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Opinion
Une réconciliation
qui inquiète les ennemis
Fadwa Nassar
Photo: CPI
Mardi 3 mai 2011
L’annonce, il y a
une semaine, de l’accord de réconciliation entre les mouvements
du Fateh et du Hamas, continue à soulever diverses réactions
dans le monde, sur un fond d’enthousiasme et de soulagement
palestiniens. Cet accord qui survient après la chute du pouvoir
de Moubarak en Egypte, et précisément à cause de sa chute, ne
plaît pas à certains acteurs internationaux ou régionaux, qui
trouvaient dans la division du peuple palestinien un terrain
fertile pour leurs manigances et leurs pressions.
La réconciliation
palestinienne n’est pas nécessairement la voie grande ouverte
vers la libération de la Palestine, tout comme elle ne signifie
pas nécessairement la résolution de tous les problèmes liés à la
gestion de l’Autorité palestinienne, née des accords d’Oslo.
Mais les circonstances dans lesquelles elle a été signée lui
donnent, plus qu’à tout autre effort précédent, une chance de
survie et lui permettent de dépasser nombreux de ces problèmes,
malgré les pressions qui vont s’exercer pour l’annuler.
Dans quelles
circonstances a-t-elle été signée ? C’est d’abord la nouvelle
situation en Egypte où le nouveau gouvernement issu de la
révolution du 25 janvier a pris en compte les aspirations du
peuple égyptien d’en finir avec la mainmise américaine et
sioniste sur le pays. Le gouvernement Sharaf et surtout son
ministre des affaires étrangères, Ahmad Arabi, semblent vouloir
tourner la page de l’humiliation et se tourner vers l’intérêt de
l’Egypte, au lieu de défendre les intérêts sionistes et
américains. Parmi les dossiers en suspens, figure en première
place la question de la Palestine, dans plusieurs de ses
volets : la réconciliation, le blocus de Gaza et le passage de
Rafah, la guerre contre Gaza, la livraison du gaz naturel à
l’entité sioniste, ainsi que le processus de règlement du
conflit. C’est à ces
dossiers que s’est attelé le gouvernement provisoire, issu de la
révolution égyptienne.
Concernant la
réconciliation, il devient évident que les anciens dirigeants du
Caire avaient adopté les désirata sionistes et américains,
considérant que toute réconciliation palestinienne devait
nécessairement affaiblir, sinon démanteler, la résistance et
notamment le pouvoir de Hamas et privilégier la voie de la
collaboration avec l’ennemi. Leurs efforts ont échoué, malgré la
guerre menée par l’Etat sioniste contre la bande de Gaza. La
résistance est toujours là et le Hamas est loin de s’affaiblir.
La réconciliation
intervient également après que l’Autorité palestinienne dirigée
par Mahmoud Abbas et son premier ministre Fayad ait réalisé la
vanité des négociations directes avec les sionistes, sous
l’égide américaine. Le gouvernement sioniste actuel peut être
considéré comme l’un des plus racistes et des plus criminels,
puisqu’il regroupe en son sein la lie de la société sioniste et
toutes les valeurs criminelles générées par cette société en
pleine crise existentielle. C’est ce gouvernement que
l’administration Obama a choisi de soutenir et c’est en sa
faveur que Clinton, la ministre américaine des affaires
étrangères, souhaite faite plier l’Autorité palestinienne. La
sainte alliance américano-sioniste a placé l’Autorité
palestinienne de Mahmoud Abbas dans une impasse totale.
La
réconciliation doit être un pas vers l’unité nationale
Bien qu’elle ne
soit pas conçue dans les mêmes termes, la réconciliation
palestinienne est réclamée par l’ensemble du peuple palestinien.
Pour les résistants, la réconciliation est le moyen d’unifier
les forces vives du peuple en vue de consolider la résistance,
armée et populaire, face aux sionistes et pour ceux qui ont
choisi la « voie diplomatique », la réconciliation permet de
gagner une bataille de la reconnaissance, en s’appuyant sur une
représentativité palestinienne certaine. Ce qui signifie que la
réconciliation n’est pas, en soi, un choix certain de résistance
sur le terrain, mais au minimum, un moyen et surtout une
nécessité pour empêcher la liquidation de la cause palestinienne
et mettre un terme au démantèlement de la société palestinienne.
Comme l’ont
affirmé plusieurs responsables du Jihad islamique, la
réconciliation est une nécessité mais ne résoud pas les
problèmes, et elle doit être un pas vers l’unité nationale. Et
au-delà, la réconciliation entre les mouvements Fateh et Hamas
concerne d’abord la gestion des territoires de l’Autorité
palestinienne, issue des accords d’Oslo, qui sont rejetés par
plusieurs organisations de la résistance. Ce n’est qu’avec la
réorganisation de l’OLP, qui devra inclure toutes les
formations, mais aussi prendre en compte la présence des
réfugiés et des Palestiniens de 48, que le peuple palestinien
pourra de nouveau considérer qu’elle le représente de manière
légitime. La réconciliation actuelle devra être un pas dans ce
sens. Ce qui signifie que les élections dans les territoires
occupés en 1967, al-Quds y compris, et placés sous l’Autorité
palestinienne, ne peuvent être considérées comme ayant résolu la
question de la représentativité légitime du peuple palestinien,
ni défini le programme de lutte du peuple palestinien. Seules
des élections à l’échelle de l’OLP, avec la participation de
l’ensemble du peuple palestinien, et qui assurent une nouvelle
direction à cette instance, peuvent ouvrir la voie à une unité
reconnue par tous.
Les ennemis contestent la réconciliation
Saluée par le
peuple palestinien, mais aussi par de nombreux partis et
organisations arabes, dont le Hezbollah au Liban, et par des
pays souverains, arabes et musulmans, comme la Syrie et l’Iran,
la réconciliation a suscité de nombreuses interrogations dans
les capitales européennes, et suscité un mécontentement
manifeste chez les sionistes et les Américains.
Dans l’Etat
sioniste, les cercles du pouvoir ne savent plus comment réagir.
Entre les menaces qu’ils profèrent et leurs espoirs de modifier
le cours des choses, les dirigeants sionistes sont empêtrés dans
une des crises les plus profondes depuis l’existence de leur
Etat, d’autant plus que les changements radicaux dans la région
les rendent de plus en plus vulnérables. Ils vivent une panique
des plus sérieuses depuis la chute du régime de Moubarak en
Egypte, sachant que le peuple égyptien exprime tout haut à
présent qu’il souhaite mettre un terme aux accords humiliants de
Camp David, que le président Sadate avait signés en 1978.
Les dirigeants
sionistes ont immédiatement lancé une opération médiatique
mondiale pour dénoncer la réconciliation palestinienne et
souligner le danger que représente le mouvement Hamas « sur la
paix dans le monde ». Ils espèrent par là empêcher la réussite
des efforts diplomatiques de l’Autorité palestinienne en vue de
la reconnaissance d’un Etat palestinien sur ses territoires
accordés par les accords d’Oslo. Bien que de sérieuses questions
se posent à propos de cette campagne diplomatique palestinienne,
à propos de sa signification et de ses implications sur la lutte
palestinienne à long terme, elle gêne cependant les dirigeants
sionistes qui considèrent qu’une telle campagne, qui s’appuie
sur l’ONU, contourne les négociations directes, sous l’égide
américaine. Alors que certains milieux sionistes font porter la
responsabilité de la réconciliation au gouvernement même,
l’accusant d’avoir fermé toutes les issues des négociations, en
poursuivant la colonisation et les agressions, la fuite en avant
des autres les entraîne soit à menacer d’assassinat les
dirigeants de la résistance (Mofaz), soit à priver l’Autorité
palestinienne de son dû monétaire, soit à agiter le spectre du
« terrorisme » qui menacerait, selon eux, le monde entier.
Un rapport du
ministère sioniste des affaires étrangères indique que la
réconciliation représente une menace pour les intérêts
américains dans la région et qu’elle risque d’entraîner une
reconnaissance de l’Etat palestinien par la communauté
internationale. D’après le rapport, la réconciliation entraînera
l’échec des plans américains visant à reprendre les négociations
bilatérales et favorisera les contacts entre des pays européens
et le mouvement Hamas. Mais d’autres milieux sionistes, y
compris dans l’armée et les services sécuritaires, préfèrent
attendre, tout en souhaitant que la réconciliation conduise à un
assouplissement des positions du Hamas envers l’Etat sioniste et
le renforcement de Mahmoud Abbas et de sa voie au détriment de
celle de Hamas et de la résistance. C’est dans ce sens que l’on
comprend la campagne initiée par certains milieux sionistes pour
la reconnaissance d’un Etat palestinien, qui n’est pas
nécessairement celui que souhaite le peuple palestinien.
Parmi les pays
européens, l’Allemagne a nettement affirmé son mécontement
vis-à-vis de la réconciliation, reprenant mot à mot les
allégations sionistes. Quant à l’Union européenne, elle prétend
vouloir connaître d’abord les termes de la réconciliation
interpalestinienne, avant de prendre position, sans cependant
afficher une attitude hostile. Il en est de même pour le
secrétaire général de l’ONU, Ban Ki Moon, qui se sent obligé,
pour maintenir une certaine audience à l’organisation qu’il
représente, d’approuver la réconciliation, d’autant plus que
l’ONU est par principe un organisme international censé
réconcilier tout le monde avec tout le monde.
Certes, la
réconciliation est un pas important vers l’unité palestinienne.
Elle met fin à plus de quatre ans de luttes intestines et est
considérée comme une nécessité pour aller de l’avant, par
l’ensemble du peuple palestinien. La réconciliation est un moyen
pour se débarrasser des facteurs de division, politique et
géographique, qui ont favorisé les agressions sionistes sur tout
le territoire palestinien et favorisé des plans américains
liquidant la cause palestinienne, dont le dernier qui supprime
le droit au retour des réfugiés à leurs terres et leur terre.
Mais la réconciliation ne doit pas s’arrêter à la signature de
l’accord, elle doit se poursuivre sur le terrain et aller vers
la consolidation d’un programme de lutte contre l’occupation. La
situation dans la ville occupée d’al-Qods, en Cisjordanie, à
Gaza, dans les territoires occupés en 48, et dans les camps de
réfugiés, au Liban et ailleurs, nécessite un plan d’ensemble et
réclame la participation de tous les Palestiniens, où qu’ils se
trouvent, en vue de définir les prochaines étapes de la lutte.
La lutte des
peuples arabes pour recouvrer leur dignité est un puissant
levier dans ce sens. Le peuple palestinien, qui n’a cessé de
lutter depuis près d’un siècle, contre l’entreprise sioniste et
qui a offert des milliers de martyrs et dont plus d’un quart de
million a connu les prisons sionistes, ne peut être écarté du
mouvement général. Il ne peut participer, par son silence et sa
division, aux efforts des puissances impériales et de leurs
agents, de mettre fin au mouvement populaire et de dévoyer sar
lutte, lui qui fut un des principaux acteurs de la lutte contre
l’injustice dans le monde.
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