en arrière dans l'histoire humaine, nous ramenant à un stade où le sacrifice humain occupait une place centrale, donnée ensuite à la loi. Ici, l'exigence de jouissance supplante le politique, la pulsion remplace la raison. L'exemple le plus significatif nous est donné par l'interview d'Hillary Clinton qui accueille ces images comme une offrande. Hilare, elle exalte sa toute puissance et fait partager sa jubilation suite au lynchage : "Nous sommes venus, nous avons vu, il [Kadhafi] est mort !", a-t-elle déclaré au micro de la chaîne de télévision CBS.

La violence infligée au chef d'Etat libyen est aussi, pour les autres dirigeants occidentaux, un moment propice pour exprimer leur satisfaction et jouir de la réussite de leur initiative. "On ne va pas non plus verser des larmes sur Kadhafi", a déclaré Alain Juppé. Les médias nous confirment que "les dictateurs finissent toujours comme cela". Le lynchage devient la preuve même que le supplicié était un dictateur. La violence du meurtre, perpétré par les "libérateurs", nous montre qu'il s'agit bien d'une vengeance. Elle atteste ainsi que ses auteurs sont bien des victimes.

Les prises de position de nos dirigeants politiques, suite à la diffusion de ces images, nous confirment que l'élimination de Kadhafi est bien l'objectif de cette guerre et non la protection de populations. La violence de ce dernier consisterait essentiellement dans le fait qu'il n'ait pas abandonné le pouvoir, alors qu'il était inconcevable qu'il reste. Son image incarnerait la tyrannie, puisqu'il n'a pas rencontré l'amour des dirigeants occidentaux envers les populations libyennes. "Il (Kadhafi) s'est comporté de façon très agressive. Il a reçu de bonnes conditions pour se rendre, il les a refusées", a ajouté M. Juppé.

Le corps meurtri est devenu une icône. Les marques de la violence font apparaître l'invisible. Ces stigmates nous montrent ce que l'on n'a pu voir : la preuve des massacres devant être perpétrés par Kadhafi. Ils sont une révélation de son intentionnalité, de ce au nom de quoi l'Otan a justifié son intervention.

Une identité est ainsi opérée entre les massacres attribués au colonel et son corps ensanglanté. Les marques sur le corps vivant, puis sur la dépouille, ne représenteraient pas la violence des "libérateurs", mais porteraient le signe du sang versé par Kadhafi.

Les images de l'acte sacrificiel permettent à nos dirigeants d'exhiber un pouvoir sans limite. Le ministre français de la Défense, Gérard Longuet, a révélé que l'aviation française, sur demande de l'état-major de l'Otan, avait "stoppé", c'est-à-dire bombardé le convoi en fuite à bord duquel se trouvait Kadhafi. Il revendique ainsi un acte de violation de la résolution du Conseil de sécurité de l'Onu.

A cette occasion, Alain Juppé a aussi reconnu que l'objectif de l'invasion était bien de mettre le CNT au pouvoir : "L'opération doit aujourd'hui s'achever puisque l'objectif qui était le nôtre, c'est-à-dire accompagner les forces du CNT dans la libération de leur territoire, est maintenant atteint".

Le meurtre de Kadhafi, cet acte de "vengeance des victimes", a pour conséquence qu'il ne sera pas jugé. Cet assassinat rencontre les intérêts des firmes pétrolières et des gouvernement occidentaux. Leurs rapports étroits avec le régime du colonel ne seront pas mis sur la place publique. La substitution des images du lynchage à l'organisation d'un procès devant la Cour pénale internationale a surtout pour conséquence que, au lieu d'être stoppée par la parole, la violence devient infinie. La Libye, tout comme l'Irak et l'Afghanistan, deviendra le cadre d'une guerre perpétuelle. Quant à nos régimes politiques, ils s'enfoncent dans un état d'exception permanent. Celui-ci accompagne l'émergence d'un pouvoir absolu, dont l'acte politique se place au delà de tout ordre de droit.

Une intervention militaire, engagée au nom de l'amour des dirigeants occidentaux envers les populations victimes d'un "tyran" (1) et magnifiée par l'exhibition du sacrifice de ce dernier, révèle une régression de nos sociétés vers la barbarie.

Les travaux ethnologiques, ainsi que la psychanalyse, nous ont montré que le sacrifice humain opère un retour à une structure maternelle. L'amour et le sacrifice sont les attributs d'une organisation sociale qui ne distingue plus ordre politique et symbolique. Ce sont les paradigmes d'une société matriarcale qui réalise le phantasme primordial d'unification à la mère, ici la fusion de l'individu avec le pouvoir.

(1) "L'oxymore de la guerre humanitaire", "La Libre Belgique", le 27 mai 2011.

Article publié sur Lalibre.be - © La Libre Belgique 2001-2011
Reçu de l'auteur pour publication

 

 

   

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