|
Ha'aretz
Les réservistes : de droite ou de
gauche ?
[les ambiguïtés et les
contradictions politiques du mouvement de protestation des réservistes
israéliens après la guerre au Liban]
http://www.haaretz.com/hasen/spages/755421.html
Ha'aretz, 28 août 2006
Les ministres qui se rendaient à la Knesset dimanche pour la réunion
hebdomadaire du conseil des ministres ont pu se réconforter du
petit nombre de manifestants : 45 personnes armées de sifflets.
En dépit de leur petit nombre, les deux groupes de manifestants,
l¹un emmené par le Mouvement pour la Qualité du Gouvernement, l¹autre
par des soldats réservistes, n¹ont pas
su produire un message commun.
La droite réclame la création d¹une commission d¹enquête, la
gauche réclame la démission du Premier ministre, du ministre de
la défense et du chef d¹état-major.
Cela fait une semaine que les réservistes Roni Zweigenbaum et
Assaf Davidoff ont entrepris de protester auprès des dirigeants
du pays et d¹exiger qu¹ils "assument leurs responsabilités
et démissionnent", exigences de plus en plus au cœur du débat.
Et les mouvements de droite sont de plus en plus actifs.
La confusion entre les camps politiques vient aussi de la
profusion de pétitions (pas moins de 10) que le public est appelé
à signer. L¹une réclame la démission des trois dirigeants, une
autre une commission d¹enquête, une troisième la démission du
seul chef d¹état-major, une autre celle du seul Premier
ministre, une cinquième un changement de statut des réservistes,
etc.
Mais le problème le plus grave auquel les réservistes sont
confrontés est la tentative de récupération de la droite. Si la
droite se montre capable d¹utiliser les protestations pour
abattre le gouvernement, l¹évacuation des colonies sera retardée
de plusieurs années. Les réservistes comprennent le danger de la
récupération de droite et tentent de garder leurs distances.
"Nous aurions pu tomber dans le piège et accepter des dons
de toutes sortes de groupes, et nous serions dans une autre
situation, mais nous aurions manqué à notre devoir", dit
Nir Hirshman, porte-parole des réservistes protestataires.
Toutefois, un examen attentif du petit groupe révèle que ses
leaders sont pour la plupart issus de la droite. Parmi eux, le
fondateur d¹un avant-poste illégal dans les Territoires, et un
militant de premier plan contre le plan de retrait unilatéral. Et
ceux qui se situent à gauche au sein du mouvement, qui sont montrés
du doigt chaque fois que des accusations sont proférées sur le
sens politique du mouvement, se battent pour que la protestation
ne glisse pas vers l¹"orange"(1).
Le secrétaire de Shalom Arshav (La Paix Maintenant), Yariv
Oppenheimer, dit que le message des réservistes ne peut être
compris que comme un message de droite. "Ils veulent faire
tomber le gouvernement, mais refusent de dire ce qu¹ils veulent
à sa place. Il s¹agit d¹un mouvement nationaliste qui ne parle
que de victoire lors de la prochaine guerre et pas de la manière
de l¹éviter. S¹ils réussissent, au bout du compte c¹est
Lieberman et Netanyahou (2) qui arriveront au pouvoir". Il
estime que les réservistes n¹évoquent pas l¹usage excessif de
la force par l¹armée, et ne remettent pas question la nécessité
de la dernière opération terrestre, qui a coûté la vie à 34
soldats.
Baroukh Itam, considéré comme le "gauchiste" du
groupe, n¹est pas d¹accord. "Si on raconte notre histoire
comme celle d¹une protestation Oorange¹ qui aura fait chuter le
gouvernement, de sera très triste. Le but est de raconter l¹histoire
d¹une protestation qui veut réinsuffler des valeurs au
leadership". Il concède bien que la pression de la droite
existe, qui peut être qualifiée de dangereuse "à cause de
ses motivations quant à la chute du gouvernement. J¹appelle la
gauche à nous rejoindre en masse pour rééquilibrer le
tout".
Entre temps, la tension monte parmi les protestataires. L¹un est
soupçonné d¹être une taupe du Shin Bet, deux autres d¹être
des militants de Shalom Arshav qui essaient de saboter la
manifestation. Le mouvement a pris également ses distances avec
"Eveil", formé l¹année dernière pour protester
contre le désengagement de Gaza.
Alors que la plupart des occupants de la tente de protestation
semblent être des gens de droite ou du centre, il existe aussi
des gens de gauche qui ont, précédemment, signé des lettres de
refus de servir dans les territoires. Baroukh Eitam, qui a
collaboré à l¹édification de la première tente de
protestation à Jérusalem avant de venir aider à en installer
une autre à Tel-Aviv, ne voit aucune contradiction : "Dans
les Territoires, Israël combat un peuple qui veut sa libération
; au Liban, il combat une organisation dont l¹objectif clairement
défini est la destruction d¹Israël."
(1) le camp anti-retrait de Gaza avait adopté la couleur orange.
(2) Avigdor Lieberman, leader du mouvement russophone
ultra-nationaliste "Israel Beitenou". Benjamin
Netanyahou, leader du Likoud.
|