Nouvelles et analyses humanitaires
TPO: La reprise de la construction de la
barrière
menace le patrimoine palestinien
IRIN
Le village
de Battir est perché au sommet d’un
système de terrasses agricoles
unique dans le Territoire palestinien
occupé - Photo: Andreas Hackl/IRIN
RAMALLAH, 13 août 2012 (IRIN)
Les communautés palestiniennes de
Cisjordanie ont exprimé leur inquiétude
face à l’annonce abondamment rapportée
par les médias de la reprise de la
construction par Israël de son « mur de
séparation », après cinq ans
d’interruption.
« C’est un crime de faire passer le mur
par ici », a dit Akram Badir, chef du
conseil du village de Battir, une
communauté palestinienne située juste de
l’autre côté de la Ligne verte, au
sud-est de Jérusalem. « Ce sera une
catastrophe », a-t-il continué en
montrant le tracé prévu le long d’une
voie de chemin de fer passant à
proximité.
Battir jouit d’un système d’irrigation
séculaire qui alimente en eau douce les
riches terres agricoles de la
communauté. L’eau, accumulée dans une
ancienne piscine romaine, coule de
terrasse en terrasse avant d’être
distribuée dans les champs par des
canaux.
« Si le mur est construit comme prévu,
au travers des terrasses, celles-ci vont
s’effondrer », a dit Giath Nasser,
l’avocat chargé de la procédure engagée
par Battir contre le tracé projeté pour
la barrière.
Environ 62 pour cent du tracé de la
barrière, qui devrait mesurer 708 km de
long, a déjà été complété. Il en reste
huit pour cent en construction et 30
pour cent planifié, mais pas encore
érigé. À ce jour,
selon le bureau de la coordination des
Affaires humanitaires des Nations Unies
(OCHA), 150 communautés ont été
isolées de leurs terres par la barrière
et 7 500 Palestiniens, coincés entre la
Ligne verte et le mur, ont besoin d’un
permis spécial pour pouvoir rester chez
eux.
La Cour pénale internationale a rendu en
2004 un
avis consultatif demandant à Israël
de cesser l’édification du mur, de
démanteler ou modifier le tracé des
sections déjà complétées et d’abroger le
régime d’octroi des permis et de
franchissement des portes. Dans une
décision adoptée lors de sa 36e session,
l’Organisation des Nations Unies pour
l’éducation, la science et la culture
a prié instamment toutes les parties
concernées de préserver le paysage en
terrasses de Battir, un site appartenant
au « patrimoine culturel et naturel
palestinien ».
Israël soutient quant à lui que la
barrière est nécessaire pour des raisons
de sécurité.
Envisager l’avenir
L’édification du mur avait été
interrompue principalement à cause de
problèmes budgétaires et de recours en
justice intentés par la société civile
israélienne et palestinienne contre le
tracé prévu.
Le ministère de la Défense israélien a
dit à IRIN que la construction allait
peut-être pouvoir reprendre lorsque
l’autorisation nécessaire serait
accordée par la Haute Cour de Justice et
les comités du ministère des Finances
chargés de l’expropriation des terres le
long du tracé.
Les travaux d’édification du mur
devraient d’abord reprendre dans les
zones proches de Jérusalem et de
Bethléem et notamment autour du bloc de
colonies de Gouch Etzion, où se situe
Battir.
Il est difficile d’estimer le nombre
exact de communautés qui seront
affectées par la reprise de
l’édification, car les procédures
juridiques visant à déterminer le tracé
final ne sont pas encore achevées.
L’OCHA compte cependant que 50
communautés palestiniennes bordant des
sections encore non construites de la
barrière seraient affectées,
c’est-à-dire qu’elles seraient coupées
de leurs terres ou de leurs ressources
en eau ou qu’elles seraient isolées de
leur voisinage.
Une barrière contestée
« La barrière entourant Battir suit la
Ligne verte. Israël ne devrait donc
avoir aucune difficulté du point de vue
juridique [à reprendre la construction à
cet endroit]. Cependant, ses
conséquences sur la communauté seront
particulièrement graves et impliquent la
perte d’un site historique », a dit à
IRIN Sarit Michaeli, porte-parole de
l’Organisation non gouvernementale
israélienne B’Tselem.
« La solution est simple », a dit M.
Nasser. « [Il faut] construire le mur du
côté israélien de la voie ferrée ». De
cette façon, a-t-il ajouté, les
villageois auraient toujours accès à
environ 300 hectares de terres agricoles
dont ils dépendent pour subvenir à leurs
besoins.
« Je sais que cela ne fait pas de moi
une femme riche, mais je vends des
légumes à Jérusalem une fois par semaine
», a dit une vieille femme cueillant de
la menthe sur le terrain appartenant à
sa famille, du côté israélien de la voie
ferrée. « C’est ma source de revenus ».
« Si vous coupez la terre de
Battir par un mur, vous
détruisez la paix, le patrimoine
culturel et notre économie »
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De nombreux documents font état des
conséquences de la barrière sur les
agriculteurs. Selon l’Office de secours
et de travaux des Nations Unies pour les
réfugiés de Palestine dans le
Proche-Orient (UNRWA), les agriculteurs
touchés par l’édification du mur
connaissent généralement une baisse de
leur production annuelle allant jusqu’à
60 pour cent.
Dans d’autres villages, les recours en
justice comme celui de Battir se sont
souvent accompagnés de manifestations
populaires qui, dans le cas de Budrus et
Bil’in, par exemple, ont réussi à
changer le tracé de la barrière.
« Nous voulons résoudre ce problème de
manière pacifique, au tribunal », a dit
M. Badir, avant d’ajouter : « Si vous
coupez la terre de Battir par un mur,
vous détruisez la paix, le patrimoine
culturel et notre économie ».
Soutien de la population en
faveur de la barrière
Lorsque le premier ministre israélien
Ariel Sharon avait annoncé la
construction d’une barrière en
Cisjordanie en 2002, il avait obtenu le
soutien de la population pour ce projet
considéré comme une réponse à une vague
d’attentats suicides perpétrés contre
des civils israéliens par des
Palestiniens lors de la seconde
Intifada. Selon
The Peace Index, une enquête
étudiant l’opinion israélienne
concernant des questions relatives au
conflit israélo-palestinien, en octobre
2003, sur un échantillon de juifs
israéliens, 83 pour cent étaient
favorables à la barrière.
La sécurité reste la principale raison
pour laquelle le gouvernement israélien
défend le mur. « La barrière n’est
construite que pour des raisons de
sécurité. Avant la terreur, il n’y avait
pas de barrière. C’était une réaction,
une réaction face à la terreur », a dit
à IRIN Josh Hantman, porte-parole du
ministère de la Défense israélien.
« La majorité croit toujours que
l’amélioration de la sécurité est due à
la barrière et non aux mesures prises
par les Palestiniens », a dit Dahlia
Scheindlin, experte et analyste de
l’opinion publique israélienne. Mais les
Israéliens sont favorables à la barrière
pour d’autres raisons également,
a-t-elle ajouté. « Les [juifs]
israéliens partagent le sentiment que la
séparation est la seule manière d’avoir
une vie normale ici. »
Dans la dernière enquête menée par Mme
Scheindlin, en 2007, 59 pour cent des
juifs israéliens estimaient que la
barrière avait amélioré la sécurité,
mais 31 pour cent affirmaient qu’elle
rendait la situation plus difficile pour
les Palestiniens et pourrait finir par
augmenter l’insécurité.
Si le gouvernement israélien a mis en
évidence par le passé que la barrière
avait radicalement réduit les attaques
perpétrées par des Palestiniens en
Israël, les
médias et l’OCHA
ont signalé qu’environ 15 000
Palestiniens continuaient
quotidiennement à entrer sans permis en
Israël en 2011. D’autres facteurs
contribueraient donc à la baisse de la
violence.
Le colonel israélien chargé de
l’édification du mur, Danny Tirza, a
lui-même
dit récemment que la diminution du
nombre d’attentats et le rétablissement
du sentiment de sécurité en Israël ne
pouvaient pas être exclusivement
attribués à la barrière, mais étaient
dus à « des efforts conjugués de toutes
les parties concernées. »
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Publié le 15 août 2012 avec l'aimable
autorisation de l'IRIN
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