Le Grand soir
Après l'Irak la
Colombie
Frédéric Delorca
Photo: Le Grand Soir
Jeudi 20 août 2009
Le 15 juillet dernier le gouvernement colombien
[1] a divulgué son projet de mettre sept bases à la disposition
de l’armée américaine. Le Venezuela et l’Equateur ont dénoncé la
politique belliciste de leur voisin colombien, tandis que le
Brésil et le Chili ont également fait part de leur
"préoccupation". Ce nouvel accord permettrait à l’armée
américaine de compenser la perte de sa seule base en Amérique du
sud, située à Manta, en Equateur.
La Colombie était en 2006 [2] le pays où sont
morts la moitié des syndicalistes assassinés dans le monde. Elle
est le troisième bénéficiaire de l’aide militaire étatsunienne
derrière Israël et l’Egypte dans le cadre officiel d’un plan de
lutte antidrogue (Plan Colombia) qui est en fait une lutte
anti-FARC (tandis que par ailleurs les USA soutiennent la narco-répubique
autoproclamée du Kosovo et que sous leur occupation la culture
du pavot ne cesse d’augmenter en Afghanistan). Dans le cadre du
Plan Colombia (que Washington veut exporter au Mexique, au
Pakistan et en Afghanitan), les USA ont aussi mobilisé les
services spéciaux britanniques et espagnols pour l’encadrement
de l’armée colombienne. Si l’aide étatsunienne se chiffre à 5,5
milliards de dollars par an, les alliés européens membres de
l’OTAN (France, Allemagne, Royaume-Uni etc) contribuent aussi :
ils ont versé pour leur part en 2007 154 millions de dollars
d’aide militaire à la Colombie sans aucun débat devant leur
opinion publique. M. Uribe, qui est un ami de M. Kouchner, a
fait libérer pour lui [3] récemment le criminel de guerre
kosovar recherché par la justice internationale Agim Ceku. Les
forces spéciales israéliennes aussi sont en Colombie [4], tout
comme elles ont participé au coup d’Etat au Honduras.
Le 1er mars 2008, la Colombie a bombardé une
base arrière des FARC en Equateur provoquant la rupture des
relations diplomatiques avec ce pays. Dix bombes de 500 kilos
communément utilisées en Irak ont été déversées par des avions
dont on soupçonne qu’ils furent américains (car les avions
colombiens ne peuvent transporter de telles bombes).
En avril 2008 le colonel Jim Russell commandant
des opérations de l’US Airforce dan le Sud a demandé que des
soldats soient retirés d’Irak pour être déployés en Amérique
latine. A partir du 12 juillet 2008, la 4ème flotte
états-unienne a recommencé à patrouiller au large des côtes
latino-américaines pour la première fois depuis 1950. En mai
2008 un avion de combat étatsunien en provenance des Antilles
néerlandaises a violé l’espace aérien vénézuélien. Selon
Caracas, il s’agissait d’une mission d’espionage sur l’île de La
Orchila pour tester les radars vénézuéliens, tandis que
Washington a parlé d’une erreur de navigation [5].
Pour se défendre, le Venezuela, qui se sent
menacé, a proposé en mars dernier de mettre des bases aériennes
à la disposition des bombardiers russes et son président Hugo
Chavez a annoncé mercredi la signature en septembre d’un nouveau
contrat d’armement "important" avec Moscou, comprenant l’achat
d’une quarantaine de chars. Le président Chavez accuse "l’empire
américain" de vouloir utiliser les bases colombiennes pour
s’approprier le riche bassin pétrolifère de l’Orénoque dans le
sud-est de son pays. Dans l’Etat pétrolifère de Zulia [6], un
mouvement sécessionniste se développe depuis plusieurs années "Rumbo
Propio" soutenu par les grands médias de l’oligarchie vénézolo-américaine.
L’étau se resserre autour de Vénézuela tandis
que les USA, qui utilisent les bases de la Guyane française,
peuvent aussi compter désormais sur le Panama qui a élu un
président de droite en mai dernier. Avec ses nouvelles bases, la
Colombie, pourra aussi menacer la zone andine au sud-ouest et la
zone amazonienne où les enjeux stratégiques sont importants.
"D’abord c’est le pétrole, ensuite ce sera le minerai de fer et
l’eau. Aujourd’hui ils veulent envahir l’Iraq, ne vous étonnez
pas si demain ils décident d’envahir l’Amazonie" avait déclaré
l’économiste égyptien et contributeur de l’Atlas alternatif
Samir Amin lors du deuxième forum social pan-amazonien de
janvier 2003 à Bélem [7]. Pour mémoire le 13 août dernier les
delegués des peuples indigènes de Colombie ont dénoncé devant le
Comité pour l’élimination des discriminations raciales des
Nations Unies les persécutions dont ils sont l’objet par le
gouvernement de Bogota [8]. Karmen Ramírez Boscán, dirigeante de
l’Organización Nacional Indígena de Colombia (ONIC) a critiqué
les divers effets néfaste de la future présence des bases
étatsuniennes dans leur zone, y compris en termes des risques de
diffusion du commerce sexuel et de viols des femmes indigènes.
Frédéric Delorca
Atlas Alternatif, mardi 18 août 2009
http://atlasalternatif.over-blog.com/article-35022283.html
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