Nouvelles et analyses humanitaires
L'ABC des
démolitions israéliennes dans les TPO
IRIN
En 2012,
395 structures palestiniennes ont été
détruites en Cisjordanie
Photo: Shabtai Gold/IRIN
RAMALLAH, 21 août
2012 (IRIN)
Rasmiyye Hamande a
vécu dans une grotte dans les
Territoires palestiniens occupés (TPO)
la majeure partie de sa vie, ce qui,
d’une certaine façon, peut être
considéré comme une bénédiction. « Cette
grotte ne peut pas être détruite si
facilement », explique-t-elle.
D’autres structures du village d’Al-Mufaqara,
situé dans la zone C – les 60 pour cent
de la Cisjordanie sous contrôle
militaire israélien –, peuvent être
détruites plus facilement.
Quelque 622 structures ont été démolies
par les forces israéliennes en
Cisjordanie en 2011, ce qui représente
une
augmentation de 42 pour cent par
rapport à 2010. Les chiffres pour 2012
pourraient très bien dépasser ceux de
l’an dernier, car à la fin juillet, le
Bureau de la coordination des affaires
humanitaires des Nations Unies (OCHA)
avait déjà enregistré la démolition
d’environ
395 structures dans les TPO.
Al-Mufaqara est l’un des douze villages
situés dans une zone récemment déclarée
« zone de tir 918 » par Israël. Le
ministère israélien de la Défense
souhaite démolir huit de ces villages et
évacuer leurs résidents pour faire de la
place pour un camp d’entraînement
militaire. On s’attend à ce qu’environ 1
500 Palestiniens soient déplacés de
force si l’ordre de démolition est
appliqué.
Selon l’armée, les exercices
d’entraînement dans la zone de tir 918
sont nécessaires pour combler les
lacunes qui ont été mises en évidence à
l’occasion du conflit de 2006 entre
Israël et le Liban. Le ministère de la
Défense israélien a par ailleurs indiqué
que les villageois seraient autorisés à
utiliser la terre les week-ends et lors
des fêtes juives.
Les zones de tir comme celle-ci, qui
sont toutes officiellement destinées à
l’entraînement militaire, représentent
environ 18 pour cent du territoire de la
Cisjordanie. Depuis 2010, 45 pour cent
de toutes les démolitions dans la zone C
de la Cisjordanie, un territoire
contrôlé par Israël, ont été faites dans
les
zones de tir.
IRIN examine les circonstances entourant
ces démolitions.
Quand et pourquoi les structures
palestiniennes de la zone C sont-elles
considérées comme illégales par Israël ?
Toutes les structures nécessitent un
permis approuvé par le gouvernement ;
celles qui n’en ont pas peuvent être
détruites. Or, il est pratiquement
impossible d’obtenir un permis de
l’administration civile israélienne –
l’organe militaire chargé de superviser
les TPO – pour une construction
palestinienne en zone C.
Selon l’OCHA, l’administration civile
israélienne a rejeté 94 pour cent des
demandes de permis de construire
déposées par des Palestiniens dans la
zone C entre 2000 et 2007. En 2010,
seulement 4 demandes de permis de
construire en zone C sur 444 ont été
approuvées. L’administration civile a
dit à IRIN qu’il n’y avait pas de délai
fixe pour l’examen des demandes de
permis et que chaque demande était
examinée différemment.
Dans les villages situés à l’extérieur
des zones de tir, l’imposition de règles
strictes en matière d’aménagement du
territoire constitue le principal
problème. Pour obtenir un permis, les
constructions doivent être conformes à
des plans d’aménagement qui n’ont pas
changé depuis les années 1930, quand la
région était sous mandat britannique.
Seuls les résidents permanents et ceux
qui possèdent un permis spécial peuvent
accéder aux zones militaires fermées. À
moins d’un ordre spécial du commandant
israélien responsable, les permis de
construire ne sont pas disponibles.
Les constructions sont également
interdites sur les terres considérées
par Israël comme des sites
archéologiques. C’est notamment le cas
de Susiya, un village situé dans les
collines du sud d’Hébron ; 70 pour cent
des structures existantes dans la
communauté font l’objet d’ordres de
démolition en attente d’exécution.
Au total, les constructions
palestiniennes sont interdites dans 70
pour cent de la zone C et elles sont
fortement restreintes dans un autre 29
pour cent du territoire de la zone.
Les ordres de démolition peuvent cibler
des maisons en dur, des tentes ou
d’autres structures incluant des écoles,
des puits, des panneaux solaires, des
réseaux électriques et des abris pour
les animaux. Sur les 622 structures
détruites par les forces israéliennes,
222 étaient des maisons, 170 des abris
pour les animaux, 2 des salles de classe
et 2 autres des mosquées.
Que peuvent faire les
communautés affectées contre les ordres
de démolition ?
L’administration civile remet d’abord au
propriétaire de la structure ce qu’on
appelle un « ordre de cessation des
travaux » sur lequel figure la date et
le lieu de l’audience et le sous-comité
de l’administration civile qui est
concerné. Les propriétaires peuvent
contester l’ordre reçu à l’occasion de
l’audience du sous-comité et espérer
obtenir un permis de manière
rétroactive.
Après l’audience, l’administration
civile donne généralement un ordre de
démolition final qu’il est aussi
possible de contester. Si la cour statue
en faveur de la communauté affectée ou
suggère des modifications, la démolition
est suspendue. Une fois que la cour
appuie légalement la démolition
toutefois, celle-ci peut être exécutée.
Guy Inbar, porte-parole de
l’administration civile, a dit à IRIN
que dans les cas de la communauté de
Susiya et de la zone de tir 918, « la
cour nous a d’abord dit d’attendre avant
de démolir. » Mais la cour a également
découvert qu’il était illégal de
construire dans ces zones en raison de
décisions antérieures. À l’heure
actuelle, aucune des communautés n’a été
entièrement évacuée, même si elles ont
toutes les deux des histoires de
démolition et d’expulsion.
Les démolitions sont-elles
légales en vertu du droit international
?
Selon l’article 53 de la
quatrième Convention de Genève, « il
est interdit à la Puissance occupante de
détruire des biens mobiliers ou
immobiliers, appartenant
individuellement ou collectivement à des
personnes privées, à l’État ou à des
collectivités publiques, à des
organisations sociales ou coopératives,
sauf dans les cas où ces destructions
seraient rendues absolument nécessaires
par les opérations militaires. »
L’article 46 de la
Convention de La Haye stipule que «
la vie des individus et la propriété
privée, ainsi que les convictions
religieuses et l’exercice des cultes,
doivent être respectés. »
Le gouvernement israélien considère que
la Cisjordanie n’est pas sous occupation
et qu’elle a plutôt le statut de «
territoire disputé », ce qui limite
l’applicabilité des dispositions du
droit humanitaire international.
Quelle responsabilité Israël a-t-il
envers les Palestiniens qui vivent dans
les structures devant être démolies ?
Ramesh Rajasingham, responsable de
l’OCHA dans les TPO, a dit qu’Israël
avait, « en tant que puissance
occupante, l’obligation de protéger les
civils palestiniens et d’administrer le
territoire de façon à assurer leur
bien-être et la satisfaction de leurs
besoins essentiels. Les destructions de
maisons de civils constituent un
manquement à cette obligation. »
Dans le cas du village palestinien de
Zanuta, qui est construit sur un site
archéologique israélien, la cour a
demandé à l’État d’offrir des solutions
pour ceux qui vivent dans les maisons
qui seront détruites.
SSelon un
article publié dans le journal
israélien Haaretz, « le représentant de
l’État a répondu en disant qu’il n’était
pas de la responsabilité de l’autorité
militaire de trouver une solution. »
Qu’arrive-t-il après les
démolitions ?
Les organisations humanitaires
fournissent souvent des abris d’urgence
aux Palestiniens dont les maisons ont
été détruites. Or, même ces abris
d’urgence peuvent être considérés comme
illégaux par l’administration civile
israélienne s’ils sont construits sans
permis dans la zone C.
Dans de nombreux cas, comme dans la zone
de tir 918, les Palestiniens décident de
reconstruire leur maison. D’autres vont
vivre avec des proches jusqu’à ce qu’ils
trouvent un nouveau foyer. Une minorité
d’entre eux ont des maisons secondaires
dans les zones A ou B, qui sont placées
sous le contrôle total ou partiel de
l’Autorité palestinienne (AP) et
représentent 40 pour cent du territoire
de la Cisjordanie.
Pour les résidents des huit villages de
la zone de tir 918 dont on prévoit la
démolition, il est difficile d’imaginer
être expulsés de leur foyer.
Khalid Jabareen, qui habite l’un des
villages, a dit à IRIN : « Nous voyons
dans les médias comment vivent les gens,
comment vivent les Israéliens. Si on se
compare à ce que l’on voit, je peux dire
que l’on ne vit pas. »
*Cet article a été modifié le 18 août
pour refléter le fait que l’OCHA ne
fournit pas d’abris d’urgence
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Publié le 22 août 2012 avec l'aimable
autorisation de l'IRIN
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