Opinion
Résolution sur la
Syrie: qui sont les perdants ?
Elena Souponina
© RIA
Novosti. Andrei Stenin
Lundi 30 septembre 2013
Source:
RIA Novosti
Les bombardements américains contre
la Syrie ont été reportés - mais pas
annulés - et la guerre civile qui
déchire le pays n'est pas près de se
terminer.
Le désarmement chimique de l’armée
officielle n'est qu'une partie d'un
problème bien plus large. Tout incident,
tout éclat de violence, pourrait faire
échouer les accords qui viennent d’être
signés.
La résolution du Conseil de sécurité
des Nations unies adoptée le 27
septembre ne mentionne donc pas
uniquement la procédure de placement des
armes chimiques syriennes sous contrôle
international – une avancée sans
précédent - mais insiste également sur
les négociations de paix. Le ministère
russe des Affaires étrangères (MAE) a
déjà annoncé que les pourparlers entre
les représentants syriens du
gouvernement et l'opposition étaient
prévus à Genève pour mi-novembre.
Sacrifier les
intérêts de l'opposition au profit de
l'Etat
L'opposition syrienne est aujourd'hui
KO du fait de l’accord entre la Russie
et les Etats-Unis.
Les sentiments des opposants ont été
très bien décrits par le sénateur
américain John McCain, ardent défenseur
des rebelles : "L'opposition se sent
abandonnée. L'esprit de guerre a été
plombé".
De leur côté les sponsors étrangers
de l'opposition sont loin d'éprouver une
telle confusion.
Les pays qui ne croient pas au
président Bachar al-Assad et veulent son
départ n'osent pas aller contre la
volonté politique des Américains et, par
conséquent, encouragent prudemment leur
détermination à agir de concert avec la
Russie. Et la Syrie, privée de l'arme
chimique, représente déjà bien moins de
danger pour ses voisins régionaux - ce
qui convient aussi à certains.
En fin de compte, quand il est
question des intérêts étatiques, on voit
que les gouvernements peuvent très bien
s'adapter aux tendances et sacrifier
l'opposition - comme c'est souvent le
cas.
Et si les Américains l'ont fait, les
autres peuvent suivre leur exemple.
Ainsi, le président turc Abdullah Gül
a salué à New York les accords entre la
Russie et les
Etats-Unis sur les armes chimiques en
Syrie, lors de l'Assemblée générale des
Nations unies, même s’il a voulu
préciser que ce n’était pas une "raison
pour que le président Assad échappe à
ses responsabilités pour d'autres
crimes".
Des communiqués très intéressants
arrivent également d'Arabie saoudite. La
presse arabe déborde ces jours-ci de
fuites montrant que le royaume tâterait
le terrain pour trouver une entente avec
l'Iran, compte tenu des dispositions
générales à la réconciliation. Le
nouveau président iranien Hassan Rohani
est plus souple et enclin aux compromis.
Il serait dommage de ne pas en profiter.
En termes de rétablissement de la
stabilité au Moyen-Orient, le
rapprochement de l'Iran et de l'Arabie
saoudite serait un vrai facteur
d’équilibre. A terme cela aiderait
également la Syrie, où se confrontent
les intérêts des Iraniens et des
Saoudiens.
Une
résolution au lieu des armes
Selon certaines informations, la
confusion règne chez les rebelles et
leurs différends concernant la
résolution adoptée au Conseil de
sécurité risquent de faire naître de
nouvelles scissions dans leurs rangs,
déjà très divisés.
Les opposants à Assad espéraient
obtenir un soutien politique de
l'Occident cet automne mais également
des armements modernes, ce qui avait été
notamment évoqué par le commandant de
l'Armée syrienne libre (ASL) Salim
Idris. "Nous n'irons pas à Genève avant
de recevoir des armes et de rétablir
l'équilibre des forces sur les fronts",
a-t-il déclaré.
Dans la perspective d’une attaque
américaine contre la Syrie les troupes
rebelles se préparaient déjà à entrer à
Damas sur la vague du chaos général pour
s'en prendre à l'armée gouvernementale
et aux unités loyales à Assad.
Cependant, plus le nombre
d'extrémistes grandissait au sein de
l'opposition plus les Américains
devenaient réticents à l'idée d'envoyer
des armes aux opposants. Car on ignore
entre quelles mains elles se
retrouveraient et contre qui elles
seraient utilisées.
La conférence de paix de Genève était
supposée se tenir cet été, début juin,
puis en juillet et ensuite reportée
jusqu'à septembre. Aujourd'hui on
annonce qu’elle devrait se tenir en
novembre. Il s'est avéré difficile de
faire négocier les parties. Le
gouvernement et l'opposition comptaient
tous les deux sur la domination
militaire mais la guerre se prolonge
sans qu'aucun des deux camps ne puisse
triompher.
Des
différends vis-à-vis du voyage à Genève
Il existe pourtant parmi les
opposants des gens sensés ayant
conscience que les accords politiques
sont la meilleure solution à ce long
conflit sanglant qui a déjà emporté plus
de 100 000 vies. L'ancien chef de la
coalition nationale syrienne Mouaz al-Khatib
avait déjà appelé aux négociations
encore au printemps 2012 mais avait été
violemment critiqué par les radicaux
avant de rapidement quitter son poste.
Ahmad Jarba, qui lui a succédé, se
voit aujourd'hui contraint de faire
également des déclarations pacifistes.
Il a récemment rencontré à New York le
secrétaire général des Nations unies Ban
Ki-moon à qui il a promis d'envoyer une
délégation à Genève. Il a été sévèrement
critiqué. Un autre leader de la
coalition, l'intransigeant George Sabra
qui souligne souvent qu'il est chrétien,
a déjà annoncé que ni lui ni ses
partisans ne se rendraient à Genève.
La coalition nationale est la plus
influente organisation d'opposition sur
laquelle avait misé l'Occident. Cette
"structure parapluie" a été créée en
novembre 2012 pour réunir au moins une
dizaine des groupes les plus influents
chez les rebelles, sachant qu'il existe
en Syrie et à l'étranger plus d'une
centaine d'unités d'opposition armées et
d’unions politiques désorganisées. Le
noyau de la coalition nationale est
constitué par le Conseil national syrien
de l’opposition qui inclut les leaders
laïques, la branche syrienne des Frères
musulmans ainsi que plusieurs
politiciens hors parti.
L'Armée syrienne libre (ASL) était
censée être subordonnée politiquement à
la coalition nationale. Finalement la
coalition nationale a également essayé
d'incorporer depuis l'étranger d'autres
unités pour agir en Syrie. Ainsi cet été
les représentants des comités
révolutionnaires militarisés actifs en
Syrie ont intégré l’organisme dirigeant
de la coalition nationale.
Le Front
islamique cherche à reprendre la
révolution
Après l'entente russo-américaine
commence le processus inverse. Les
unités de combat quittent la coalition
nationale, pensant que la révolution a
été "volée" : elles comptent se battre
jusqu'au bout. Certaines d'entre elles
adhèrent au nouveau Front islamique dont
le noyau est formé par 13 organisations
extrémistes - littéralement une semaine
après sa formation elles sont déjà plus
de vingt.
L'opposition syrienne se répartit de
plus en plus clairement en deux groupes
– modéré et radical. Si le demi-ton
était encore admis auparavant, jouant
sur les contradictions des puissances
mondiales, cette fois il est temps de
choisir son camp.
Bien sûr les radicaux se retrouveront
en dehors du processus politique mais
ils ne quitteront pas le front, du moins
pas vivants. Par conséquent le conflit
se poursuivra en Syrie. Toutefois, le
mouvement vers la paix a commencé et
c'est déjà une bonne chose.
L'opposition, pour l'instant, reste le
principal perdant.
© 2013
RIA Novosti
Publié le 1er octobre 2013
Le
dossier Syrie
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