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Avocats et juristes pour le Liban

Le Liban dans l’ordre juridique international

Colloque tenu le 29 septembre2007 à l‘Auditorium de la Maison du Barreau – Paris

L’évolution du statut du Liban dans l’ordre régional et international (1840-2005)
par Georges Corm*


Georges Corm

Introduction : Le Liban et la Yougoslavie : les portes fragiles du Levant

Pour qui s’est penché sur les différents manuels de la Question d’Orient au XIXè siècle, dans lesquels figure en bonne place la crise libanaise de 1840 à 1860, les évènements libanais du XXè siècle et du début de ce nouveau siècle se présentent comme une répétition des drames passés. Certes, des évènements nouveaux ne sont jamais une réplique à l’identique d’évènements anciens ; mais il est des constantes géopolitiques modernes qui expliquent les évènements, ce qui permet de parvenir à dépasser les clichés et les langues de bois des acteurs des conflits.

Le Liban société plurielle, par excellence, se prête malheureusement fort bien à ce jeu de fabrication de clichés, d’images d’Épinal, ou de préjugés de nature anthropologique sur telle ou telle communauté religieuse ou sur tel ou tel puissance étrangère considérée « amie » de toujours ou « ennemie » de tous les temps. Les communautés religieuses libanaises étant parties de groupements humains transnationaux plus larges en Europe ou en Orient, elles ont acquis dans les conflits qui secouent le Moyen-Orient depuis le début du XIXè siècle, une portée symbolique forte ; elles ont été transformés en organes politiques et insérées dans le réseau complexe d’influence culturelle, sociale, politique des puissances régionales ou internationales agissantes en Orient1. Elles sont, de ce fait, devenues dans les imaginaires politiques et anthropologiques des incarnations de psychologies collectives supposées liées à la nature de ces communautés et à leurs liens transnationaux. Aussi ne faut-il pas s’étonner que le territoire sur lequel vivent ces communautés libanaises ait été transformé, lui aussi, en espace symbolique d’affrontement ou de paix entre l’Orient et l’Occident.

Ce n’est d’ailleurs pas le simple jeu du hasard qui a transformé exclusivement le Liban en cet espace d’affrontement. De l’autre côté de la Méditerranée, sur la côte Dalmate, existe depuis le début du XIXè siècle un autre point de contact fragile entre l’Orient et l’Occident, c’est la Bosnie. En réalité, en regardant une carte géographique, on s’aperçoit que l’accès à l’Est de la Méditerranée, c'est-à-dire au « Levant » dans le vocabulaire de la Question d’Orient au XIXè siècle, est commandé par deux portes : le couloir balkanique sur la rive nord et l’ensemble libano-palestinien sur la rive sud. Ces deux régions ont eu depuis le début du XIXè siècle un destin tragique et parallèle ; elles ont supporté tout le poids d’affrontements géopolitiques majeurs et particulièrement complexes. Elles ont été transformées du fait de ces conflits en zone « tampon » et Etats « tampons » où s’affrontent des blocs politiques et militaires en lutte pour le contrôle du Levant, carrefour hautement stratégique de trois continents, l’Europe, l’Asie et l’Afrique2.

C’est Napoléon Bonaparte qui, par l’expédition d’Egypte en 1798, ouvre sur la rive sud de la Méditerranée une période d’affrontements qui n’en finira plus entre l’Empire Ottoman déclinant et le « concert des puissances européennes », en pleine expansion coloniale et qui affirme sa suprématie militaire et économique sur les quatre continents. Pour la rive nord, rappelons simplement que l’étincelle de la Première Guerre mondiale partit de l’assassinat de l’Archiduc d’Autriche à Sarajevo et qu’avant même la fin de cette guerre, les puissances européennes avaient favorisé la naissance en 1917 du Royaume des Serbes, des Croates et des Slovènes, destiné à devenir la Yougoslavie.

Ce royaume, largement soutenu par la France et l’Angleterre, était destiné à freiner les ambitions germaniques et russes en Méditerranée. Plus tard, après la Seconde Guerre mondiale, Tito, le chef de la résistance à l’occupation nazie du pays, devait être l’un des fondateurs du Mouvement des non-alignés, cherchant à mettre son pays à l’abri d’un rôle de tampon entre les Etats-Unis et l’URSS ; après sa disparition, les forces centrifuges apparaissent à nouveau. A l’effondrement de l’URSS, la Yougoslavie est démantelée de façon cruelle et la symbiose pluriséculaire entre ses communautés ethniques et religieuses est brisée.

Evoquer ce destin tragique de la Yougoslavie permet de mieux prendre la mesure des défis auxquels doit faire face le Liban qui a été soumis, depuis son accession à l’ordre international en 1840 à de nombreux facteurs d’éclatement et de désintégration, dont nous vivons depuis 2004 un nouvel épisode malheureux et tragique, sans toute fois que le pays ait été dépecé jusqu’ici, en dépit de toutes les secousses et violences subies durant la période 1975-1990, sur laquelle nous reviendrons plus loin.

Il est d’ailleurs difficile dans l’analyse des conflits libanais de ne pas se laisser entraîner aux clichés et aux préjugés anthropologiques faciles qui attribuent aux communautés libanaises des spécificités de nature essentialiste, lesquelles expliqueraient la répétition des conflits. Cette approche, qui aboutit toujours à la caricature de situations hautement complexes, constitue la voie de la facilité et de la fermeture d’esprit ; elle entretient les causes internes de tensions et conflits, développe les vocabulaires guerriers et incendiaires.

C’est pourquoi un examen des conditions historiques d’émergence du Liban dans l’ordre international et régional, ainsi que l’analyse de l’évolution de son statut juridique, s’avèrent beaucoup plus utile. Cela permet de s’élever au-dessus des querelles partisanes et des jugements à l’emporte pièce ; cela évite d’être prisonnier du quotidien tragique, pour réfléchir plus sereinement à consolider l’avenir de l’entité libanaise, à la faire sortir de son statut d’Etat tampon dans les conflits régionaux.

La suite en pdf sur le site de Georges Corm

* Docteur en droit public, Professeur à l’Université Saint-Joseph de Beyrouth, ancien ministre des finances, auteur de l’ouvrage Le Liban contemporain. Histoire et société, La Découverte, Paris, 2005 et Le Proche-orient éclaté. 1956-2007, Gallimard, coll. Folio/histoire, Paris, 2007,

1 Il est important ici de noter que le système de pouvoir local jusqu’en 1840 reste un pouvoir de féodalité tributaire (collectant l’impôt au profit du sultan ottoman), dans lequel les communautés religieuses n’ont aucun rôle. Ce pouvoir de type féodal est totalement transcommunautaire. Sur ce point, on se reportera à Georges CORM, Le Liban contemporain, op. cit.

2 Pour plus de détails, on pourra se reporter à notre ouvrage, L’Europe et l’Orient. De la balkanisation à la libanisation ; histoire d’une modernité inaccomplie, La Découverte, 2002. 

Copyright © 2007 Dr. Georges Corm



Source : Georges Corm  
http://georgescorm.com/personal/...


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