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CADTM
Montée de l'agressivité de Washington à
l'égard du Venezuela,
de la Bolivie, de l'Equateur
Éric Toussaint
Le président du Honduras, Manuel Zelaya
Jeudi 8 octobre 2009
L’agressivité des Etats-Unis à l’égard des gouvernements
vénézuélien, bolivien et équatorien augmente dans la mesure où
ils réagissent à une réduction de leur emprise sur l’ensemble de
l’Amérique latine et de la Caraïbe qu’ils attribuent en
particulier à Hugo Chavez (et à Cuba, mais de ce côté, ce n’est
pas nouveau).
Quelques signes de cette perte de contrôle : lors des
négociations qui ont suivi l’agression de l’Equateur par la
Colombie le 1er mars 2008 |1.|,
au lieu de recourir à l’Organisation des Etats américains (OEA)
dont les Etats-Unis font partie, les présidents
latino-américains se sont réunis à Santo Domingo sans les grands
voisins du Nord dans le cadre du Groupe de Rio et ils ont
clairement donné tort à la Colombie, alliée des Etats-Unis. En
2008, le Honduras, traditionnellement et entièrement subordonné
à la politique de Washington, a rejoint Petrocaribe créé à
l’initiative du Venezuela afin de fournir aux pays de la région
non exportateurs d’hydrocarbures du pétrole à un prix inférieur
au prix du marché mondial. Le Honduras a également adhéré à
l’ALBA, autre initiative d’intégration régionale lancée par le
Venezuela et Cuba. En décembre 2008, a eu lieu un important
sommet réunissant la plupart des présidents latino-américains à
Salvador de Bahia avec la présence remarquée du chef d’Etat
cubain, Raul Castro, à côté duquel était assis Felipe Calderon,
président du Mexique qui, jusqu’à récemment, adoptait une
attitude hostile à l’égard de Cuba suivant ainsi les injonctions
de Washington. Quelques mois plus tard, l’OEA décidait, malgré
l’opposition des Etats-Unis, de réintégrer Cuba qui en avait été
exclu en 1964. En 2009, l’Equateur a rejoint lui aussi l’ALBA et
a mis fin à la concession de la base de Manta octroyée à l’armée
des Etats-Unis.
Depuis le début des années 2000, Washington a tenté
systématiquement de contrecarrer le tournant à gauche pris par
les peuples d’Amérique latine : soutien au coup d’Etat contre
Chavez en avril 2002, soutien financier massif à l’opposition
anti-chaviste, soutien à la grève patronale vénézuélienne de
décembre 2002 - janvier 2003, intervention active de
l’ambassadeur des Etats-Unis en Bolivie pour empêcher l’élection
d’Evo Morales, téléguidage de l’intervention de la Banque
mondiale en Equateur en 2005 pour obtenir la démission de Rafael
Correa alors ministre de l’Economie et des Finances,
organisation de manœuvres militaires conjointes dans le Cône
Sud, réactivation de la 4e flotte, très forte augmentation de
l’aide militaire à son allié colombien qu’il utilise comme tête
de pont dans la région andine. Et pour surmonter l’échec de
l’ALCA de novembre 2005, la négociation et/ou la signature d’un
maximum de traités de libre commerce bilatéraux (Chili, Uruguay,
Pérou, Colombie, Nicaragua, République dominicaine, Salvador,
Guatemala, Honduras, Costa Rica).
L’agressivité des Etats-Unis contre la contagion chaviste en
Amérique latine est montée d’un cran en juin-juillet 2009 avec
le coup d’Etat militaire au Honduras qui a renversé le président
libéral Manuel Zelaya alors qu’il proposait à la population de
se prononcer en faveur de la convocation de l’élection d’une
assemblée constituante au suffrage universel. Si une assemblée
constituante avait été élue au suffrage universel elle aurait
immanquablement dû statuer sur la demande de réforme agraire, ce
qui aurait remis en cause les énormes privilèges des grands
propriétaires fonciers et des transnationales étrangères de
l’agro business présentes dans le pays. C’est principalement
pour cela que la classe capitaliste locale, dont le secteur
agraire constitue une fraction très importante, a soutenu le
coup. Il faut aussi prendre en compte que cette classe
capitaliste est une bourgeoisie comprador totalement
tournée vers l’import-export et dépendante des bonnes relations
avec les Etats-Unis. C’est pour cela qu’elle a appuyé la
signature avec Washington d’un traité de libre commerce et
qu’elle était opposée à l’ALBA. L’augmentation du salaire
minimum décrétée par Manuel Zelaya constitue aussi une des
raisons qui a poussé les patrons à comploter pour le renverser |2.|
Par ailleurs, on sait aussi que Manuel Zelaya comptait demander
à Washington de libérer la base aérienne de Soto Cano située à
moins de 100 km de la capitale afin de la transformer en
aéroport civil. Le Pentagone n’avait pas digéré le virage à
gauche d’un président dont il attendait un comportement docile
car le Honduras fait partie de ses subordonnés dans la région.
En imaginant même, ce qui est hautement improbable, que les
généraux honduriens aient agi de leur propre initiative en
concertation avec la classe capitaliste locale, il est
inconcevable que Roberto Micheletti, le fantoche désigné par ces
militaires, puisse rester au pouvoir si les Etats-Unis s’y
opposent réellement. Ceux-ci forment depuis des décennies les
généraux honduriens ; ils maintiennent dans le pays une
importante base militaire à Soto Cano (avec 500 militaires
états-uniens présents en permanence) ; et, comme l’a reconnu
Hillary Clinton après le coup, ils ont largement financé
l’opposition au président Zelaya ; leurs transnationales,
notamment de l’agrobusiness, sont fortement implantées dans ce
pays qu’elles considèrent comme une république bananière.
Afin d’augmenter encore un peu plus la menace contre le
Venezuela et l’Equateur, Washington a obtenu du président Alvaro
Uribe l’annonce en juillet 2009 de l’octroi aux militaires
états-uniens de sept bases colombiennes. Le délai très court qui
relie le coup militaire au Honduras à l’annonce du président
colombien n’est en rien une coïncidence : Washington indique là
très clairement qu’elle veut mettre un coup d’arrêt à
l’extension de l’ALBA et tuer dans l’œuf le socialisme du XXIe
siècle. Il serait irresponsable de sous-estimer la capacité de
nuisance de Washington et la continuité qui marque la politique
extérieure des Etats-Unis malgré l’accession de Barack Obama à
la présidence et une rhétorique plus soft. Au moment où
ces lignes sont écrites, Washington refuse toujours de
considérer qu’il y a eu un coup d’Etat le 28 juin 2009 au
Honduras. Alors que le président Manuel Zelaya, rentré
clandestinement dans son pays le 21 septembre 2009, a trouvé
refuge dans l’ambassade du Brésil à Tegucigalpa et que les
putschistes répriment violemment les manifestations des
partisans du président constitutionnel, ferment les médias
d’opposition |3.|
et ont décrété le 27 septembre un Etat de siège d’une durée de
45 jours, tout ce que le n°2 de Washington à l’OEA a trouvé à
dire est : « le retour de Zelaya est irresponsable et idiot » |4.|
Par ailleurs, Hillary Clinton n’a pas condamné le couvre-feu
prolongé décrété par Micheletti pour empêcher que la population
ne se rassemble en face de l’ambassade du Brésil. A la lumière
de cette expérience, on peut affirmer que l’administration Obama
ne montre pas une volonté de rompre avec plusieurs méthodes qui
ont été mises en oeuvre par ces prédécesseurs : le financement
massif de différents mouvements d’opposition dans le cadre de sa
politique de « renforcement de la démocratie », le lancement de
campagnes médiatiques de discrédit à l’égard des gouvernements
qui ne partagent pas son orientation (Cuba, Venezuela, Bolivie,
Equateur, Nicaragua, le Honduras de Manuel Zelaya…), le maintien
du blocus contre Cuba, le soutien aux mouvements séparatistes en
Bolivie (la media luna, capitale Santa Cruz), en Equateur
(la ville de Guayaquil et sa province) et au Venezuela (l’Etat
pétrolier de Zulia, capitale Maracaïbo), le soutien à des
agressions militaires comme celle perpétrée par la Colombie en
Equateur en mars 2008 ainsi qu’à des actions des forces
paramilitaires colombiennes ou autres au Venezuela.
Il est frappant de constater que l’Union européenne adopte une
politique très proche de celle de Washington. Déjà lors du
putsch contre Chavez, le 11 avril 2002, l’Union européenne, par
la voix de José Maria Aznar, avait apporté son soutien aux
putschistes. En août 2009, elle a annoncé qu’elle maintient les
accords commerciaux avec le Honduras et qu’elle ne dénoncera pas
comme illégales les élections organisées dans ce pays par les
putschistes. En matière de négociations et de signatures de
traités de libre commerce, l’Union européenne est aussi
agressive que les Etats-Unis quand elle n’exige pas des
concessions encore plus importantes que celles accordées par les
pays latino-américains à Washington.
Notes
|1.|
L’Armée colombienne a bombardé et a capturé des éléments d’un
camp de la guérilla des FARC en territoire équatorien, faisant
une vingtaine de morts dont des civils. Il faut savoir que
l’armée colombienne, pourtant extrêmement forte, est très peu
présente sur la frontière Colombie-Equateur, ce qui permet à la
guérilla des FARC d’y installer certains camps dont celui où se
trouvait, à cette époque, un de ses principaux dirigeants, Raul
Reyes, responsable des relations internationales. Le
gouvernement colombien, entièrement couvert par les Etats-Unis,
a utilisé les méthodes appliquées systématiquement par l’armée
israélienne à l’égard de ses voisins : y mener des opérations
militaires au mépris de leur souveraineté. L’Equateur a
régulièrement reproché à la Colombie de ne pas assurer un
contrôle adéquat de la frontière commune entre les deux pays.
|2.|
Pour une description détaillée des secteurs qui ont appuyé le
coup d’Etat, lire l’étude de Decio Machado qui dresse une liste
des entreprises et de leurs dirigeants ayant incité ou soutenu
activement les putschistes : « Quiénes apoyan al gobierno
ilegítimo de Roberto Micheletti »
http://www.cadtm.org/Quienes-apoyan...
|3.|
L’armée hondurienne a pris le contrôle des locaux de la radio
Globo le lundi 28 septembre 2009 à l’aube (heureusement Globo
continue d’émettre via internet à partir d’une maison privée) et
a mis fin aux émissions télévisées du Canal 36, la seule chaîne
qui diffusait des informations non favorables aux putschistes.
Par ailleurs, un décret, diffusé dimanche 27 septembre dans la
soirée par toutes les chaînes de télévision, suspend les
libertés d’expression et de réunion durant au moins 45 jours et
prévoit la fermeture des médias "qui incitent à l’insurrection".
|4.|
“Zelaya’s return to Honduras is irresponsible and foolish and it
doesn’t serve the interests of the people nor those seeking a
peaceful reestablishment of democratic order in Honduras,” Lewis
Amselem, représentant permanent adjoint des Etats-Unis à l’OEA.
Il faut savoir que ce diplomate a été accusé par des
organisations de défense des droits de l’homme de refus
d’assistance et de diffamation à l’égard de sa compatriote
Dianna Ortiz, une religieuse progressiste états-unienne de
l’ordre des ursulines, qui a été torturée et violée à plusieurs
reprises par des éléments des forces de sécurité guatémaltèque
en 1989. A cette époque il travaillait à l’ambassade des
Etats-Unis à Guatemala City comme officier des droits humains.
http://www.kaosenlared.net/noticia/...
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