Actualités du droit
Syrie : Sarko a
tout faux, mais que faire ?
Gilles Devers
Vendredi 10 août
2012
Sarko, le nouveau leader de
l’opposition, aurait bien tort de ne pas
brancher Hollande qui, du temps de la
campagne –
quand il parlait comme
Mitterrand – annonçait qu’il
fallait « chasser Assad » et que pour ce
faire il allait convaincre la Chine et
la Russie. Aujourd’hui, il achète des
cartes postales à Bormes-les-Mimosas
(L'opération a été réussie 5/5). Il y a
trois semaines, Fabius, devenu un
quasi-militant altermondialiste,
appelait à la victoire de la rébellion
et soutenait que l’urgence était de
constituer un gouvernement de
transition. Aujourd’hui, il envoie une
équipe médicale pour les camps de
réfugiés. Ca permettra de faire de
belles images...
Pour autant, en
identifiant la Libye et la Syrie, le
leader de l’opposition se plante
totalement.
Au bon
vieux temps de la Sarkozie...
Suite à une interview
de BHL, le maréchal des allumés à
retardement, depuis Bengazi Sarko avait
annoncé qu’il allait envoyer l’aviation
sur la Libye. On lui a vite expliqué que
ce serait un désastre militaire et une
agression contre un Etat souverain,
engageant sa responsabilité, et il s’est
ravisé.
Le Conseil de
sécurité ne pouvait intervenir sur le
fondement du risque pour la paix
internationale (Chapitre 7 de la Charte
de l’ONU) car l’affaire était interne à
la Libye. On a utilisé, c’était une
première, le régime dit de la
responsabilité de protéger les
populations civiles et a été adopté la
résolution qui permettait une
neutralisation de l’espace aérien (N°
1973 du 17 mars 2011). Devant le
caractère limité de cette mesure, la
Chine et la Russie se sont abstenues et
la résolution a été adoptée.
Dans les 48 heures,
le système de contrôle aérien libyen a
été anéanti… non pas par les vaillantes
forces françaises, bien incapables de le
faire, mais par le tir de 200 tomawaks
US depuis les navires installés en face
de la côte libyenne (Voyez caisse). Mais
cela n’a pas suffi et des mois de
bombardements non plus pour atteindre le
but véritable qui était de départ de
Kadhafi. Le trio – US, Grande-Bretagne
et France – a donc organisé une
opération terrestre pour renverser
Kadhafi.
Tout le problème est
que cette phase – victorieuse – de
l’opération est illégale car contraire à
la résolution 1973 et aux principes de
bases de la charte de l’ONU, à savoir
l’article 1.2 de la Charte : «
L’Organisation est fondée sur le
principe de l'égalité souveraine de tous
ses Membres. » Egalité souveraine… Ce
n’est pas moi qui le dit mais la Charte,
et elle est signée par les Etats membres
de l’ONU. Le trio a roulé dans la farine
la Russie et la Chine, et aujourd’hui le
peuple syrien paie l’addition.
Alors,
que peut faire l'ONU pour le peuple
syrien ?
En droit, on peut
envisager une résolution pour la Syrie
fondée sur le devoir de protéger. Mais,
outre le fait qu’elle serait très
difficile à mettre en œuvre car la
géographie et la puissance de l’armée
syrienne n’ont rien à voir la Libye, une
telle résolution serait bloquée par la
Russie et la Chine qui ont
particulièrement mal apprécié de se
faire truander par le forçage de la
résolution 1793. Sur le fond, ces
puissances sont excédées par
l’interventionnisme US qui sème la
terreur dans le monde du Vietnam au
Chili, de l’Irak à l’Afghanistan. Ce
petit peuple de 300 millions de
personnes s'est organisé, car c'est un
vrai dictateur, pour dominer les six
milliards d’habitants de la planète. Il
s'est pour cela doté de 45 % des
dépenses militaires dans le monde et
décide, au nom de ses intérêts, des
pouvoirs à renverser. Eh bien la Russie
et la Chine lui disent que c'est too
much. L’affaire de Syrie est un
tournant dans les relations
internationales.
Le leader de
l’opposition a un argument facile pour
asticoter Hollande et les boss du PS…
car ils avaient tous applaudi au
renversement de Kadhafi obtenu par la
violation du droit international. Deux
poids deux mesures ? On y est.
Le peuple syrien vit
dans la peur et aucun Syrien ne peut
envisager son avenir sans la menace
immédiate de la violence des armes. Je
n’ai pas publié sur la Syrie et ne le
referai pas de sitôt car il se trouve
que je compte beaucoup d’amis, et de
toutes les communautés, qui vivent en
Syrie. La peur et l’incertitude sont
leur quotidien et leur vie peut basculer
en un instant pour des enjeux qui les
dépassent. Beaucoup de routes sont
interdites car trop dangereuses, et des
frères et des sœurs ne savent pas s’ils
pourront se revoir. L’activité
économique est en survie. De nombreux
syriens ont préféré fuir pour rejoindre
des camps de réfugiés sur les
frontières.
Quelques remarques...
Je ne ferai donc que
quelques remarques très générales et qui
ne concernent pas la situation politique
et militaire intérieure à la Syrie.
1/ Je suis d’abord
scandalisé de découvrir que la France
attend août 2012 pour envoyer une
mission médicale auprès des réfugiés.
C’est absolument scandaleux. Une honte.
2/ C’est un non-sens
de faire de la Syrie LE grand
échec de l’ONU. Bien sûr, un émissaire
de l’ONU, ancien secrétaire général, a
une grande influence et le renoncement
de Kofi Annan est plus que regrettable.
Mais n’oublions pas les bases : l’ONU a
une compétence de principe sur les
affaires internationales et elle n'a
qu'une compétence d’exception, très
limitée, sur les affaires intérieures.
La Palestine, où Israël conquiert par la
force armée des territoires, est un
échec cinglant de l’ONU. L’attaque de
l’Irak par les US, sans autorisation de
l’ONU et par le mensonge d’Etat sur les
armes de destruction massive, est un
échec honteux de l’ONU. Les assassinats
ciblés commis par les drones US en
dehors de leur territoire national et
contre la volonté des gouvernements
montrent l’impuissance pathétique de
l’ONU. Mais on ne peut avoir la même
analyse lorsqu’il s’agit d’affaires
internes à un Etat. Les conflits armés
internes à un Etat sont reconnus en tant
que tels par le droit international,
mais aucun texte n’autorise une
intervention libre de la communauté
internationale au sein des Etats. Ce qui
se passe est d’abord un échec pour Assad
qui n’a pas été à la hauteur des
évolutions de son pays et n’a rien vu
venir. L’ONU s’est aventurée sur un
terrain d’exception, la vie interne d’un
Etat, et elle ne peut être jugée sur cet
échec, aussi regrettable soit-il.
3/ Dans la
région, les principaux alliés de la
Syrie sont l’Irak, son voisin direct, et
l’Iran, très impliqué dans les échanges
internationaux.
Kofi
Annan a demandé que ces deux pays soient
inclus dans le tour de table permettant
de trouver une issue à la crise, c’est
un fait. Cela lui a été refusé, c’est un
autre fait.
4/ Hollande doit choisir : envisage-t-il
une opération comme en Libye,
c’est-à-dire l’envoi de troupes au sol
pour renverser le régime et en dehors
d’un mandat de l’ONU ? Visiblement, il
renonce pour la Syrie à ce qu’il avait
applaudi en Libye. Pourquoi pas, mais
qu’il le dise ! Qu’il dise enfin quelle
est sa politique sur la Syrie ! Qu’il
dise enfin à partir de quels critères la
volonté d’un gouvernement de rétablir
l’ordre intérieur n’est plus admissible
! Mais qu’il parle, enfin, et
clairement. Qu’il dise quelle est la
politique de la France. C’est une
urgence.
5/ A supposer qu’elle le décide, la
France dispose-t-elle des moyens
militaires pour conduire une opération
gagnante en Syrie, c’est-à-dire vaincre
l’armée syrienne ?
6/ A supposer qu’elle le décide, l’OTAN
dispose-t-elle des moyens militaires
pour conduire une opération gagnante en
Syrie, c’est-à-dire vaincre l’armée
syrienne ?
7/ Dans les camps de réfugiés syriens,
nombre de personnes exténuées par cette
précarité demandent à venir en Europe.
La France est-elle prête à accueillir
des réfugiés syriens, et combien ? Je
sais que la réponse est zéro et c'est
pourquoi je me permets de traiter ces
phraseurs de parfaits hypocrites. Ils m'écoeurent.
Toutes mes pensées pour les Syriennes et
les Syriens. Gardons l'espoir.
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