Opinion
Quand l'Etat
sioniste discute de son avenir
Fadwa
Nassar
Gilo,
Jérusalem-est - photo: afp.com/Menahem
Kahana
Mardi 3 avril 2012 Des dirigeants de l’Etat sioniste,
ainsi que commentateurs et
analystes, lancent de plus en plus
fréquemment des cris d’alarme,
affirmant que l’avenir de cette
entité est incertain, parfois à
cause de ce qu’ils considèrent comme
une menace existentielle, le
nucléaire iranien, et d’autres fois
à cause des appétits insatiables de
la ligne dure des colons, qui a
bouleversé le champ politique,
interne et externe, de la colonie
sioniste en Palestine. Beaucoup d’analystes dans le monde
ne prennent pas ces cris d’alarme au
sérieux, disant que l’Etat sioniste
a l’habitude, depuis sa création, de
« crier au loup » afin de mobiliser
les juifs du monde autour de lui et
surtout le soutien des grandes
puissances impériales. C’est dans la
nature de toute entité coloniale qui
doit commettre massacres après
massacres, pour empêcher le peuple
colonisé de se soulever, que de
ressentir cette fragilité
intrinsèque à sa présence dans un
milieu hostile et qui, à chaque
crise, se sent menacée dans son
existence même. Mais d’autres analystes mettent en
avant que depuis l’an 2000, l’Etat
sioniste a perdu un élément
important de sa présence, la
dissuasion militaire qui, depuis sa
création, a empêché régimes et
peuples de l’affronter et d’oser lui
tenir tête. En mai 2000, les troupes
sionistes dégagent du Liban avec
leurs collaborateurs, sans pouvoir
signer d’accord sous l’égide des
grandes puissances ou de l’ONU,
c’est-à-dire que l’occupant fut
obligé de dégager, sous la pression
de la résistance. Cet exploit
historique a ravivé dans la
conscience des peuples de la région,
et notamment du peuple palestinien,
le sentiment qu’il est possible
d’obtenir des victoires, même
partielles, avec la résistance
armée. L’Intifada al-Aqsa est
déclenchée, et les opérations
martyres de la résistance
palestinienne en plein cœur de
l’entité coloniale la plongent dans
le cours normal de toute
colonisation – occupation : pour
survivre, il faut réprimer et
massacrer. Le cycle est à nouveau
enclenché (il l’a été à plusieurs
reprises depuis l’occupation
britannique de la Palestine). Une récente étude menée par des
sionistes européens a vivement
secoué l’establishment sioniste :
deux chercheurs belges, Olivier
Boruchowitch et Richard Laub,
affirment que l’Etat sioniste ne
pourra survivre s’il ne dégage pas
des territoires occupés en 1967 et
que l’extrémisme des colons entraîne
progressivement à la disparition de
la colonie, la dernière colonie de
peuplement (si l’on excepte
l’Australie et les Etats-Unis
eux-mêmes) continuant à exister,
d’autant plus que son environnement
est de plus en plus hostile à sa
présence et que les Etats-Unis,
grands défenseurs et alliés de
l’Etat sioniste, ne peuvent
éternellement jouer ce rôle. Il ne
s’agit pas du premier cri d’alarme
et il ne sera certainement pas le
dernier, mais reste à savoir si les
dirigeants sionistes, actuels ou
futurs, peuvent stopper le cycle
dans lequel ils ont engagé leur
société, celui de la violence inouïe
et du racisme indicible, mais aussi
de la peur devant l’incertitude
menaçante et du mal-vivre de «
citoyens » colons qui se trouvent
sur une terre qui les refuse et qui
se retrouvent, à chaque tournant de
leur existence, confrontés à leur
présent sanguinaire et escroc et
leur passé violent et pillard. Il est vrai que l’establishement
sioniste poursuit, avec une rage
inégalée, son projet de colonisation
de la terre palestinienne et de sa
capitale al-Qods. Il est vrai qu’il
exerce une répression implacable et
qu’il légitime toutes les violences
de ses « citoyens » colons à
l’encontre des Palestiniens. Il est
vrai qu’il menace d’expulsion les
Palestiniens vivant dans leur pays
et sur leur terre, les Palestiniens
de 48 ou « citoyens arabes de l’Etat
d’Israël », qu’il juge « indociles
». Il est vrai aussi qu’il est
parvenu à détourner les regards,
pour un temps, de ses pratiques
criminelles, pour les diriger vers
la république islamique d’Iran,
qu’il juge menaçant la « paix
mondiale » (celle des pays
impérialistes), et qu’il est parvenu
à se présenter comme un partenaire
acceptable par des régimes arabes et
musulmans, sans compter des pays
européens, asiatiques ou africains
dans le monde. Il est vrai que
l’Etat sioniste est parvenu à se
doter des armes les plus meurtrières
et de la technologie la plus poussée
pouvant détruire en un clin d’œil
tous les pays environnants et tuer,
sans ciller, toute leur population. Mais, malgré tout cela, l’avenir de
la colonie sioniste en Palestine est
incertain et leur puissance de
dissuasion n’a plus d’effet, sauf
pour ceux qui veulent y croire. Loin
d’être égales, les armes possédées
par la résistance islamique,
libanaise et palestinienne, aux
portes de l’entité, sont tout autant
meurtrières ou à la rigueur,
capables d’empêcher toute vie
normale dans les colonies, comme
cela a eu lieu récemment lorsque
rien que les fusées du Jihad
Islamique ont obligé les colons à se
terrer pendant plusieurs jours dans
les tuyaux de canalisation. Les
gesticulations des dirigeants
militaires et politiques de l’entité
coloniale, et leurs hésitations à
frapper l’Iran, montrent surtout, et
depuis 2006, qu’ils doivent
réfléchir à plusieurs reprises avant
de s’engager dans toute aventure
militaire, et risquer de tout perdre
d’un coup. Et depuis 2006, malgré la
collaboration active des services
sécuritaires palestiniens de Salam
Fayyad et Mahmoud Abbas, avec les
forces sionistes, c’est un peuple
sous occupation qui attend la faille
pour se lancer contre l’occupant,
avec détermination, bravant à la
fois les colons et l’élite
palestinienne née et en symbiose
avec les accords d’Oslo. De
multiples signes apparus récemment
en Cisjordanie indiquent que les
Palestiniens sont prêts à
l’affrontement, même armé. Mais c’est aussi le bouleversement
régional qui inquiète le plus l’état
colonial et ses alliés. Après la
révolution égyptienne, et malgré les
pressions inouïes exercées sur le
pouvoir pour maintenir en place les
accords de la honte signés par le
régime précédent (Sadate, puis
Moubarak), et malgré les tentatives
de canaliser ce bouleversement
régional au profit de l’alliance
américano-sioniste dans la région,
l’Etat colonial craint pour son
avenir : dans un environnement qui
affirme de plus en plus son
hostilité centenaire à la présence
sioniste en Palestine, il ne reste
que deux solutions : soit s’engager
dans une répression encore plus
barbare, soit relâcher et reculer
d’un pas. Dans les deux cas, c’est
le début de la fin de l’Etat
d’Israël, car les peuples de la
région n’en veulent pas, et l’avenir
appartient aux peuples qui prennent
conscience de leur force et surtout
de leur droit à vivre en paix,
souverains et maîtres de leur
présent et de leur avenir.
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