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Opinion
Palestine occupée :
Les réfugiés restent le cauchemar des sionistes
Fadwa Nassar
Mercredi 11 mai 2011
Le 10 mai 2011, l’association de défense des
droits des réfugiés et déplacés, le haut comité de liaison des
masses arabes et le comité populaire de la 14ème
marche ont appelé à la marche vers les deux villages détruits,
Damoun et Rweis. Ces villages font partie des 44 villages que
les sionistes ont détruit entre 1948 et 1950, dans al-Jalil, au
nord de la Palestine, et dont les habitants sont toujours dans
leur patrie.
Ils sont dans leur patrie, mais pas dans leurs
villages et sur leurs terres. Ce sont les réfugiés ou les
déplacés de l’intérieur, ceux qui sont devenus, d’après les lois
d’expropriation sionistes, les « absents présents », présents
dans l’entité sioniste, mais qui est en fait leur patrie, et
absents de par la loi sioniste qui les a considérés absents
pendant quelques mois entre 1948 et 1949. Parce qu’ils étaient
« absents » de leurs villages, pendant ces mois de guerre, les
sionistes ont alors promulgué une loi qui autorise leur
expropriation.
Ils étaient 25.000 réfugiés en 1948 parmi les
160.000 Palestiniens restés dans leur patrie, devenue occupée.
Ils sont à présent un quart de million de personnes (250.000
environ) sur 1 million et 200 mille Palestiniens de l’intérieur
(sans compter al-Qods et le Golan occupés). Un quart de million
de réfugiés de l’intérieur, qui réclament le retour à leurs
terres et villages d’origine.
« Israël » empêche le retour des réfugiés
Après la guerre de 1948, ce sont plus de 750.000
réfugiés palestiniens qui sont expulsés, par divers moyens, hors
de l’entité sioniste, soit près de 70% de la population qui
vivait dans les frontières de la Palestine historique. Ce fut
l’une des plus effroyables entreprises de nettoyage
ethnico-religieux que le monde contemporain a vécu, d’autant
plus effroyable qu’elle fut accompagnée d’un silence de plomb.
L’euphorie mondiale après la fin de la deuxième guerre mondiale,
et l’hypocrisie criminelle de l’impérialisme occidental et du
bloc soviétique en cours de constitution, ont soutenu et
activement participé à ce crime monstrueux qui représente encore
une des catastrophes les plus terribles de
l’humanité.
Mais l’entité sioniste a poursuivi son crime,
toujours aussi soutenue par la « communauté internationale »,
réjouie de s’être débarrassée du « problème juif » sur le
territoire européen. Entre 1949 et 1952, l’entité sioniste
continue à expulser, en prenant pour cible les réfugiés de
l’intérieur : 4000 réfugiés sont expulsés en 1949 du Triangle
vers la Cisjordanie (sous administration jordanienne). La même
année, 700 réfugiés sont expulsés de Kfar Yassif, dans al-Jalil,
vers la Jordanie et en mai 1950, 120 réfugiés sont également
expulsés, dans des camions, vers la Jordanie.
Ceux qui restent sont interdits de retourner
dans leurs villages et parfois, dans leurs maisons qui étaient
encore debout. Les villages et leurs terres sont déclarés zones
interdites, zones militaires ou tout simplement colonisés. C’est
la période de la grande entreprise coloniale où les sionistes
font croire au monde qu’ils « plantent le désert ». Des milliers
d’Européens déferlent vers les colonies et aident, activement, à
voler la terre des Palestiniens. C’est la colonie Megiddo qui
est construite sur les terres de Lajjoun, dont les habitants
sont réfugiés à Umm al-Fahem. C’est la colonie Yas’our installée
sur les terres de Barweh dans al-Jalil, dont les habitants sont
réfugiés à Majd el-Kroum et d’autres villages, c’est aussi la
colonie Bir He’mak installée sur les terres du village Kuweikat,
dont les habitants sont réfugiés à Abou Sinan.
Dans les villages frontaliers, les sionistes
refusent le retour des réfugiés de l’intérieur, prétextant la
question sécuritaire, puisqu’ils considèrent que les
Palestiniens de 48 sont « une cinquième colonne » agissant en
faveur des Arabes, régimes et partis.
La crainte des sionistes vis-à-vis du retour des
réfugiés sur leurs terres et villages est obsessionnelle : dans
les années 50, des patrouilles empêchent quelques villageois
palestiniens revenus au village pour restaurer leurs maisons
détruites ou cueilllir quelques fruits des arbres qu’ils avaient
plantés. Ils en expulsent même hors du pays, et surtout, ils
interdisent aux fermiers qui ont loué ces terres de les y faire
travailler. Aucun villageois n’est autorisé à travailler, même
en tant qu’ouvrier agricole, sur sa propre terre.
Ce que les sionistes voulaient avant tout, c’est
que les Palestiniens expulsés de leurs terres et villages
oublient, et rompent les liens avec leurs lieux d’origine. C’est
la ligne directrice de la politique sioniste envers les
réfugiés, qu’ils soient à l’extérieur du pays ou à l’intérieur.
Ils ne veulent même pas considérer qu’il y a un problème de
réfugiés, à l’intérieur de la Palestine occupée. Ils mettent
alors fin en 1952 à la mission de l’UNRWA qui avait pris en
charge les réfugiés internes. Ils vont même plus loin : ils
suppriment les pancartes de signalisation où étaient inscrits
les noms de ces villages, ils ignorent leur emplacement dans les
cartes qu’ils dessinent, et ils détruisent les maisons dans
plusieurs villages. Ils plantent des forêts à la place des
villages, pour effacer leurs traces, avec parfois des noms
bibliques, voulant faire croire à la renaissance d’une histoire
ancienne, qu’ils ont tout naturellement falsifiée. Dans le Naqab,
qu’ils ont présenté comme un « désert à faire fleurir », une
commission formée par Ben Gourion a pour tâche de trouver des
noms juifs pour les lieux, les vallées, les montagnes, les cours
d’eau. Il fallait absolument dé-arabiser le
pays.
Concernant les réfugiés, les sionistes leur
proposent une installation dans d’autres villages ou bourgs. Ils
leur construisent même des maisons sur des terrains confisqués à
d’autres villages, ou dans des villages dont la population est
réfugiés hors du pays : ils construisent des maisons à Akbara et
Wadi Hamam, dans la partie orientale d’al-Jalil, et dans Maker,
Jdaydé et Shaab, à l’ouest. Ces installations furent assorties
d’une seule condition : signer un document où le réfugié
installé s’engage à ne pas réclamer son retour à son village
d’origine. Très peu de réfugiés accepteront ce marchandage, même
à l’époque où la perspective du retour s’était éloignée, au
cours des années 60 et 70.
Mais les réfugiés insistent pour retourner à
leurs villages et leurs terres
Ils n’ont jamais abandonné l’idée ou la
perspective de leur retour. Immédiatement après l’occupation et
la colonisation, les réfugiés de deux villages vont mener une
lutte devenue exemplaire, pour exiger leur retour. Il s’agit des
villages de Iqrit et de Kfar Bir’im, situés au nord d’al-Jalil.
Leur lutte va durer près de 50 ans, ponctuée de marches
populaires, de batailles juridiques et de mobilisations
internationales. La bataille juridique aboutit à la
reconnaissance par la cour suprême sioniste du bienfondé de leur
retour. Mais les militaires et les politiciens s’y opposent. La
mobilisation internationale ralliera également l’église
catholique qui soutient ses coreligionnaires palestiniens. Puis
dans les années 90, le gouvernement sioniste prétendra faire un
geste en leur faveur : il accepte leur retour à condition de
limiter le nombre des réfugiés qui y retournent et la terre des
villages en question sera réduite au dixième de sa superficie
d’origine, tout en insistant que le retour à ces deux villages
ne doit pas être un précédent pour les autres réfugiés.
Les réfugiés de Iqrit et Kfar Bir’im refusent :
ils ne peuvent partager leurs familles en deux, entre ceux qui
retourneront et les autres qui resteront réfugiés, tout comme
ils refusent la superficie rendue. En 2005, Sharon clôt le
dossier dans les instances officielles de l’entité.
Cependant, au cours des années 90, la
mobilisation prend une autre tournure, avec la formation de
l’association de défense des droits des réfugiés, à l’intérieur
de « la ligne verte ». Elle est née comme d’autres associations
ou comités dans l’exil, à partir de la constatation que les
plans de règlement de la question palestinienne, à la conférence
de Madrid et plus tard, dans les accords d’Oslo, ne prennent pas
en compte les réfugiés ni leur droit au retour dans leur pays.
Les réfugiés protestent et lancent leur mouvement réclamant
l’application du droit au retour.
Dans les territoires occupés et colonisés par
les sionistes en 1948, où fut fondée l’Etat juif, l’association
de défense des droits des réfugiés organise une grande
mobilisation en rassemblant les comités de réfugiés de plusieurs
villages détruits. Le congrès de mars 1995, qui réunit 280
délégués, affirme son refus des solutions alternatives au
retour. Leur mot d’ordre central est le droit au retour des
réfugiés à leurs maisons et la récupération de leurs biens, en
application de la résolution 194 de l’ONU de 1948.
L’association travaille, conjointement avec
l’association Al-Aqsa et d’autres comités à restaurer les lieux
saints, les mosquées, églises et cimetières dans les villages
détruits. Ils affrontent, dans les villages, aussi bien
l’administration sioniste que les colons installés. Dans le
village d’al-Bassa, ils organisent des cérémonies de baptême
dans l’église restaurée et dans le village de Zib, ils font la
prière dans la mosquée, restaurée elle aussi.
Une importante campagne de mobilisation est
menée pour réintroduire dans la conscience palestinienne les
villages détruits et effacés. Des cartes sont éditées, avec les
emplacements et les noms des 531 villages détruits par les
sionistes en 1948. Elles sont rééditées tous les ans, dans
l’exil, du moins et diffusées à large échelle. Des photographes
professionnels et moins professionnels sillonnent le pays,
prennent des photos et les envoient à tous les réfugiés. Les
liens sont renoués entre l’humain et son territoire. Des
tournées sont organisées pour les jeunes Palestiniens pour la
redécouverte de leur pays. C’est ainsi qu’ils aperçoivent les
maisons détruites sous les cactus. Et un des plus importants
projets en cours reste la reconstruction du village Ghabsiyyeh,
avec l’aide du centre arabe pour la planification alternative,
association fondée par les architectes et ingénieurs
palestiniens. L’activité la plus visible cependant et la plus
populaire, celle qui a hanté les sionistes qui ont pris la
décision d’interdire la commémoration de la Nakba, c’est la
marche annuelle, le jour de la Nakba, vers un village détruit.
Les villages de Saffouriyé, Suhmata, Ghabsiyyeh, Barweh, Hittin
et Umm Zinat ont déjà été les lieux de ces rassemblements
populaires, où les manifestants portent les pancartes rappelant
leurs villages d’origine et auxquels ils réclament leur retour.
A la veille de ce 15 mai 2011, la question du
retour des réfugiés à leur pays, leurs terres et leurs maisons
s’annonce être la question-clé pour toute solution en Palestine.
Les réfugiés de l’intérieur ont refusé leur installation hors de
leurs propres villages, alors qu’ils vivent dans leur pays.
Peut-on demander aux réfugiés en exil d’accepter d’être
installés ailleurs que dans les pays d’accueil ?
Le 15 mai prochain, les réfugiés répondent à
cette question par leur « révolution ». Organisés en des
dizaines de comités, ils seront aux frontières de la Palestine :
au Liban, en Syrie, en Jordanie, à Gaza et en Egypte, pour
réclamer leur retour. Une lettre a été adressée à Ban Ki Moon,
secrétaire général de l’ONU, pour réclamer la protection des
marcheurs, contre les agresseurs sionistes. Les réfugiés
réclament l’application immédiate de la résolution 194 de l’ONU,
qui garantit le droit au retour de tous les réfugiés à leurs
maisons et terres, et la récupération de leurs biens et la
compensation de leurs pertes au cours des 63 ans d’exil.
Si la réconciliation interpalestinienne
encourage un tel mouvement de la part des réfugiés, il faut
également affirmer que la révolution en Egypte, après celle de
Tunisie, a donné le coup d’élan à ce mouvement, les réfugiés ne
voulant pas se sentir hors de la nouvelle histoire qui est en
train d’être écrite dans la région. C’est autour du retour des
réfugiés que doivent se mobiliser tous les gens épris de justice
dans le monde, car c’est leur cause qui fait l’objet de
marchandages par les puissances occidentales, américaine et
européennes. Il semblerait que certains pays européens aient
accepté de voter en faveur de l’Etat palestinien, au mois de
septembre prochain, à l’ONU, en contrepartie de l’abandon de la
résolution onusienne de 194.
Mais c’est sans compter sur les réfugiés
palestiniens, sans compter sur la résistance du peuple
palestinien, sans compter sur les peuples arabes et notamment
sur la résistance islamique au Liban.
Le train du retour vers la Palestine est en
marche…. Personne, ni aucune puissance dans le monde ne pourra
l’arrêter. Car c’est le train de la justice et du droit avant
tout.
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