Algérie, c'est parti :
La première manifestation contre le régime a eu lieu à Ghardaïa D. Benchenouf
Jeudi 10 février 2011
Ce fut un truisme, que de dire des Tunisiens qu’ils
étaient le plus doux, et le plus paisible des peuples du
Maghreb. Et qui ne se soulèveraient donc jamais contre le régime
qui les opprimait.
La révolution de Jasmin a culbuté ces idées toutes faites.
Puisque non seulement les Tunisiens purent chasser, tout seuls,
l’un des régimes les plus féroces du monde, mais ils allaient
devenir un exemple à suivre, pour tous les peuples de la région.
En Algérie, Il ne serait venu à l’idée de personne que les
Mozabites, musulmans Ibadites, réputés appartenir à une
communauté très fermée, et particulièrement paisible, puisse
entreprendre la moindre petite action contre le régime qui
opprime tous les Algériens.
Et voilà que ce sont ces Mozabites qui, de tous les
Algériens, sont les premiers à manifester contre le régime. Ah !
Ces idées reçues...
Grosse surprise, en réalité.
Pendant que le pouvoir magouillait des choses et d’autres, et
qu’il mettait en place tout un dispositif pour contrecarrer
toute manifestation à Alger, et dans les grandes villes
algériennes, c’est dans le sud du pays, au Sahara, à Ghardaïa,
plus précisément, que la première manifestation contre le régime
a éclaté !
Et comme de bien entendu, les médias algériens, et
particulièrement la Télévision, n’en ont soufflé mot. Idem pour
la presse étrangère, dont les correspondants à Alger étaient aux
abonnés absents. Pas une seule ligne ! Ni la moindre allusion.
Pourtant, ce qui s’est passé à Ghardaïa est bel et bien une
manifestation politique, avec banderoles et slogans. Et quels
slogans ! Puisque les manifestants ne réclamaient pas moins que
le ralliement de tout le peuple algérien, jusqu’à la chute
totale du régime.
Cette marche, symbolique à plus d’un titre, aura été la
première à avoir brisé cette lourde ambiance qui pèse sur tout
le pays, pendant des semaines. Et elle sera certainement un
signal, et un modèle, pour le reste du pays.
Un signal, parce que la chape de plomb a enfin été levée, que
la peur a été exorcisée, et un modèle, parce que cette marche a
été réellement exemplaire. A plus forte raison qu’elle a été
entreprise par les citoyens du M’zab, dont le civisme, le
pacifisme et la conscience politique sont autant de qualités
typiques de cette région.
Parfaitement bien organisés, brandissant des banderoles qui
appellent au changement, les manifestants ont clamé des slogans
qui ne laissent aucune place à une quelconque ambiguïté : «
Chaab yourid iskat ennidham »(Le peuple exige la chute du
régime), « En nidhal, en nidhal, hata yeskout ennidham
»(Militons, militons, jusqu’à la chute du régime).
Cette manifestation, qui s’est voulue résolument politique,
s’est déroulée dans le calme. Aucune dégradation du mobilier
urbain, ni la moindre violence n’ont été déplorées,
contrairement aux émeutes quelques peu violentes qui ont lieu à
Alger, il y a quelques semaines. Des manifestations qui ont vite
tourné à la jacquerie, faute d’organisation. Mais aussi, il faut
le dire, à cause d’agents provocateurs du DRS (Police politique
du régime), dont le rôle a toujours été, à chaque manifestation
de la rue, de pousser les jeunes émeutiers à la dévastation et
au pillage. Une méthode éprouvée, par le régime, pour créer une
peur panique au sein des populations, et s’ériger ainsi en
sauveur de la paix civile.
Rien de tel, dans cette manifestation des habitants du M’Zab.
Forte de centaines de manifestants, la marche s’est ébranlée
depuis La Cour de justice de Justice jusqu’à la prison de la
ville, et de celle-ci vers la Salle d’une Association, en
traversant plusieurs artères de la ville. Les services de
sécurité, venus en renfort, ne sont pas intervenus, et sont
restés à distance.
Après la manifestation, des débats ont été organisés par les
Docteurs Kamel Eddine Fekhar et Salah Eddine Sidhoum, tous deux
défenseurs des Droits de l’Homme, autour de la situation en
Algérie, et des actions qu’il sera nécessaire d’entreprendre
afin de hâter un changement radical et pacifique du régime, pour
l’avènement d’un Etat de Droit.
Bon augure pour l’Algérie où tout le monde est dans l’attente
d’une explosion annoncée, et dont on dit déjà qu’elle ne
s’apaisera qu’avec le départ de tout le régime. Mais où tout le
monde craint que le régime ne parvienne, comme à l’accoutumée, à
faire dégénérer le soulèvement populaire en chaos. Comme les
régimes de Tunisie et d’Egypte ont tenté de la faire dans ces
pays.
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