Un
peu de miséricorde pour nos prisonniers
Prisonniers
détenus depuis 15 ans et plus
dans les geôles de l’occupation sioniste
7
décembre 2006
Par Abdel Nasir Awni Ferwana,
ancien prisonnier et chercheur spécialiste de la question
des prisonniers
www.palestinebehindbars.org
Au cours des derniers mois,
on a beaucoup parlé de l’échange possible de
prisonniers, entre les organisations de la résistance
palestinienne et le gouvernement de l’occupation israélienne.
Depuis le 25 juin, en effet, jour de l’illustre opératin
« illusions dissipées » au cours de laquelle le
soldat israélien Gilad Shalit a été capturé, nous
suivons avec attention les nouvelles, oscillant entre un
espoir démesuré de voir enfin la fin du calvaire de
milliers de prisonniers palestiniens et arabes et entre
l’abattement, la fatigue et même le désespoir, du fait
des nouvelles reçues.
Notre espoir est justifié
par plusieurs causes : l’histoire contemporaine de la
révolution palestinienne a été le théâtre de nombreux
échanges de prisonniers, opérations commencées par le
FPLP le 23 juillet 1968, lorsqu’un groupe du Front, sous
la direction de Layla Khalid, avait attaqué un avion d’El
Al, transportant une centaine d’Israéliens, avant de se
diriger vers Alger, où un échange entre les passagers et
37 prisonniers lourdement condamnés s’est déroulé.
Au cours des nombreux échanges
menés entre les organisations de la résistance
palestinienne et le gouvernement de l’occupation israélienne,
des milliers de prisonniers arabes et palestiniens ont été
libérés.
Néanmoins, l’opération
d’échange « Galilée » menée le 20 mai 1985
entre le Front Populaire – Commandement Général et le
gouvernement de l’occupation, la plus célèbre, fut celle
qui a libéré le plus grand nombre de prisonniers, avec
1155 prisonniers appartenant à toutes les organisations et
les régions géographiques. L’échange a inclus le
militant internationaliste japonais Kozo Okamoto, des frères
arabes, des militants des régions occupées en 1948, de la
ville d’al-Quds ainsi que des camps de l’exil, de la
Cisjordanie et de la bande de Gaza. Tous les prisonniers libérés
avaient le droit de choisir leur destination géographique
après leur libération. De plus, la majorité des
prisonniers libérés avaient été condamnés à de lourdes
condamnations, entre la prison à perpétuité et des
dizaines d’années en prison, à cause de leur
participation à des opérations ayant occasionné des
pertes humaines dans les rangs de l’ennemi.
Depuis la capture du soldat
israélien Shalit, suscitant notre espoir, nous avons rêvé
le renouvellement de l’opération « Galilée »,
mais le temps qui passe sans nous apporter du nouveau
commence à nous lasser et à nous démoraliser. Et notre rêve
d’une autre opération « Galilée » commence
à s’envoler, pour plusieurs raisons : le rapport de
forces favorable au gouvernement de l’occupation lui
permet de s’entêter, de maintenir ses conditions injustes
envers nos prisonniers, et la multiplicité des déclarations
contradictoires de responsables palestiniens en sont les
principales, auxquelles il faut ajouter les nouvelles
contradictoires relayées par les médias.
Dans cette situation, nous
devons au moins accorder un peu de miséricorde à nos
prisonniers, et éviter de jouer avec leurs sentiments et
ceux de leurs familles. Les déclarations devraient être
unifiées, claires, véridiques, sans exagération ni surévaluation.
Il n’est pas important que
l’échange se déroule, ni que le nombre de prisonniers
soit une centaine, un millier ou plusieurs milliers,
l’important est de briser ce « veto » israélien
qui empêche la libération de prisonniers ayant résisté
au cours d’opérations ayant occasionné des pertes israéliennes,
avec tout le respect et la considération que nous devons
aux prisonniers et détenus, qui sont au nombre actuel de
11.000, dont plus de 2000 citoyens et des dizaines de députés
et ministres arrêtés, depuis la capture du soldat Shalit.
Depuis cette opération,
l’administration carcérale de l’occupation mène une
campagne de violence inouïe mais silencieuse, loin des médias,
occupés par la situation régionale. Cette campagne
vise tous les aspects de leur vie, leur humanité, leur
dignité, leur quotidien. Les prisonniers sont privés de
tout, des médicaments et des soins, des visites familiales,
et même de leur vie en commun et de leur déplacement à
l’intérieur des sections. De nombreux prisonniers ont été
isolés, dans des cellules individuelles ou collectives.
C’est ce qui m’amène à
lancer un appel à l’ensemble de notre peuple, à
redoubler d’efforts et d’attention pour mettre en avant
leur situation et leurs souffrances, en exigeant leur libération
dans tous les médias et toutes les tribunes, locales,
arabes et internationales. Et tous ceux qui demandent la libération
du soldat israélien Shalit doivent savoir que des milliers
de Palestiniens meurent lentement dans les prisons de
l’occupation israélienne. Nous devons faire entendre
leurs cris et montrer les images de leur calvaire.
Puisque nous parlons de l’échange,
je ne puis taire ma préférence pour la libération
prioritaire des anciens prisonniers, pour plusieurs raisons,
la principale étant que j’ai personnellement vécu
l’expérience, je suis un des fils de prisonniers dont le
père a été libéré après avoir passé 15 ans en prison,
dans le cadre d’une opération d’échange, en 1985, et
je connais exactement la situation douloureuse des
prisonniers et de leurs familles.
Aujourd’hui, l’occasion
se présente à ceux qui détiennent Shalit, ceux qui ont
courageusement agi pour faire libérer ceux que le processus
politique et les organisations palestiniennes n’ont pu
faire, pour mettre en avant les anciens prisonniers, détenus
avant les accords d’Oslo (367 prisonniers) ou au moins
tous ceux qui ont passé plus de 15 ans en prison, sans
exception (181 prisonniers). Il faut empêcher le
gouvernement de l’occupation d’exclure chacun de ces
prisonniers sous le prétexte de sa nationalité, de son
lieu de résidence, ou de l’accusation pour laquelle il a
été arrêté ou l’organisation à laquelle il
appartient. Il leur suffit d’avoir passé toutes ces années
derrière les barreaux. Certains d’entre eux ont passé
plus de leur moitié de leur vie en prison, certains y sont
enfermés depuis plus d’un quart de siècle… Et j’ai
grande confiance en ceux qui ont capturé le soldat, en ceux
qui mènent les négociations, qui s’accrocheront à leurs
conditions.
Comme les autres, je rêve au
retour de ces prisonniers, dans leurs maisons et à leurs
familles, où ils pourront vivre et rencontrer leurs
proches, sans barreaux ni entraves, où ils pourront voir le
soleil sans barreaux ni barbelés.
Plus de cinq mois sont passés,
cinq mois aussi longs que les années, pour les prisonniers,
qui attendent la victoire et la fin du calvaire de milliers
de prisonniers, voire de dizaines de milliers de personnes,
si l’on ajoute les familles et les proches.
Je
crains, que Dieu nous en garde, que les espoirs et les
promesses ne s’évanouissent.
Et même
si cela était, les rêves vont demeurer, les prisonniers
resteront la cause, ceux qui sont debout, résistants, derrière
les barreaux, toujours fidèles et armés de l’espoir,
vivants mais souhaitant le martyre pour la cause de Dieu.