Opinion
Bagdad : un des
organisateurs des «Journées de la
colère» assassiné par le régime Maliki
Gilles
Munier
Gilles
Munier
Samedi 8 octobre 2011
(Afrique Asie – octobre 2011)
Les manifestations de 9 septembre 2011
en Irak, baptisées « Aube de la
libération », ont été entachées par
l’assassinat du journaliste Hadi
al-Mahdi, 44 ans. Il était connu pour
être l’un des principaux organisateurs
des « Journées de la colère »
qui se déroulent tous les vendredis
depuis février dernier dans tout le
pays. La veille, un tueur l’a abattu de
deux balles dans la tête à son domicile,
avec un revolver silencieux. C’est le
septième journaliste assassiné depuis
janvier 2011.
Les menaces de Nouri al-Maliki
Le 27 février dernier, Hadi al-Mahdi,
ancien membre du parti al-Dawa du
Premier ministre Nouri al-Maliki, avait
été enlevé par des militaires après la
manifestation du vendredi et conduit,
les yeux bandés, dans une prison secrète
du régime. Accusé d’être un baasiste, il
avait été interrogé, torturé à
l’électricité, menacé de viol. En mars,
un civil avait abordé le journaliste
pour lui conseiller de mettre en
veilleuse ses activités. L’individu lui
avait récité les noms des personnes à
qui il avait téléphoné dans la journée
pour bien lui montrer qu’il était sous
étroite surveillance. Il y a deux mois,
craignant pour sa sécurité, Hadi
al-Mahdi avait mis un terme aux débats
qu’il animait, depuis 2008, trois fois
par semaine sur Radio Demozy,
où il s’en prenait, non sans humour, à
la corruption et à l'incompétence des
hommes politiques irakiens, quelles que
soient leurs tendances. Des
représentants de Nouri al-Maliki avaient
alors fait savoir à la direction de la
radio que son émission, très écoutée,
déplaisait à Nouri al-Maliki. En Irak,
ce genre de remarque vaut avertissement.
Elle est à prendre très au sérieux.
Hadi al-Mahdi n’en poursuivait pas moins
ses activités politiques et voulait
faire du 9 septembre un grand moment de
la contestation. Amnesty
International rapporte que quelques
heures avant son assassinat, il a publié
sur Facebook le message
suivant : « J'ai passé les trois
derniers jours dans un état de terreur.
Certaines personnes m'appellent et me
mettent en garde contre les descentes de
la police et les arrestations de
manifestants. Quelqu'un me dit que le
gouvernement va faire ceci et cela. Une
personne sous un faux nom vient sur
Facebook pour me menacer ».
Le 9 septembre, un cortège d’une
centaine de personnes, précédé par un
cercueil symbolique recouvert du drapeau
irakien sur lequel était placée la photo
de Hadi al-Mahdi, a tenté de se joindre
aux manifestants occupant la place
Tahrir. Il en a été empêché par les
véhicules blindés et des cordons de
police barrant les rues attenantes.
Germe d’une nouvelle guerre
avec le Koweït
Les forces de répression du régime
Maliki sont parvenues, cette fois, à
circonscrire en partie l’expression
publique du mécontentement populaire à
Bagdad. Mais, le feu couve toujours sous
la braise. D’autres revendications
s’ajoutent à l’éradication de la
corruption, à la remise en état des
services publics et au départ des
troupes d’occupation. A Faloujah, Ramadi,
Hilla, Bassora, quelques milliers de
manifestants demandaient à l’ONU de
stopper les ingérences iraniennes et
turques au Kurdistan et d’interdire la
construction d’un terminal pétrolier sur
l’île koweitienne de Boudiyane. Ce
projet démentiel porte en lui les germes
d’une nouvelle guerre, sa finalisation
aurait pour effet d’obstruer l’accès de
l’Irak au Golfe arabe, et permettrait
aux Koweïtiens de prélever un droit de
passage sur les navires livrant des
marchandises au port irakien de Fao. A
Bagdad, place Tahrir, le cheikh Farouk
Mohammadawi, président du
Rassemblement des tribus du Sud et du
Moyen-Euphrate, a résumé le
sentiment profond de la population en
déclarant être venu « pour renverser
le gouvernement et réformer le système
politique ».
Article paru dans Afrique Asie
sous le titre : Bagdad redouble de
colère le vendredi
© G. Munier/X.Jardez
Publié le 9 octobre 2011 avec
l'aimable autorisation de Gilles Munier
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