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Opinion
Briser le moral et la combativité:
l'isolement des prisonniers de la Palestine dans les prisons
sionistes
Fadwa Nassar
Mercredi 27 octobre 2010
Le tribunal sioniste de la prison militaire de Ramon a décidé de
prolonger l’isolement du secrétaire général du FPLP, Ahmad
Saadate, jusqu’au 21 avril 2011. Le dirigeant palestinien est
placé en isolement individuel depuis presque deux ans, soit
environ 500 jours.
Wafa’ al-Biss, du camp Jabalia de Gaza et membre des Brigades
al-Aqsa, arrêtée en 2005 et condamnée à 11 ans de prison, est
détenue en isolement individuel depuis 2009, dans la prison de
Neve Tertze à Ramleh. Son isolement carcéral est renouvelé tous
les trois mois.
Ahmad Saadate et Wafa’ al-Biss font partie de ces prisonniers et
prisonnières que l’Etat sioniste a placé en isolement. Des
dizaines de dirigeants de la lutte palestinienne ont subi ou
subissent encore cette mesure punitive inhumaine considérée
comme étant une prison dans la prison.
Que signifie l’isolement dans les prisons sionistes? Qui sont
ces combattants héroïques que craint l’entité sioniste, même
lorsqu’ils sont attachés et doublement enfermés?
L’isolement témoigne du sadisme israélien
Les divers témoignages des prisonniers ayant subi l’isolement
indiquent que cette politique barbare envers des hommes et des
femmes déjà détenus dans des prisons inhumaines vise à casser
leur volonté, ce que l’ennemi n’a pas réussi à faire malgré le
nombre des années passées en détention, et surtout à se
venger.
Mazen Malasa, prisonnier actuellement libéré, a décrit
l’isolement comme étant une punition barbare consistant d’abord
à éloigner le prisonnier de ses autres compagnons, pour le
placer dans une cellule très étroite de superficie 2,75 m sur
1,75 m, dans laquelle se trouvent également les toilettes. Le
prisonnier isolé vit dans cette cellule, loin de ses compagnons
et isolé du monde.
Mohammad Jamal Natshé, élu en 2006 député au conseil législatif
palestinien alors qu’il se trouvait en prison, a été libéré le 4
septembre 2010. Il a passé quatre ans, sur les huit années de sa
récente détention, isolé dans une cellule individuelle, parce
qu’il a « des capacités d’influencer les prisonniers et de
relever leur moral ».
Il décrit l’isolement comme une forme de vengeance de la part de
l’occupant contre un ou plusieurs individus, qu’il veut punir
particulièrement. Au-delà de l’isolement, du fait d’être arraché
à leurs compagnons de cellule, des frères ou sœurs avec lesquels
ils peuvent partager des moments de fraternité, les prisonniers
isolés vivent dans une terrible solitude. Ils n’ont aucun
contact avec les autres prisonniers. Mais leur souffrance est
également due au fait qu’ils se sentent seuls face à la
sauvagerie des soldats de l’occupation. Régulièrement et sans
aucune raison précise, les forces de Massada et de Nahshon qui
sont des forces d’intervention conçues spécialement pour briser
les prisonniers, interviennent dans leurs cellules, pour les
fouiller, détruire leurs propres affaires, les frapper et les
agresser.
Mahmoud Issa, qui est prisonnier depuis 18 ans (arrêté le 3 juin
1993) de Anata - al-Qods, est actuellement le plus ancien
prisonnier placé en isolement, dans une cellule individuelle.
Cela fait neuf ans qu’il vit isolé. La seule visite familiale
qui a eu lieu, malgré tout, s’est déroulée il y a cinq ans, pour
une demi-heure seulement. Sa sœur avoue que « c’est une lutte de
tous les instants avec la mort, avec les Israéliens ». Mais
Mahmoud Issa décrit lui-même cette lutte : « En isolement, la
mort est égale à la vie. La mort et la tombe ont même plus de
clémence, car lorsque l’homme s’en va, il retrouve le repos
éternel, mais dans ces cellules, la mort se prolonge à tous les
instants, ni les mots ne peuvent décrire cet état, ni l’humain
ne peut le supporter ». Mahmoud Issa est condamné à trois
perpétuités et 46 ans, pour avoir mené des actions armées contre
l’occupation et enlevé un policier israélien pour l’échanger
contre les prisonniers.
Dans le centre d’isolement Ayalon, qui est le pire, il n’y a pas
de fenêtre donnant sur l’extérieur, mais juste une fenêtre
qui donne sur un couloir donc la cellule n’est pas aérée, le
soleil n’y entre pas et ressemble à une tombe. Les
prisonniers isolés sont souvent interdits de sortir dans la cour
qui est décrite comme un trou ou un puits, puisqu’elle fait 4
mètres et demi sur 3 mètres, mais lorsqu’ils sortent, ils sont
seuls et ne peuvent entrer en contact avec les autres
prisonniers. Là, le prisonnier ne peut faire du sport car il est
enchaîné par les pieds et ses mains sont attachées derrière le
dos, c’est ainsi qu’il se déplace dans ce que les sionistes ont
conçu pour cour. Dans la cellule, lors des deux fouilles
par jour, il est également enchaîné à l’intérieur de sa cellule.
Pour le député Natshé, il s’agit de rappeler au prisonnier
isolé, à chaque instant, la dureté et la brutalité. Non
satisfait de l’isoler dans une « prison à l’intérieur de la
prison », le geôlier insiste pour que chaque instant de la vie
du prisonnier isolé soit vécu dans l’épreuve et d’une façon
inhumaine. C’est surtout ces instants qui durent des années qui
sont les plus difficiles à supporter par les prisonniers isolés.
Les prisonniers isolés sont souvent malades, à cause des
conditions de détention. Mais les autorités carcérales ont
décidé de ne pas les soigner, sinon par de l’aspirine qu’elles
distribuent à tous les prisonniers, quelles que soient leurs
maladies. C’est parce qu’il a été victime de la négligence
médicale délibérée des geôliers sionistes que le prisonnier Raed
Abou Hamad, de Azarieh, dans la banlieue d’al-Qods, est décédé
dans la section de l’isolement de la prison de Beer Saba’.
Résister quand même
Malgré leur solitude et les conditions inhumaines qu’ils
subissent, les prisonniers isolés résistent. Le député Mohammad
Jamal Natshé parle du Coran : « sur le plan moral et
psychologique, le prisonnier sort de son isolement en lisant le
Coran. Il vit avec le Coran, qui est le seul lien qui le
rattache au monde. Le Coran le sort de son état d’isolement, il
lui permet de s’ouvrir vers les horizons célestes, vers
l’histoire depuis le temps des prophètes, il vit aussi avec
l’avenir, il vit dans tous les temps et tous les lieux. Par le
Coran qui lui ouvre de vastes horizons, il prend le dessus sur
son isolement où ils ont voulu le mettre. Il est avec Dieu, avec
les prophètes, avec le monde tout entier. »
Ils sont actuellement environ 20 prisonniers placés en
isolement, dans plusieurs sections d’isolement des prisons
sionistes, la plus sordide est semble-t-il, celle d’Ayalon. Mais
il y a aussi la section de Ramon et de Ohalikedar. Les
prisonniers isolés appartiennent à plusieurs organisations, le
Hamas, le Jihad islamique, le FPLP et les Brigades d’al-Aqsa (Fateh).
Outre les prisonniers déjà cités, il y a également Mu’tazz
Hijazi, d’al-Qods, isolé depuis 2006, Hassan Salameh, isolé
depuis janvier 2003 dans la prison d’Ohalikedar, Abdallah
Barghouty, isolé depuis 2006, Jamal Aboul Hayja, isolé depuis
2004 dans la prison de Ramon et très malade, Yahya Senouar,
isolé depuis 2010 et qui est également très malade, Thabit
Mardadi, combattant de la bataille de Jénine en 2002, isolé dans
la prison de Ramon depuis 2010.
Récemment, la prisonnière Linane Abou Ghalmé, qui avait été
libérée avec plusieurs prisonnières lors du dernier échange, en
octobre 2009, entre la vidéo du soldat sioniste détenu par
la résistance et leur libération, a été de nouveau arrêtée. Elle
a été immédiatement placée en isolement, de même que sa sœur
Taghrid Abou Ghalmé, dans la prison de Hasharon. Linane n’a pas
été condamnée par un tribunal, mais est détenue administrative,
ce qui signifie qu’elle constitue pour l’occupant ce qu’il
appelle « une menace », justifiant son arrestation. Avant sa
libération en 2009, elle avait été prisonnière pendant six ans.
Selon les témoignages des prisonniers, la mesure vengeresse de
l’isolement des prisonniers dans des cellules individuelles
aussi inhumaines n’est pas récente, mais avant l’intifada al-Aqsa,
les sionistes se vengeaient d’un prisonnier pour quelques jours,
quelques semaines, rarement plus. Mais depuis la révolte
palestinienne, les autorités carcérales ont adopté cette mesure
de manière plus systématique, avec une volonté délibérée de
provoquer des séquelles physiques ou morales des dirigeants de
la lutte palestinienne. Des voix s’élèvent pour attirer
l’attention sur le danger de mort qu’encourt le dirigeant du
FPLP, Ahmad Saadate, dont l’arrestation par l’occupant sioniste
est due à la collaboration entre les puissances américaine,
britannique et l’autorité palestinienne, il y a plusieurs
années, lorsque la prison d’Ariha (Jericho), qui se trouve dans
les territoires placés sous Autorité palestinienne, a été prise
d’assaut par les soldats de l’occupation. Ahmad Saadate et
plusieurs de ses compagnons de lutte étaient détenus par
l’Autorité palestinienne, à la demande des sionistes, et la
prison était gardée par les forces britanniques et américaines.
Se mobiliser pour sauver les prisonniers isolés
Il est symptomatique que ceux qui se sont mobilisés jusqu’à
présent pour fermer les sections de l’isolement et libérer les
prisonniers isolés de leur double prison sont les prisonniers
eux-mêmes. A chaque fois que les prisonniers entamaient un
mouvement de protestation, une grève de la faim ou une grève des
visites, la première revendication qu’ils adressaient était
celle du retour de leurs compagnons isolés et la fin de la
politique inhumaine de l’isolement. La question des prisonniers
isolés est devenue, pour eux et pour leurs familles, une
question prioritaire, politique et humanitaire. Politique, parce
qu’il s’agit de dirigeants de la lutte palestinienne, qui ont un
rôle à assumer même s’ils sont prisonniers et qu’ils ont une
influence importante auprès des autres prisonniers et
humanitaire, parce que « la mort se prolonge à tous les instants
», selon les termes du plus ancien prisonnier isolé, Mahmoud
Issa.
Article publié sur Résistance islamique au Liban
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