Opinion
Le G8 appelle à
des pourparlers de paix afin de fournir
une couverture aux préparatifs de guerre
américains contre la Syrie
Chris
Marsden
© RIA
Novosti. Aleksei Nikolski
Jeudi 20 juin 2013
Le plan en cinq points pour la Syrie,
préparé pour le sommet du G8 par le
premier ministre britannique David
Cameron, s'avère être un plan qui n'a
pas vocation à être appliqué.
Le 39e sommet du G8
a rassemblé le président américain
Barack Obama, le président russe
Vladimir Poutine, la chancelière
allemande Angela Merkel, le premier
ministre japonais Shinzo Abe, le
président français François Hollande, le
premier ministre italien Enrico Letta,
le premier ministre canadien Stephen
Harper, le président de l'Union
européenne Herman van Rompuy et le
président de la Commission européenne
José Manuel Barroso.
Cameron a passé
deux jours entiers à mettre le maximum
de pression sur Poutine pour qu'il signe
la demande de démission du président
syrien Bashar el-Assad comme condition
préalable à tout accord négocié sur la
fin de la guerre civile sanglante dans
le pays. Cela serait nécessairement
rejeté par le régime syrien, lui ferait
boycotter un sommet qui est proposé à
Genève, ce qui serait par la suite
utilisé comme prétexte pour une
intervention militaire complète.
Il était également
espéré que la résolution comprendrait
des dénonciations de l'usage des armes
chimiques, y compris les assertions sans
preuve que les forces syriennes s'en
étaient servies. Le gouvernement Obama a
employé la technique du «gros mensonge»,
citant les accusations d'utilisation par
la Syrie de telles armes pour affirmer
qu'Assad avait franchi une «ligne
rouge,» qui justifierait la décision de
Washington de commencer à envoyer
ouvertement des armes à l'opposition
syrienne.
La Russie rejette
l'affirmation que des armes chimiques
ont été utilisées et a demandé à voir
les preuves sur lesquelles s'appuient
les États-Unis. Un autre point proposé
était un engagement à s'opposer aux
opérations des éléments liés à Al-Qaïda
en Syrie. Ce point était inclus pour
prendre en considération les inquiétudes
sur le fait que l'opposition est dominée
par des forces islamistes djihadistes.
Ce plan proposait
en outre «une planification dès le
premier jour» pour une transition vers
un nouveau gouvernement ayant un pouvoir
exécutif.
Le refus de Poutine
d'accéder à ces demandes a fait échouer
la machination préparée par Cameron et
Obama, mais il ne fera rien pour arrêter
les préparatifs de guerre qui sont déjà
en cours.
Le communiqué du G8
demande des pourparlers de paix dès que
possible, mais ne mentionne pas le sort
d'Assad. Bizarrement, il appelle tant
les autorités syriennes que l'opposition
à s'engager à la destruction de toutes
les organisations affiliées à Al-Qaïda.
Avant le sommet,
Cameron a rencontré Poutine au 10,
Downing Street, où le premier ministre
russe a dénoncé la décision américaine
d'armer l'opposition syrienne. Une
réunion avec Obama a été tout aussi
glaciale.
La Maison-Blanche a
annoncé vendredi soir qu'elle fournirait
des armes au Conseil militaire suprême
de l'opposition syrienne, ayant
déterminé «avec un haut degré de
certitude» que les combattants d'Assad
avaient utilisé du gaz neurotoxique
sarin. Avant de se rendre au sommet de
Lough Erne en Irlande du Nord, Obama a
fait des entretiens télévisés pour
dissimuler la réalité du fait que les
États-Unis vont armer des islamistes
affiliés à Al-Qaïda et d'autres groupes
du genre qui mènent une guerre sectaire
brutale en Syrie.
Obama a rejeté les
comparaisons avec l'Irak sans expliquer
pourquoi, insistant au contraire pour
dire que «Le fait est que nous avons des
intérêts sérieux là-bas [en Syrie] […]
Nous ne pouvons avoir une situation de
chaos qui perdure dans un pays important
qui est frontalier d'un pays comme la
Jordanie, qui est lui-même frontalier
d'Israël. Et nous avons un besoin
légitime de nous engager et d'être
impliqués.»
«Nous ne prenons
pas partie dans une guerre de religion
entre chiites et sunnites,» a-t-il
affirmé.
En fait, les
États-Unis sont responsables d'avoir
délibérément attisé une guerre civile
sectaire, et ils se servent maintenant
des morts et du chaos qu'elle a
provoqués comme prétexte pour intervenir
militairement.
Faisant une
critique explicite de Moscou, Obama a
ajouté, «Assad, à ce stade – en partie
en raison du soutien de l'Iran et de la
Russie – croit qu'il n'a pas à s'engager
dans une transition politique, il croit
qu'il peut tout simplement continuer à
réprimer par la violence plus de la
moitié de la population.»
Le président
américain n'a pas pu expliquer comment
Assad est censé s'engager dans une
transition politique alors même qu'il va
en être exclu.
Obama et Poutine se
sont rencontrés pendant une heure lundi,
leurs premiers pourparlers en face à
face depuis un an, et ont tenu une
conférence de presse après. «Bien sûr
nos opinions ne coïncident pas,» a dit
Poutine, pendant qu'Obama notait que lui
et Poutine avaient «des perspectives
divergentes sur la Syrie.»
Ce soir-là, Cameron
a organisé un dîner privé pour les chefs
de gouvernement uniquement, soi-disant
pour permettre à tout le monde de parler
franchement. Cependant, l'atmosphère
était sans aucun doute ternie par les
révélations du lanceur d'alerte de la
NSA Edward Snowden qui a dit que la
Grande-Bretagne espionne
systématiquement tous ceux qui
participent à de telles conférences.
Cameron avait
menacé qu'à moins que Poutine n'accepte
son plan en cinq points, les sept autres
membres du G8 feraient leur propre
déclaration. Mais les responsables
russes ont clairement dit qu'il n'y
aurait aucun accord substantiel.
Le vice-ministre
des Affaires étrangères Sergei Ryabakov
a dit plus tôt que la Russie avait
refusé d'accepter une quelconque mention
du sort d'Assad dans le communiqué.
«Cela ne serait pas seulement
inacceptable pour les Russes, mais nous
sommes convaincus que ce serait
totalement faux, dommageable et
modifierait complètement l'équilibre
politique,» a-t-il dit.
Le ministre des
Affaires étrangères Sergei Lavrov,
s'exprimant depuis le Koweït, a dit,
«Nous sommes catégoriquement contre […]
les déclarations que la conférence
devrait être une sorte d'acte de
capitulation politique de la part de la
délégation du gouvernement [Syrien]
suivie d'une passation du pouvoir à
l'opposition.»
Donnant une idée de
l'intensité des tensions, Hollande a
déclaré publiquement, «Comment peut-on
admettre que la Russie continue de
livrer des armes au régime d'Assad alors
que l'opposition n'en reçoit que très
peu – et se fait massacrer ?»
Après une dernière
session non prévue sur la Syrie mardi,
au prétexte de discuter du
contre-terrorisme, le communiqué final
dilué a été publié. La Russie et les
États-Unis ont ainsi officiellement
accepté de se rendre à des pourparlers
de «paix» à Genève le mois prochain,
bien que la plupart des commentateurs
disent qu'ils s'attendent à présent à ce
qu'il n'y ait aucune réunion avant au
plus tôt le mois d'août.
Le Guardian
a cité des sources britanniques disant
que Poutine aurait affirmé en privé
qu'il n'avait aucun engagement personnel
envers Assad et accepterait un
gouvernement de transition sans lui,
tant qu'il n'y aurait aucun vide
politique au pouvoir et que le
gouvernement comprenait des
représentants de confiance du régime
actuel et de son armée. Quoi que Poutine
ait dit ou non, ceci un appel tacite à
un coup d'État pour déposer Assad tout
en préservant le régime bassiste.
Quoi qu'il advienne
par la suite sur le front diplomatique,
les choses vont se poursuivre rapidement
sur la scène militaire. Washington
s'engagera dans une discussion sur le
type d'armes et d'autres mesures
nécessaires pour «faire pencher la
balance» en faveur des opposants d'Assad.
Obama va présenter
les envois d'armes sous les termes les
plus anodins – de petites armes qui ne
sont «pas à la hauteur» de l'armement
sophistiqué de l'armée syrienne, alors
même que la France s'associe à l'Arabie
saoudite pour apporter aux prétendus
«rebelles» des missiles anti-aériens
MANPADS de la classe Mistral, ainsi que
des armes antichars.
Obama va en outre
continuer à questionner publiquement
l'efficacité d'une zone d'exclusion
aérienne, alors même que l'on en prépare
une activement.
Les États-Unis
étudient déjà la possibilité d'établir
une zone d'exclusion aérienne en Syrie,
proche de la frontière sud avec la
Jordanie, d'après deux diplomates
occidentaux de haut rang en Turquie et
un troisième dans la région. Samedi, les
États-Unis ont confirmé que le ministre
de la Défense Chuck Hagel avait approuvé
une demande jordanienne que les
chasseurs F-16 et les missiles Patriot
restent dans le pays après un exercice
militaire conjoint cette semaine. Des
batteries de missiles Patriot ont déjà
été stationnées à la frontière turque.
Pour leur part, les
gouvernements de Cameron et de Hollande
vont entamer leurs propres discussions
sur la question de savoir si le
Royaume-Uni et la France se joindront
aux États-Unis dans leurs envois
officiels d'armes à l'opposition.
La guerre contre la
Syrie est refusée par la grande majorité
des travailleurs aux États-Unis et en
Europe. 70 pour cent des Américains
s'opposent à l'armement de l'opposition,
d'après l'institut Pew Research, tandis
que 17 pour cent seulement des
Britanniques soutiennent l'initiative
américaine. Mais la guerre va continuer
à être préparée à l'insu des peuples
pour que les grandes puissances puissent
se partager entre eux les pays riches en
pétrole du Moyen-Orient.
(Article original
paru le 19 juin 2013)
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Publié le 20 juin 2013 avec l'aimable
autorisation du WSWS
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dossier Syrie
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