Radio francophone IRIB
Armes made in Israël pour les
Contras syriens de l'Oncle Sam ?
Jacques Borde
Jeudi 9
février
2012
IRIB-Le fait mérite d’être noté :jusqu’à
une date récente, Israel ne s’était
guère fait remarquer sur le volet syrien
de ce que nos media ont – un peu
abusivement, il est vrai – appelé les «
révolutions arabes ».
La (relative) prudence hiérosolymitaine
n’était pas infondée. Les Israéliens
estimant notamment le comportement de
Washington sur le sujet comme
essentiellement « ostentatoire ». Le
veto russe a, semble-t-il, passablement
durci la position israélienne. Le
Premier ministre Binyamin Nétanyahu
haussant le ton. Tout comme d’autres
personnalités hiérosolymitaines. Ainsi,
Gabrielle Shally, ancienne diplomate en
poste à l’Onu, a dénoncé ce qu’elle a
appelé « l’état de régression du Conseil
de sécurité des Nations-unies ». Avec,
toutefois, un bémol (de taille). Selon
elle, s’il ne faut pas « laisser toute
seule l’opposition syrienne », il faut
éviter que s’ingérer dans les affaires
intérieures de la Syrie ne débouche sur
une ingérence équivalente dans les
affaires israélo-palestiniennes…
Au bout du compte, Tel-Aviv reste
beaucoup plus prudent que bien des
Européens jouant les Rodomonte. L’ancien
ambassadeur israélien à l’Onu, Itamar
Rabinovitch, concluant simplement «
qu’Israël serait content de la chute de
Bachar el-Assad ».
Simple vœu pieux ? Ou plus ?
Interrogé, lui aussi, sur le dossier
syrien, le député Yitzhak Herzog a
reconnu avoir des « contacts avec
l’opposition syrienne », notamment des
éléments appartenant au pro-américain
CNS.
Est-ce tout ? Évidemment, non !
Scrutant quotidiennement les images en
provenance de Syrie, quelle n’a pas été
ma surprise en tombant sur des images
passant en boucle sur I-Télé – notamment
lors du journal permanent à 19:15 du 7
février 2012 – de noter la présence
entre les mains d’un Contra syrien,
supposé se battre à Homs, d’un fusil
d’assaut made in Israel : un FAL, plus
précisément.
Qu’est-ce qui me permet d’être aussi
formel ? Certes, les insurgés salafo-takfiristes
qui ont pris le pouvoir en Libye grâce
aux Guernica en série de l’Otan – et,
depuis, y torturent violent et
massacrent à outrance – ont mis la main
sur des FAL achetés par la Libye auprès
de la firme Herstal. Or, ces FAL sont
aisément reconnaissable à leur
garde-mains de couleur noire en polymère
ou ryslan.
De son côté, l'armée israélienne a
adopté le FAL en remplacement du
Mauser-CZ, au lendemain de la crise de
Suez (1956). Des FAL 50-00, 50-61 et
FALo (modèle lourd d’appui), pour être
précis, produits en Israël par IMI en
échange de la licence de fabrication de
l’Uzi accordée à la FN Herstal...
Or, ces FAL made in Israel vont subir
quelques modifications dont la plus
voyante est le garde-mains en
demi-coques de bois striées sur la
partie postérieure et une partie
antérieure métallique perforée.
Naturellement, les FAL israéliens
portent des marquages en hébreu.
Question : comment cet ustensile
belgo-hiérosolymitain a-t-il pu aboutir
entre les mains d’un milicien
pro-occidental dans les ruelles de Homs
?
Les FAL d’IMI ne connurent qu’une
carrière assez brève au sein des Forces
de Défense israéliennes (Tsahal, en
français courant) :la Guerre des Six
jours puis la Guerre du Kippour,
principalement. L’arme ne donna jamais
entièrement satisfaction, l’homme de
troupe – bien qu’appartenant à des
unités d’élite comme le Sayeret Golani,
en 1961 à Nuqieb (Syrie)1 ; le Sayeret
Egoz, en janvier 1969 au Liban2 ; le
Sayeret Tzanhanimn, le 22 janvier 1970,
sur l’île de Chédouan3 ou à Suez en
19734 – lui préférant carrément les
armes prises à l’ennemi : AK-47, AKM
voire même Port-Saïd5.
Tsahal n’en gardât pas moins ses FAL. On
les vit donc réapparaître aux mains
d’autres miliciens pro-occidentaux :
ceux des félons de l’ALS, la
qualitativement piètre Armée du
Liban-Sud qui servira surtout de
force-tampon aux troupes israéliennes
stationnées au Liban. L’auteur de ces
lignes en a même photographié un
exemplaire au Musée de Khiam qui jouxte
le Camp de concentration & de torture de
Khiam de triste mémoire, au Sud Liban.
Trois pistes – et pas une de plus –
permettent donc d’expliquer la présence
d’un FAL made in Israel entre les mains
d’un Contra takfiriste pro-US :
1° Une arme tombée aux mains des troupes
syriennes et conservée dans un dépôt
lambda du côté de Homs. Possible. Mais
une arme ne présente, pratiquement,
d’intérêt pour celui qui s’en empare qui
si elle vous est fournie avec les
munitions et les chargeurs qui vont
avec. Or, le FAL est chambré en 7,62×51
mm (calibre Otan) peu couru dans l’impedimentum
de l’armée syrienne majoritairement
dotée d’armes en 7,62×39 mm et 7,62×54
mm (calibres russes).
2° Une arme fournie directement par
Israël. Tsahal les stockant
scrupuleusement à toutes fins utiles.
Piste techniquement possible mais
douteuse cependant. En effet :
- Les logisticiens israéliens sont les
premiers à connaître les difficultés
d’approvisionnement du FAL, côté syrien.
- Les FAL israéliens sont marqués et
aisément reconnaissables. Or, à moins
d’une volonté d’envoyer un « signe » à
Damas, livrer ce type d’armes aux
insurgés pro-occidentaux ne sert pas à
grand-chose.
- Tsahal dispose en quantité massive
d’armes de guerre – AK-47, AKM, RPK,
RPM, etc. – compatibles (et quasiment
pas identifiables quant à leur origine)
avec les munitions et pièces de rechange
de l’armée syrienne.
3° Une arme fournie par le canal des
alliés libanais de l’Occident,
ex-miliciens kataëb (le Dr. Samir Geagea
n’a pas fait mystère de ses préférences)
ou politiciens hariro-futuristes
sunnites.
Quoi qu’il en soit, une chose est sûre
le FAL – made in Israel ou ailleurs – ne
s’achète pas dans une épicerie de
quartier. Il a donc bien fallu que
quelqu’un fasse l’effort de le faire
passer entre les mains des Contras du
CNS ou de l’ALS, l’Armée (dite) libre
syrienne.
Notes
1 Israeli Elite Units since 1948,
p.54, Samuel Katz, Osprey Ltd.
2 Israeli Elite Units since 1948,
p.45, Samuel Katz, Osprey Ltd.
3 Israeli Elite Units since 1948,
p.57, Samuel Katz, Osprey Ltd.
4 Israeli Defense Forces since 1973,
p.48, Samuel Katz, Osprey Ltd.
5 Version égyptienne du Carl Gustav
45 suédois, chambré en 9×19 mm.
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