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Le Web de
l'Humanité
Liban : un ballon d’oxygène
qui n’en est pas un
Hassane Zerrouky
26
janvier 2007
Conférence de Paris . L’aide consentie en contrepartie d’une
cure d’austérité néolibérale risque de se traduire par
davantage de précarité pour une bonne part des Libanais.
« Le montant de la collecte faite au profit
du Liban s’élève à un peu plus de 7 milliards 600 millions de
dollars », a annoncé hier Jacques Chirac au terme d’un
tour de table où avaient pris place, outre la France, trente-cinq
pays, dont les États-Unis, l’Arabie saoudite et les pétromonarchies
du Golfe, et 14 institutions internationales, dont le FMI, la
Banque mondiale, la Banque islamique, la BEI. La veille, Paris,
Washington et l’Union européenne ont annoncé des aides pour un
montant de 1,92 milliard de dollars. Ce à quoi s’ajoutent des
promesses fermes d’aide d’un milliard de dollars (Arabie
saoudite) et du versement par la BEI (Banque européenne
d’investissement) de 960 millions d’euros, soit près de
quatre milliards de dollars. Reste à savoir si ce ballon d’oxygène
va permettre au Liban, qui n’en escomptait pas tant, de
retrouver à terme le chemin de la croissance. En effet, avec une
dette publique représentant plus de 180 % du produit intérieur
brut (PIB), le Liban, qui n’arrive pas à faire face à ses
besoins, est au bord de la banqueroute.
Il faut savoir que la situation économique et
financière libanaise a déjà fait l’objet de deux réunions
internationales. Lors de la conférence dite de Paris I, en février
2001, il a bénéficié d’une aide de 500 millions euros. Moins
d’une année plus tard, en novembre 2002 (conférence de Paris
II), 3,2 milliards de dollars ont été octroyés au Pays du cèdre
en contrepartie d’un plan de redressement d’inspiration néolibérale
que le premier ministre d’alors, Rafik Hariri, s’était engagé
à mettre en oeuvre afin de renverser la dynamique de la dette.
En 2002, la dette publique représentait déjà
170 % du PIB et le déficit de la balance commerciale était de
4,8 milliards de dollars, alors que le solde de la balance
courante accusait un déficit de moins 19 % d’un PIB de 18,5
milliards de dollars. Parmi ces réformes structurelles envisagées
figuraient la privatisation d’entreprises publiques, une réduction
du train de vie de l’État et une amélioration des recettes
fiscales, réformes qui devaient se traduire, à l’horizon 2005,
par une baisse notable de la dette par rapport au PIB. À l’évidence,
ces deux plans, Paris I et Paris II, se sont traduits par des résultats
inverses des buts recherchés.
Bien que le PIB soit passé de 17 milliards de
dollars en 2001 à 22,3 milliards entre 2001 et 2005, le poids de
la dette publique, loin de baisser, a considérablement augmenté.
Fin 2004, l’encours de la dette était de 36 milliards de
dollars, et fin 2005, il dépassait les 40 milliards de dollars,
alors que par ailleurs le taux de croissance stagnait autour de 2
%. Ce à quoi se sont ajoutés les effets socialement coûteux
pour les couches les plus démunies de la guerre d’agression
israélienne de l’été 2006. En effet, les trente-trois jours
de conflit se sont traduits par une saignée pour l’économie et
les finances du pays : entre 3 et 5 milliards de dollars.
L’aide internationale consentie hier par les
bailleurs de fonds internationaux a un prix. Avec l’aval du FMI
et de la Banque mondiale, le premier ministre libanais a présenté
un programme de réformes (2007-2011), qualifié d’ambitieux,
devant restaurer les grands équilibres (ramener le taux
d’endettement de 180 % du PIB à 140 %). Entre autres, il
s’agit de réduire le train de vie de l’État en réformant
l’administration publique, à savoir réduire le nombre de
fonctionnaires, réformer le secteur financier, augmenter les
recettes fiscales au moyen d’une hausse de la TVA, restructurer
l’entreprise publique Électricité du Liban, en vue de sa
privatisation, et privatiser Liban Telecom. Reste que les recettes
escomptées de ce programme de privatisation, sur fond de réduction
du train de vie de l’État, qui seront affectées au
remboursement de la dette, ne rapporteront pas grand-chose, soit
un peu plus d’un milliard de dollars. Autrement dit, la cure
d’austérité néolibérale envisagée, dans un pays où le chômage
touche près de 30 % de la population et où plus d’un tiers vit
sous le seuil de pauvreté, se traduira par un coût socialement
douloureux pour les couches démunies et aggravera d’autant les
inégalités sociales. Dans ce contexte de crise sociale et
politique aiguë, d’un pays sorti exsangue d’une guerre dévastatrice,
la question est de savoir comment le gouvernement libanais, si
jamais il se maintenait au pouvoir, va s’y prendre pour faire
avaler la pilule néolibérale à des Libanais déçus par quinze
ans de politique au service des couches aisées et de la spéculation.
Manifestation à Paris. Le Comité Georges Ibrahim
Abdallah appelle à un rassemblement, aujourd’hui à 18 heures,
devant le centre de conférence international, avenue Kleber,
Paris 16e, en solidarité avec le peuple libanais et pour la libération
de George Ibrahim, détenu en France depuis vingt-trois ans. Par
ailleurs, la police a interpellé plusieurs manifestants qui ont
occupé le consulat libanais en France.
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