Analyse
Ilham et les « grands prêtres »
Iyad-La-Joie
Le Senat - Photo:
Palestine Solidarité
Jeudi 11 janvier 2010
En France on a vraiment le talent de perdre temps et argent en
menant des débats houleux sur des points marginaux et qui
n’empêchent certainement pas les Français de bien dormir. Tout
le monde, gauche et droite confondues, fait de la démagogie et
du populisme sur le dos de cette demoiselle courageuse, Ilham
Moussaid.
En quelques jours Ilham est
sortie de l’anonymat et devenue, malgré elle, une star quasi
internationale dont l’histoire a été racontée dans différents
journaux, en allant du
Guardian anglais et
d’autres journaux chez nos voisins européens jusqu’aux journaux
du monde arabe comme par exemple
Asharq al-Awsat qui
rappelle qu’il y a eu 400 prêtres députés à l’assemblée
nationale, le dernier étant l’abbé
Hervé Laudrin qui eut une
riche carrière politique de 1958 jusqu’à son décès en 1977 et
fut élu député, député européen, conseiller général et maire.
Mais venons-en un peu au
fond et expliquez-moi SVP la vraie raison de cet entêtement des
uns et des autres à mêler la religion à cette question de
candidature d’une citoyenne du peuple, une citoyenne qui se
présente parce qu’elle croit au combat que mène le parti auquel
elle adhère ?
Qu’est ce qui a piqué tous
ces hommes et ces femmes, toutes tendances confondues, pour ne
voir de cette jeune femme que ce bout de tissue qui cache ses
cheveux ? Est-ce qu’il y a quelque chose qui se cache
en-dessous ? Un alien qui attend le moment approprié pour
attaquer et dévorer les vrais républicains qui seraient les
seuls à le voir et à nous en alerter ?
Est-ce qu’Ilham a jamais
dit un mot, rien qu’un mot qui laisse présager qu’elle serait
antirépublicaine, qu’elle ne respecterait pas la constitution
française et qu’en vérité elle ne serait qu’une arriviste qui se
bat pour promouvoir l’horrible « charia » dans les cités ? Non,
et mille fois non.
Ce fichu que porte Ilham ne
saurait induire le moindre irrespect des lois de la République,
et il faut être malhonnête pour oser mettre en cause son sincère
engagement pour le bien du peuple, en respectant la ligne de son
parti qu’on peut être pour ou contre, là n’est pas la question.
L’acte de candidature
d’Ilham est un acte citoyen, et parler intentionnellement de sa
religion pour porter un jugement sur sa candidature est une pure
démagogie, si ce n’est un symptôme d’un vice intellectuel caché,
ce qui serait bien plus grave.
Imaginez que le même Ilham,
avec les mêmes convictions, imaginez qu’elle porte son foulard
suite à une grave maladie, un cancer, tout en militant pour la
même cause. Est ce qu’on l’aurait condamnée ? Bien sûr que non,
on aurait plutôt sympathisé. Mais c’est quoi la différence ?
Pour nous, rien du tout. Dans les deux cas elle se battrait pour
bien faire son travail pour lequel elle a été élue, si jamais
elle est élue, et c’est ce qui compte.
Qu’est ce qui gêne alors ?
Que ces sieurs et ces dames ne peuvent la voir que comme une
femme musulmane avec ses convictions religieuses ? Mais si
c’était un homme, un jeune militant et musulman convaincu, genre
un jeune Tariq Ramadan par exemple, qui se présentait sur la
liste de tel ou tel parti en adhérant sincèrement à son
programme, qu’aurait on dit ?
Il y en a qui dit qu’il y a
d’autres femmes musulmanes candidates qui ne portent pas de
foulard, et qu’on n’a pas besoin d’avoir des femmes voilées !
Qu’est ce que c’est que cette mentalité qui décide qui est bon
et qui est méchant ? De quel droit peut-on exclure une citoyenne
qui veut s’engager au service de son peuple et qui fait du bon
travail ? Seulement parce qu’elle croit qu’elle doit couvrir ses
cheveux tout en respectant les autres ? Chacun parmi nous, homme
ou femme, élu du peuple ou pas, a ses propres convictions et la
déclaration universelle des droits de l’Homme lui assure le
droit d’afficher ses convictions. Le point qui fait la
différence c’est le respect des lois, le respect des engagements
et le bon travail qu’on offre à la société.
En 2004 Valérie Pécresse
déclare : « Je suis
catholique pratiquante. Mon catholicisme est sûrement à la
racine de mon engagement politique. La politique, c’est
améliorer la vie des gens, les recevoir, leur parler. En tant
que députée, je ne raisonne pas en fonction de mes convictions
religieuses mais en fonction de l’intérêt général ». La
conviction religieuse de Mme Pécresse n’a pas posé un problème
pour qu’elle soit élue députée, nommée ministre et désignée tête
de liste UMP aux élections régionales en Ile de France de cette
année 2010. Avoir des convictions et s’engager sincèrement,
encore une fois dans le respect des lois de la République, c’est
tout à l’honneur de toute personne, et la question ici ce n’est
pas de savoir si on est pour ou contre le courant politique de
Mme Pécresse, mais de montrer l’hypocrisie quand on s’insurge
contre une jeune femme du peuple et on lui fait un procès
d’intention par ce qu’elle ose rester fidèle à elle-même.
Je connais un pays arabe où
des « grands prêtres » veillent aux mœurs du peuple en imposant
le port du voile aux femmes. Résultat, dans ce pays, on apprend
l’hypocrisie aux femmes, voire au peuple entier, à avoir
plusieurs visages. En France, on fait l’inverse. D’autres
« grands prêtres » veillent à assurer la vie éternelle à leurs
certitudes qui s’ébranlent dès qu’ils voient une femme musulmane
travailleuse et engagée en portant un foulard. Eux aussi, ils
veulent apprendre l’hypocrisie à ces femmes, ils veulent
qu’elles présentent deux personnalités et qu’elles avancent
toujours masquées. Ça ne marche pas, ça ne pourra jamais
marcher ! A moins qu’on ne veuille commencer une inquisition en
France, apprenons-nous à nous connaître, à nous respecter et à
œuvrer ensemble pour notre bien commun. C’est uniquement comme
cela que chacun parmi nous aimera la France et donnera le
meilleur de lui-même pour son épanouissement.
J’espère pour Ilham qu’elle
va tenir bon, car c’est grâce à des jeunes femmes courageuses
comme elle que les lignes bougeront, et surtout j’espère que ce
harcèlement politico-médiatique va se calmer et qu’il ne va pas
la pousser à changer pour une burqa pour ne plus avoir affaire à
ce monde de fous.
Yad-La-Joie
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