Opinion
Le plan américain
du dernier quart d'heure
Ghaleb
Kandil
John Kerry
Lundi 18 mars
2013
La douloureuse vérité à laquelle le
secrétaire d'Etat John Kerry s'est
finalement résolue est que toute
solution en Syrie constitue une défaite
pour les Etats-Unis, pour l'Occident
colonisateur et pour les monarques des
pétrodollars et la Turquie. Aussi,
Washington et ses auxiliaires tentent de
contourner cette solution en annonçant
leur intention d'armer les gangs
terroristes et en menaçant d'élargir le
champ de bataille avant de s'asseoir à
la table des négociations lors d'un
sommet russo-américain dont la date ne
saurait tarder, selon des diplomates.
A la demande de Kerry, les ministres des
Affaires étrangères des colonies
française et britannique, Laurent Fabius
et William Hague, ont appelé à armer les
rebelles syriens. Puis le Premier
ministre de sa Majesté, David Cameron, a
démenti ces intentions, alors que le
président François Hollande balbutiait
presque lors de la réunion de l'Union
européenne. Sachant que les armes et les
équipements de communication fournis par
l'Occident sont déjà depuis des mois aux
mains des terroristes, qui ne
parviennent pas à réaliser des progrès
significatifs sur le terrain, malgré le
soutien d'instructeurs américains,
occidentaux et arabes actifs au Liban,
en Jordanie et en Irak aussi.
Devant la dissuasion politique de la
Russie, des informations ont été
véhiculées selon lesquelles les
promesses de fournir de nouvelles armes
visent en premier lieu à remonter le
moral des gangs armés avec l'approche
des négociations russo-américaines, qui
constituent l'aveu de la défaite en
Syrie face à cet pays, responsable de
l'échec de tous les projets américains
dans la région ces trente dernières
années, comme l'a reconnu l'ancien
directeur de la CIA, David Petraeus. Le
dernier quart d'heure sert aux
Américains à exploiter jusqu'au bout les
capacités et l'énergie de ceux qu'ils
ont inventé, entrainé, armé et financé.
N'est-ce pas la raison pour laquelle ils
ont été créés?
Un développement politique dramatique a
eu lieu la semaine dernière en Syrie,
lorsque la Russie a lancé un
avertissement sévère à l'adresse des
manœuvres et atermoiements américains
concernant des principes de règlement de
la crise en Syrie, convenus dans le
cadre de l'accord de Genève. L'annonce
franco-britannique sur l'envoi d'armes
aux rebelles a été une occasion pour
Moscou de lancer une mise garde selon
laquelle cette décision constitue une
violation de la loi internationale. Les
propos de Serguei Lavrov et l'envoi de
navires de guerre russes vers le port
syrien de Tartous constituent un rappel
des lignes rouges que l'Occident ne doit
pas franchir au sujet du type d'armement
livré aux terroristes.
Lors de sa dernière tournée au
Moyen-Orient, John Kerry a tergiversé au
sujet des termes de l'accord conclu avec
la Russie à Genève. Mais il a finalement
été contraint de faire une déclaration
politique qui a eu l'effet d'un choc
chez ses alliés et auxiliaires, en
reconnaissant que le président Bachar
al-Assad était un négociateur
incontournable. De la sorte, Washington
abandonne définitivement et clairement
la condition d'un départ du président,
comme préalable à tout dialogue
national.
Malgré cela, les Etats-Unis restent
tentés par le plan du dernier quart
d'heure, pour essayer de modifier les
rapports de force interne en Syrie en
prévision du début des négociations. Il
s'agit d'un geste désespéré pour éviter
la défaite politique totale. C'est dans
ce cadre que l'on doit interpréter
l'entrainement de terroristes syriens
par des instructeurs américains en
Jordanie, l'envoi de 3000 tonnes d'armes
croates achetées par l'Arabie saoudite
et le Qatar, et les scénarios sur une
intervention israélienne dans le but
d'édifier une ceinture de sécurité en
Syrie qui serait confiée aux
terroristes.
Mais de l'avis des experts, toutes
aventure militaire d'Israël en Syrie ou
au Liban serait une véritable
catastrophe pour l'Etat hébreu, pour les
intérêts occidentaux et pour toute la
région. L'équilibre des forces est en
effet solide et bien ancré et l'axe de
la Résistance, avec ses alliances
internationales au cœur desquelles se
trouve la Russie, la Chine et les pays
des Brics, dispose des capacités
dissuasives nécessaires pour faire échec
à toute offensive et pour briser
l'hégémonie américaine sur le monde.
Dans ce contexte, les experts
s'accordent sur le fait qu'en dépit de
la guerre dans laquelle elle est
engagée, l'armée syrienne dispose
toujours d'importantes capacités en plus
de se défense anti-aérienne et de ses
missiles balistiques, qui restent
intacts.
L'AFP reconnait (sans le vouloir), la
suprématie de l'Etat et de son armée
A l'occasion du deuxième anniversaire
des troubles en Syrie, l'Agence
France-presse (AFP) a publié un rapport
sur l'état des lieux sur le terrain qui
prouve, malgré les tentatives d'exagérer
les réalisations des gangs armés, que
l'Etat et l'armée syrienne contrôlent
les principales zones du pays et
continuent d'avoir l'initiative. Voici
des extraits de ce rapport:
"Sur le terrain, la situation est
toujours aussi explosive en Syrie.
L'armée d'Assad défend toujours Damas et
des territoires dans l'ouest et le
centre du pays, tandis que les rebelles
aidés de combattants jihadistes avancent
progressivement dans le nord et l'est.
Etat des lieux des combats, région par
région :
Damas et sa province:
Près de huit mois après avoir lancé la
"bataille de libération" de Damas, les
rebelles restent confinés dans les
quartiers périphériques et les banlieues
sud et est de la capitale fortifiée.
L'armée repousse leurs tentatives de
pénétrer au cœur de Damas, où
d'importantes cibles du régime sont
toutefois visées par des attentats
meurtriers, revendiqués en majorité par
le Front djihadiste Al-Nosra.
La région orientale d'Al-Ghouta, où les
rebelles ont pris pied, est le théâtre
de batailles acharnées. Au sud-est de
Damas, l'armée tente en outre de
reprendre totalement la ville de Daraya.
Dans le nord:
A Raqa (nord-est), le Front Al-Nosra et
Ahrar al-Sham ont enregistré le plus
grand succès en s'emparant totalement le
6 mars dernier de Raqa, capitale de la
province éponyme. C'est la première
grande ville du pays à tomber aux mains
des rebelles. L'aviation continue
néanmoins d'y bombarder les insurgés.
Dans la région d'Idleb (nord-ouest), de
larges territoires de la province sont
aux mains des rebelles, mais la capitale
provinciale est toujours sous contrôle
de l'armée.
Avec l'aide des jihadistes étrangers
arrivés via la frontière poreuse avec la
Turquie, les rebelles ont pris deux
postes frontaliers et la base de l'armée
de l'air de Taftanaz. Les islamistes
dans le nord ont un meilleur accès aux
armes que les rebelles du centre.
A Alep, la deuxième ville du pays, le
front a été ouvert en juillet 2012 avec
un assaut des rebelles qui contrôlent
désormais la plupart de la province. Le
groupe islamiste Liwa al-Tawhid dirige
la bataille dans le centre d'Alep, celui
d'Ahrar al-Sham mène les combats pour
prendre les bases aériennes militaires
de la province. Le Front Al-Nosra,
accusé d'être lié à Al-Qaïda en Irak et
classé par Washington sur sa liste
d'"organisations terroristes", est
également actif à Alep.
Dans l'est:
Dans la ville de Deir Ezzor. Les
rebelles profitent de la frontière
perméable avec l'Irak pour passer armes
et combattants. Ainsi les opposants au
régime ont pris 80% de la province, mais
l'armée contrôle toujours la majorité de
la capitale provinciale. Le Front Al-Nosra
est bien implanté à Deir Ezzor.
Dans la province de Hassaké, à majorité
kurde, les rebelles ont combattu les
combattants kurdes à Ras al-Aïn, avant
de conclure une trêve en février.
Ailleurs dans cette région, des
jihadistes se sont emparés de larges
territoires.
Au centre:
Après un siège de neuf mois des bastions
rebelles à
Homs, l'armée a lancé une nouvelle
offensive, appuyée par l'aviation et des
miliciens pro-régime. Une reprise des
enclaves rebelles assurerait à l'armée
un contrôle total du centre du pays.
La région de Hama est par ailleurs en
majorité sous contrôle de l'armée.
Dans l'ouest:
Le cœur de la communauté alaouite,
confession de Bachar
al-Assad, est sous contrôle de
l'armée, à l'exception de quelques
enclaves kurdes et turcomanes dans le
nord de Lattaquié.
Dans le sud:
A Deraa, berceau de la révolte, les
rebelles ont pris plusieurs villages,
mais la majorité de la province est
encore contrôlée par le régime.
La ville de Soueida reste de son côté
globalement calme, les leaders de la
communauté druze, majoritaire, ayant
maintenu une neutralité.
Située sur la ligne de cessez-le-feu
avec Israël sur le Golan, la province de
Kouneitra est le théâtre de combats
intermittents.
Le sommaire des Tendances d'Orient
Le
dossier Syrie
Les dernières mises à jour
|