Opinion
Des armes pour les
rebelles libyens:
la french-qatarie connection
Guy Lamb
Jeudi 11 août
2011
L’embargo sur les armes continue d’être
floué s’agissant du conflit armé
libyen. La France et le Qatar ont tous
les deux admis fournir des armes aux
rebelles comme élément de stratégie
complémentaire à celle de l’OTAN et
ses attaques aériennes. De tels actes
non seulement portent atteinte au régime
de l’embargo décrété par l’ONU mais
violent aussi les obligations
contractuelles des pays exportateurs et
importateurs d’armes.
Quand un pays vend officiellement des
armes à un autre, le gouvernement
importateur doit habituellement remplir
un certificat de end-user (de
destination finale), à savoir qu’il
s’engage à ne pas transférer ces armes à
d’autres parties, notamment si ce
transfert se fait en violation d’un
embargo sur les armes décrété par l’ONU.
Cependant, il n’existe pas d’institution
internationale qui surveille et applique
cette procédure. La surveillance est la
chasse gardée du pays exportateur, et
est particulièrement sous-développée
sauf pour le programme « Blue
Lantern » des Etats-Unis le plus
avancé.
La violation du certificat de
end-user
signifie trafic d’armes
La fourniture d’armes par le Qatar est
des plus problématique dans la mesure où
ce pays importe la majorité de son
armement et aurait donc dû
souscrire à cette obligation puisqu’il
achète principalement aux Etats-Unis
(en terme de valeur) mais aussi au
Royaume-Uni, en France, en Russie, en
Italie, en Suisse, aux Pays-Bas et en
Afrique du Sud. La question principale
qui se pose est jusqu’à quel point le
Qatar a-t-il renoncé à appliquer cette
décision ?
Il a été rapporté, dans un programme de
la télévision suisse que des armes
suisses, achetées par le Qatar, ont été
réexportées aux rebelles libyens en
violation de la politique du certificat.
Une vidéo amateur des rebelles libyens à
Benghazi sur le site Rayyisse
news du 31 juillet 2011 montre
ce qui semble être un véhicule militaire
Ratel de fabrication
sud-africaine, entre les mains des
rebelles, exhibant le drapeau qatari. On
ne sait pas comment un tel véhicule a
abouti dans le camp adverse dans la
mesure où l’Afrique du sud n’a jamais
publiquement déclaré avoir vendu de tels
engins au Qatar.
La
french-qatarie connection
Deux scénari semblent être possibles :
soit il a été clandestinement envoyé par
bateau au Qatar à partir de l’Afrique du
sud, ou le Qatar l’a obtenu d’un autre
Etat, ce qui est le plus plausible. Les
pays qui possèdent le Ratel
sont Djibouti, le Ghana, la Jordanie, le
Maroc, le Rwanda, et le Sénégal. Si le
Qatar a reçu ce véhicule de l’un de ces
Etats, alors il est possible qu’il y ait
eu une transgression de l’accord
sud-africain sur les certificats
d’utilisation. A ce jour, l’étendue de
la réexportation à la Libye par le Qatar
d’armes fournies par d’autres Etats est
un mystère.
La France est un important marchand
d’armes et il est très probable qu’elle
ait fourni les rebelles en armes de sa
production. Cependant, elle a aussi
importé des armes d’un certain nombre de
pays dont l’Autriche, l’Allemagne,
Israël, l’Italie, les Pays-Bas, la
Norvège, l’Afrique du Sud, l’Espagne, la
Suède, le Royaume-Uni et les Etats-Unis.
Si la France devait continuer à soutenir
militairement les rebelles, il est
probable que des armes d’autres pays
leur seraient livrées.
La réaction des Etats aux actes de la
France et du Qatar a été mixte. La
Chine, la Russie et l’Union africaine
ont critiqué la décision de la France et
certains Etats ont suspendu leurs ventes
d’armes au Qatar. D’autres n’ont fait
aucune déclaration officielle ou engagé
une action diplomatique. A la surprise
générale, l’Afrique du sud, qui a été
très critique à l’égard de la campagne
militaire lancée par l’Otan et a, à
plusieurs reprises, fait savoir qu’elle
était un exportateur d’armes
responsable, a gardé le silence sur les
connections qatarie et française. Comme
elle s’est abstenue de toute déclaration
sur l’état des exportations d’armes,
présent et futur, vers la France et le
Qatar.
* Guy Lamb est Senior Research
Fellow à l’Institut d’Etude et de
Sécurité (ISS) du Cap (Afrique du
sud).
Source : Libya: Weapons Transfers -
the French and Qatar Connections
http://www.issafrica.org/iss_today.php?ID=1334
Traduction : Xavière Jardez
© G. Munier/X.Jardez
Publié le 16 août 2011 avec l'aimable
autorisation de Gilles Munier
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