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Opinion
Parler de souveraineté mais se placer sous
tutelle
Fadwa Nassar
Lundi 1er novembre 2010
La violation récente par l’équipe d’enquête du TSL d’un cabinet
médical féminin dans la banlieue sud de Beyrouth, sous prétexte
de rechercher des informations pouvant servir à l’enquête, n’a
été que la goutte d’eau qui a fait déborder le vase. Elle n’est
une affaire en soi que du point de vue de l’éthique médicale,
éthique largement reconnue dans le monde, à l’exception de
quelques Libanais qui, pour justifier l’attitude provocatrice de
l’équipe de l’enquête, pérorent sur l’emprise des traditions
dans certains milieux « religieux », stigmatisant une fois
encore les sociétés attachées à leur dignité humaine.
Mais ce n’est que la goutte d’eau qui a fait déborder le vase.
Car, au-delà de la vie privée des Libanais, c’est tout un pays
qui est sous tutelle, depuis sa pseudo-indépendance, avec une
insistance maladive de certaines classes politiques à l’y
maintenir, ne se sentant nullement adultes ni capables de le
gérer elles-mêmes. Cette tutelle a été paradoxalement voulue et
souhaitée plus large et plus puissante par des couches immatures
de Libanais, depuis la libération du sud du Liban et de la Bekaa
ouest, en mai 2000.
Car la résistance du Hezbollah et sa victoire concrétisée par la
libération de la majeure partie du Liban et la sérénité et la
paix civile dans les zones libérées sont plus que ne peuvent
supporter ces couches libanaises généralement habituées à ce que
leurs actes et mouvements soient dictés par les grandes
puissances. Puisque la libération a dérangé les grandes
puissances, elles se sont senties dérangées! Il a fallu une
nouvelle victoire en 2006 contre l’agression meurtrière sioniste
pour qu’elles commencent à pousser les hauts cris, à la
recherche de protecteurs : elles craignent que le Liban ne
devienne maître de son destin et qu’il n’assume son devoir
national envers la première cause de tout arabe, musulman et
chrétien, la cause de la Palestine. Elles refusent obstinément
de gagner cet honneur, d’autant plus qu’il s’agit d’affronter la
principale cause de tensions, de guerres, de crimes, de
destruction et d’anéantissement dans la région, l’Etat sioniste.
Ces couches infantiles libanaises ont peur d’être responsables:
lorsqu’une partie du Liban a été occupée en 1978 puis en 1982,
elles ont délégué la libération de leur pays aux Nations-Unies,
à cette pseudo « légalité internationale » derrière laquelle
elles se cachent chaque fois qu’elles veulent frapper un coup et
élargir leur champ d’action, comme elle le font surtout depuis
2006. Cela pour les moins mauvaises. Quant aux autres, celles
qui sont entièrement impliquées dans le bradage du pays, elles
ont carrément, ou bien collaboré avec les envahisseurs sionistes
ou bien signé un accord humiliant avec eux, plaçant le Liban,
non sous tutelle internationale, mais directement sous
occupation sioniste. Et ce sont ces forces ou couches libanaises
qui parlent le plus haut et le plus fort de souveraineté !
Il est devenu clair, et depuis un certain temps déjà, que la
victoire de la résistance islamique au Liban en 2006 contre
l’agression criminelle sioniste, est insupportable pour une
certaine classe politique au Liban et dans la région parce que
cela dérange des pays européens et les Etats-Unis. La victoire
de la résistance du Hezbollah a bouleversé l’équilibre régional,
ce que craignent en fait tous ceux dont les intérêts s’appuient
et dépendent de la supériorité militaire et dissuasive
américano-sioniste. Depuis 2006, leurs complots se suivent les
uns après les autres, mais échouent également les uns après les
autres. Les agents locaux de la domination américano-sioniste, à
des degrés divers, fomentent troubles après troubles, pour
impliquer le Hezbollah et laisser le champ libre à une nouvelle
agression sioniste. Le TSL, tel qu’il a été conçu, fut dès le
début un outil de cette domination pour infiltrer et noyauter la
société libanaise dans son ensemble, sous prétexte de vouloir
rechercher les assassins de Rafiq Hariri.
Ce qui a, en réalité, suscité le plus grand mécontentement des
américano-sionistes et de leurs alliés locaux et régionaux et
probablement précipité les provocations et les déclarations de
guerre, fut la visite historique et couronnée de succès du
président iranien au Liban avec tous les symboles qu’elle
comporte. Lors de cette visite, bien qu’officielle, les
américains et les sionistes n’ont pas caché leur exaspération,
sinon leur colère, d’autant plus qu’elle est intervenue dans un
contexte régional où les forces américaines subissent défaites
et déconvenues, en Irak et en Afghanistan et que la Turquie est
en train de quitter rapidement le navire américano-sioniste.
Mais il semble bien que les effets de cette visite ne se soient
pas évaporés, puisque la tempête déchaînée par la « communauté
internationale » contre l’axe de la résistance ne fait que
commencer, au Liban, balayant les ententes régionales qui ont
garanti jusqu’à présent la paix civile au Liban, et
principalement l’entente syro-saoudienne . C’est dans ce
contexte qu’intervient la provocation de l’équipe d’enquête du
TSL et des réactions qui l’ont suivie.
Alors que l’épuration ethnico-religieuse bat son plein dans al-Qods,
au moment même où la population d’Umm al-Fahem subit un assaut
sauvage et raciste, alors que les colons en Cisjordanie tuent,
agressent, violent les propriétés et incendient les lieux
sacrés, tous les jours, la « communauté internationale »
détourne son regard complice de ce qui se passe en Palestine
mais s’émeut et s’indigne lorsque quelques femmes de la banlieue
sud de Beyrouth bousculent des enquêteurs mandatés par le TSL,
venus violer leur intimité dans une clinique médicale.
Depuis l’instauration du TSL, c’est le pays en entier qui est
pris en otage par les puissances de la « communauté
internationale » et par l’Etat sioniste. Les renseignements
d’ordre privé qu’il a réussi à obtenir jusque là, grâce à la
généreuse collaboration des « souverainistes » et du pouvoir
judiciaire qui s’est volontairement inféodé à sa volonté, sont
de toute nature et touchent à tous les domaines de la vie des
Libanais, sans aucun rapport cependant avec l’enquête en cours:
les universités furent sommées de livrer la liste de leurs
étudiants, les caisses d’assurance maladie, la liste de leurs
adhérents, et il en de même pour les centres de délivrance des
permis de conduire, les centres de délivrance des passeports,
sans compter les centres de télécommunications qui ont remis, au
TSL ou directement aux services israéliens par le biais des
espions, la liste de leurs abonnés et les données de leurs
communications.
Seules, et encore, ce qui fut jadis appelé « républiques
bananières » pour parler de ces entités pseudo-indépendantes
d’Amérique centrale mais gérées par les USA, ont été aussi
dévoilées aux puissances étrangères, mais cela ne semble pas du
tout inquiéter les « souverainistes » du Liban qui ont choisi de
discourir, jusqu’à soulever la nausée, des droits fondamentaux
de l’homme et de la souveraineté de leur pays.
Article publié sur Résistance islamique au Liban
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