Opinion
La rente et ses
méfaits
Djerrad Amar
Vendredi 20 septembre 2013
Pour maintenir la paix
sociale, certains États ayant des
ressources minières surtout
pétrolières distribuent des
« rentes » à des catégories de
populations. Cette attitude est
caractéristique des pays en déficit
démocratique dont les gouvernants
n’ont pas besoin de convaincre quant
à la destination des impôts du
contribuable pour gagner leur voix
et leur confiance. Ces genres de
politiques ont engendré, avec le
temps, des comportements, des
attitudes, des actions et réactions,
des mentalités qui neutralisent tout
esprit d’initiative en encourageant
l’incompétence, les conduites
absurdes qui produisent les
injustices.
L’incompétence neutralise
toute bonne volonté en rendant
inopérant toute action, initiative,
plans, aussi «intelligents» qu’ils
soient. L’esprit
rentier a toujours été réfractaire à
l’esprit d’initiative.
Tous les problèmes viennent
bien de cette funeste rente, issue
des ressources minières, dont la
gestion est problématique. La rente
est un revenu sans contrepartie
assuré sans risque et sans effort.
Elle est contraire aux règles du
marché et de la concurrence et
s’oppose à l'acte production. La
rente induit des besoins en faisant
augmenter la demande ce qui fait
d’elle une des causes de l’inflation
et de l’augmentation des
importations qui font le bonheur des
partisans de «l’import-import» qui
doivent souhaiter que le pays ne
construise surtout pas d’usines de
‘substitution des importations’ !
Toutes les carences,
corruptions, négligences, impunités,
abus viennent de cette manne
pétrolière «bienfaitrice» et
«corruptrice», qui annihile
l’effort, pervertit les consciences
en encourageant les convoitises, la
collusion, la paresse et
l’incompétence ; génère des idées et
comportements abusifs et prédateurs.
D’où cette course folle et insolente
pour profiter à qui mieux mieux de
cette ‘ manne providentielle ‘: qui
pour ses projets improductifs , qui
pour des prêts souvent sans
remboursement, qui pour des salaires
mirifiques, qui pour des avantages
dont fiscaux, qui pour des
aménagements, réaménagements,
ré-ameublements couteux pour se
distinguer, qui dans le cadre de
lignes de crédits, qui pour des
prises en charge, missions ou soins
à l’étranger , qui pour des
dérogations afin d'échapper aux
taxations, qui pour des associations
«satellites», qui pour des terrains
à bâtir ou des logements ‘sociaux’
pour la revente, qui et qui…!
L’esprit rentier détruit les
valeurs humaines qui font le pacte
social. Il engendre l’immobilisme,
provoque la discrimination et
l’injustice, encourage l’informel.
Un État où l’économie informelle
domine est un État informel et non
de droit.
On se souvient d’une
intervention de l’ex PM. Ouyahia à
l’APN lorsqu’il avait fait observer
que l’Algérie n’avait pas « besoin
prioritairement de capitaux
étrangers », mais qu’elle était «
cruellement en manque de
savoir-faire, de technologie, de
management moderne et de partenaires
à même d’ouvrir demain d’autres
marchés à des productions en
association ». Qui peut les assurer
sinon les compétences toujours en «
jachère ».
C'est la raison pour
laquelle nos entreprises et
institutions restent instables en
donnant l'impression qu’elles n’ont
pas d'expérience, même si elles
existent depuis des dizaines
d’années ! Ces situations
n’existeraient pas, du moins dans
cette ampleur, si la rente
pétrolière ne constituait pas 95%
des revenus de l’Etat.
Il y a une réalité. Tant que
la rente supplante le travail, la
compétence et l’intelligence ; tant
que le système rentier dirige les
consciences, dicte les actions ;
tant que les responsables sentent
qu’ils le sont par favoritisme ;
tant que la duplicité et l’esprit
prédateur prédominent ; tant que des
dirigeants restent négligents et
préoccupés par la rente et son
partage ; tant que l’élite
compétente rechigne à prendre des
responsabilités, car se sentant un
faire-valoir, les pays qui y
dépendent ne sortiront pas de leurs
contradictions et de leurs
problèmes. Ils continueront à subir
les révoltes récurrentes, la fuite
éperdue des cadres et des jeunes,
les appréhensions vis-à-vis de la
chose publique, les abus de biens
publics, le manque de civisme et
d’insécurité, la méprise de
l’autorité, la restriction des
droits civiques, etc.
La valeur d’un homme se
reconnait dans sa science et sa
vertu et non dans sa richesse ou ses
pouvoirs d’influences souvent
éphémères. La force ou la puissance
d’un pouvoir se mesure à l’aune du
soutien que lui octroi son peuple,
dont ses élites compétentes, et non
par la protection volatile dont il
peut bénéficier de certaines forces
ou du semblant de sécurité que peut
procurer la rente.
DJERRAD Amar
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