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Tayyar
François ROCHEBLOINE : Au Liban, le Général
Michel Aoun refuse de cautionner un système qui a pillé le pays
19 janvier
2007
Chacun garde en mémoire les
terribles images de la guerre conduite durant l’été 2006 par
l’Etat d’Israël au Liban, causant la mort de plus d’un
millier de morts dans la population civile et des destructions
considérables.
Depuis, le pays du Cèdre
s’est enfoncé dans une crise politique très grave, résultant
d’une situation de blocage institutionnel et politique total. En
effet, depuis 2005, le gouvernement libanais s’est refusé à
faire adopter les réformes indispensables dont ce petit pays a
besoin pour assurer son redressement. Rappelons que ces réformes
avaient pourtant été promises lors de la constitution du
Gouvernement issu des élections législatives alors sous
influence syrienne et dans le cadre d’une loi électorale qui
n’assure pas la représentation juste et équitable de la
population.
Face à lui, l’opposition
soutenue par une base populaire très importante, allant du
Courant Patriotique Libre de l’ancien Premier Ministre Chrétien,
le Général Michel AOUN aux mouvements Hezbollah et Amal, ont
annoncé qu'ils poursuivraient les manifestations de rue
pacifiques pour obtenir gain de cause.
C’est donc sous le signe d’une « l’escalade progressive et
graduée » que débute l’année 2007, comme l’a souligné
dans une récente conférence de presse, le Général AOUN, lequel
a indiqué que « le mouvement ira crescendo », qu’il « s’étendra
à tous les ministères et touchera les centres vitaux du pays ».
François ROCHEBLOINE, Député
et Secrétaire de la Commission des Affaires Etrangères de l’Assemblée
Nationale a accepté de nous donner son sentiment sur la situation
au Liban.
Question : Vous êtes un ami du Général AOUN depuis plus d’une
quinzaine d’années. Comment interprétez-vous sa position ainsi
que celle de ses partisans ?
Tous les observateurs avisés de la scène politique libanaise
savent que le Gouvernement Libanais est tenu sous perfusion par
les Etats-Unis depuis que la classe dirigeante du pays est
brusquement devenue anti-syrienne. Le problème réside dans le
fait que le Liban ne se modernise pas et reste sur un modèle démocratique
« fictif » puisque 70% de la population libanaise n’est pas
représentée ! Sans légitimité démocratique, le gouvernement
emprisonne le pays dans l’ornière actuelle. Le Général AOUN
refuse de cautionner un tel système qui ne vise qu’à maintenir
au pouvoir les réseaux d’influence qui ont pillé le pays.
Question : Mais en adoptant une telle position, n’y a-t-il pas
un risque de voir le Liban verser dans l’extrémisme ?
Certainement pas, le Général AOUN est un grand défenseur d’un
système démocratique moderne basé sur le changement du système
politique féodal qui règne sur le pays et il plaide pour la réforme
des institutions et un programme ambitieux au plan économique et
social.
Ceci étant, la situation libanaise est dangereuse et il faut se
garder de faire de l’ingérence. Mais en rejetant une majorité
de la population, notamment la communauté Chiite et ses deux
partis politiques et en marginalisant la communauté chrétienne,
il y a un risque assuré de guerre civile. Le Général AOUN
estime qu’il est indispensable d’instaurer un dialogue
national entre les communautés libanaises ceci dans le but de
rassembler et de former un Gouvernement d’Union nationale,
l’instauration d’une loi électorale représentative et
l’organisation d’élections législatives anticipées.
J’observe que sa position n’est pas nouvelle, elle est même
constante chez lui depuis toujours.
Question : Que peut faire la France pour aider le Liban ?
La France est fortement présente dans la FINUL 2 de maintien de
la paix dans le sud du pays. Elle a apporté son aide d’urgence
à la population qui a subi les bombardements israéliens de l’été
dernier ainsi que la reconstruction des infrastructures vitales du
pays.
Sur le plan diplomatique, la France devrait sauvegarder en toute
neutralité les relations fraternelles et historiques avec le
Liban sans prendre partie. En effet, il faudra que la France
favorise le dialogue interlibanais et la recherche d’un minimum
de consensus national, préalable indispensable à l’unité du
peuple libanais.
Question : On parle beaucoup d’une conférence internationale
qui doit se tenir à Paris pour aider le Liban, Qu’en
pensez-vous ?
En effet, la France participe à l’organisation de cette conférence
qui doit réunir une trentaine de pays pour aider le Liban à
sortir du marasme économique. C’est très important pour mettre
en place un véritable développement économique et social au
Liban. Mais, comment peut-on accorder confiance à l’équipe
gouvernementale, qui sous occupation syrienne en 2002, a laissé
partir en fumée les 4,2 Milliards de dollars récoltés lors de
la précédente conférence à Paris ? Voilà pourquoi cette conférence,
indispensable pour la survie du Liban, doit être reportée le
temps de mettre en place un vrai gouvernement d’union nationale,
seul garant de la stabilité du pays et de son développement.
Question : Quels vœux formulez-vous pour le Liban ?
Je souhaite que les puissances occidentales se rendent compte de
la complexité des enjeux. A agir en ignorant les réalités comme
l’on fait les Américains en Irak est totalement contre
productif. Au Liban, la France est perçue comme un exemple, une
grande démocratie, berceau des droits de l’Homme. C’est un
pays francophone où sont admirées les valeurs et la culture françaises.
Nous sommes des amis du Liban, notre pays doit donc jouer un vrai
rôle de médiation.
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