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L'EXPRESSIONDZ.COM
FIDEL
CASTRO
Un sacerdoce pour la dignité humaine
Pr Chems Eddine Chitour
Fidel Castro - Photo RIA Novosti
28
février 2008 «Chaque année
meurent 80.000 enfants victimes de maladies curables. Aucune d´elles
n´est cubaine.» - «Cette nuit encore, 200 millions d´enfants
dormiront dans les rues du monde: Aucune n´est cubaine.»
Affiches à l´entrée de La Havane Il est généralement
admis que le point de départ de la Révolution cubaine est le 26
juillet 1953, lorsqu´une centaine de guérilleros mal armés ont
attaqué la Caserne de Moncada. En janvier 1959, Fidel Castro
entra triomphalement à Santiago de Cuba. Le gouvernement des
Etats-Unis reconnut immédiatement le nouveau gouvernement révolutionnaire
cubain. Le 17 avril, Fidel Castro se rend aux Etats-Unis où il
rencontre le vice-président Richard Nixon. Il demande aux
Etats-Unis de faire pour l´Amérique latine ce qu´ils ont fait
pour l´Europe avec le plan Marshall. En 1991 alors que les
Cubains souffrent de la pénurie de pétrole, autrefois fourni par
l´URSS, les Etats-Unis renforcent le blocus en adoptant en 1992
la loi Torricelli, au moment où l´île s´ouvre au tourisme et
accueille 500.000 visiteurs étrangers.
Malgré toute la propagande impérialiste américaine relayée en
Europe, Cuba reste un exemple de réussite sociale. Certes, tout n´est
pas rose, loin s´en faut. Ce qu´il y a de sûr c´est que le
peuple cubain avance, il bâtit son futur, doucement mais sûrement.
Je garde toujours en mémoire l´image de Castro et du Che torse
nu en train de couper de la canne à sucre. Dans les principaux
domaines de l´éducation, la culture, la santé, Cuba est citée
en exemple. "Etre cultivé est la meilleure manière d´être
libre", disait le révolutionnaire José Marti. Le système d´éducation
cubain vise à la formation de citoyens solidaires et
responsables, respectueux de leurs semblables, épris de paix et
des droits de l´homme. En 1953, l´île ne comptait que 6,5
millions d´habitants; plus de deux millions d´adultes étaient
analphabètes complets ou fonctionnels. L´enseignement du premier
cycle du secondaire ne touchait que la moitié de la population
scolaire. Cuba a pris des mesures capitales pour garantir l´accès
de tous à tous les niveaux d´enseignement, sans distinction ou
discrimination d´âge, de sexe, de couleur de la peau, de niveau
de revenus familiaux, de religion, d´opinion ou d´idées
politiques ou de lieux de résidence. Ainsi, Cuba a largement dépassé
les objectifs que l´Unesco a fixés à la communauté
internationale pour 2015, cette organisation des Nations Unies l´ayant
d´ailleurs reconnue comme l´un des quatre pays au rendement éducationnel
le plus élevé au monde. Fidel Castro a proposé un programme d´alphabétisation
universel qui permettrait en douze ans d´alphabétiser puis de
faire faire des études primaires à 1,5 milliard d´analphabètes
et de semi-analphabètes dans le monde. Dans la classification des
pays en grands groupes du Pnud en 2005, Cuba fait partie des 57
pays ayant un développement humain élevé. Développement humain
élevé (IDH > 0,800) (classé 52e avant des pays de l´Union
européenne ou même le Mexique). A titre d´exemple, l´Algérie
est classée 105e! (IDH moyen)
Un pays transformé
Il existe un téléviseur par salle de classe, un magnétoscope
pour cent élèves et 24.000 ordinateurs dans le primaire. On
commence à enseigner l´informatique dès la maternelle. La
"municipalisation" de l´enseignement supérieur a
permis d´atteindre un record d´inscription, 380.000 étudiants,
dont 233.011 suivent les cours des 938 collèges universitaires.
En 2003, le personnel consacré aux sciences et au développement
technologique du pays se montait à 78.497, dont 6965 docteurs en
sciences, soit presque 700 pour 100.000 habitants. Les Foires du
livre de 2002 à 2004, ont accueilli 9.500.000 visiteurs qui ont
acheté plus de 15.000.000 d´exemplaires à des prix modiques,
bien meilleur marché que dans n´importe quel autre pays au
monde. Cuba compte un vaste réseau d´institutions culturelles de
base, d´un bout à l´autre du pays, dont 370 librairies, 400
bibliothèques publiques, 290 musées. Si Cuba a accédé tard à
Internet, c´est parce que le gouvernement étasunien a bloqué
jusqu´en mai 1994 l´accès des Cubains aux sites correspondants.
L´on sait que l´administration d´Internet est sujette aux
autorités des USA, puisqu´elle est inscrite sous leur législation
nationale.
Depuis 1962, Cuba s´est engagée à soigner les pauvres à
travers la planète. Près de 132.000 médecins cubains ont oeuvré
bénévolement dans 102 pays. En 2004, Fidel Castro a lancé l´Opération
Miracle qui a permis à plus d´un million de personnes de 28 pays
atteintes de maladies oculaires, y compris des citoyens états-uniens,
de recouvrer la vue. Ironie de l´histoire, le sergent bolivien
chargé de l´exécution du Che a retrouvé la vue s´étant fait
soigner par un médecin cubain. Cuba a atteint depuis 1983 les
objectifs de Santé pour tous définis par l´Organisation
mondiale de la santé (OMS). Cuba compte 68.927 médecins, et
149.708 personnels infirmiers et paramédicaux. Pour Selim
Lamrani, "Fidel Castro a marqué à jamais l´histoire
cubaine. En un demi-siècle, il a transformé son pays tyrannisé
par la dictature de Fulgencio Batista et le joug états-unien en
une nation indépendante respectée dans le monde entier pour son
irrévérence, son courage et son altruisme. Malgré l´acharnement
cruel dont elle a été victime depuis 1959, malgré les sanctions
économiques inhumaines qu´elle subit, Cuba a réussi à se libérer
des affres du sous-développement grâce à son leader politique,
historique et spirituel. Tous les organismes internationaux, des
Nations unies à la Banque mondiale, sont unanimes pour reconnaître
que la population de l´île est la seule du tiers-monde à avoir
atteint un niveau de développement humain comparable à celui des
pays les plus avancés. Cuba dispose de l´espérance de vie la
plus élevée et du taux de mortalité infantile le plus bas du
tiers-monde (plus bas même que celui des Etats-Unis). L´Unicef
certifie que Cuba est l´unique nation d´Amérique latine à
avoir éradiqué la dénutrition infantile".(1)
Enfin, le sport cubain est un exemple pour le monde. Qui n´a pas
entendu parler d´Alberto Juantorena, athlète cubain, courant sur
400 m et 800 m. Surnommé El Caballo ("le cheval"), il
devient, après ses premiers Jeux Olympiques disputés en 1972 à
Munich, le numéro 1 mondial du 400 m à partir de 1974. De même
Soto Mayor fut champion olympique de saut en hauteur avec une
barre mythique 2,45 m jamais égalée, le 27 juillet 1993 à
Salamanque (Espagne).
Le blocus a été sans conteste un frein. Le 3 février 1962, le
président Kennedy émit la Proclamation 3447 portant embargo
total du commerce avec Cuba et instruisant le département du Trésor
d´appliquer la prohibition d´exporter vers notre pays. C´est là,
le début officiel du blocus appliqué à Cuba qui, on l´a vu,
avait débuté bien avant. Le 6 mai 2004, le président Bush a
approuvé dans sa totalité le Rapport de la Commission for the
Assistance to a Free Cuba, soit quatre cent cinquante pages de
recommandations et de propositions de nouvelles mesures visant à
liquider la Révolution cubaine et à instaurer dans l´île un régime
fantoche sous le contrôle absolu des Etats-Unis. Une évaluation
économique préliminaire indique que les dommages directs infligés
au peuple cubain par ce blocus arrivent à 80 milliards de dollars
Comme l´écrit Janette Habel: "Alors qu´un embargo imposé
par les Etats-Unis gêne considérablement la vie économique à
Cuba, la nouvelle loi Helms-Burton, votée à Washington, en
aggrave les effets. D´autant que les Européens semblent plus ou
moins se rallier aux thèses américaines de harcèlement du régime
de M.Fidel Castro. Paradoxalement, c´est à travers un
rapprochement avec le Vatican et l´Eglise catholique locale que
La Havane cherche à briser son isolement. Cette décrispation,
dont les conséquences sont encore difficiles à évaluer,
favorisera-t-elle une nécessaire ouverture politique et une amélioration
des conditions de vie de la population? La visite en Europe de l´envoyé
spécial américain, M.Stuart Eizenstat, a en effet permis de
satisfaire aux exigences de Washington: la coopération européenne
avec Cuba est désormais subordonnée "à l´amélioration de
la situation en matière de droits de l´homme". Après avoir
dénoncé les violations du droit international et les visées hégémoniques
américaines, l´Union européenne (UE) s´est en effet ralliée
à Washington".
"Mais comment, poursuit-elle, interpréter ce recul des Européens,
notamment de la diplomatie française, qui critique depuis
longtemps l´"inefficacité" de l´embargo et dénonce
les "ambitions hégémoniques" de Washington? Le régime
de M.Fidel Castro ne constitue plus une menace pour les
Etats-Unis, alors que "l´Iran et la Libye sont soupçonnés
d´entraîner des terroristes ayant tué des Américains à l´étranger",
constate un politologue. Mais Cuba se trouve à moins de 200 kilomètres
des côtes américaines et reste soumise aux intérêts géopolitiques
de Washington. Le rapprochement euro-américain intervient alors
que Cuba a connu, en 1996, un certain redémarrage économique.
Tous les observateurs s´accordent à reconnaître que l´effondrement
qui menaçait a été endigué."(2)
Malgré l´acharnement de l´Europe qui ne fait que suivre les
Etats-Unis dans sa haine de Cuba, Cuba jouit de la considération
du reste du monde. Même l´Assemblée générale de l´ONU dénonce
cet embargo imposé à Cuba par les Etats-Unis depuis 1962. Ainsi,
le 12 novembre 2007, l´Assemblée générale a adopté le projet
de résolution avec l´appui de 184 pays, l´opposition des
Etats-Unis, d´Israël. C´est la seizième fois consécutive.
"Conformément à la résolution adoptée, les délégations
ont dénoncé des sanctions qui vont à l´encontre des principes
d´égalité souveraine des Etats, de la non-intervention et de la
non-ingérence dans leurs affaires intérieures et de la liberté
du commerce et de la navigation internationaux, tous prévus par
la Charte des Nations unies et le droit international"
"Pendant que la presse capitaliste, écrit Altamiro Borges,
et ses mercenaires" rastaquouères "appellent de leurs
voeux la mort de Fidel et spéculent sur le retour du capitalisme
à Cuba, des intellectuels plus rigoureux tentent d´analyser les
effets de la décision du leader cubain de ne pas briguer la présidence
du Conseil d´Etat. Ainsi que l´a précisé Hugo Chavez, président
du Venezuela et son ami intime,"Fidel ne renonce pas et n´abandonne
rien. Comme il l´a affirmé, il entend jouer un autre rôle dans
la bataille de la Révolution cubaine et dans celle de l´Amérique
latine. Il sera toujours sur le front. Des hommes comme Fidel ne
se mettent jamais en congé." Dans le même ordre d´idées,
Ignàcio Ramonet, directeur du Journal Le Monde Diplomatique, dénonce
les spéculations de la réaction. "La longue et
extraordinaire carrière politique de Fidel Castro arrive à son
terme, du moins en ce qui concerne la Présidence. Mais son énorme
influence restera présente et vivante...Il ne peut y avoir de
remplaçant à Fidel. Pas seulement pour ses talents de leader,
mais parce que les circonstances historiques ne seront plus jamais
les mêmes. Il a tout connu, depuis l´avènement de la Révolution
cubaine jusqu´à la chute de l´URSS avec des décennies d´affrontement
avec les USA. Le fait qu´il se retire encore en vie ne peut que
contribuer à une transition pacifique". "Il transmet
les responsabilités à une équipe qui a fait ses preuves et en
laquelle il a toute confiance. Cela ne saurait entraîner des
changements spectaculaires." Pour le journaliste américain
Jon Lee Anderson, "le retrait formel de Fidel marque la fin d´une
époque. Mais pas celle du socialisme ni même du
"Fidelisme". Nous entrons simplement dans une ère plus
nuancée."(3)
Un miracle de longévité
Le Lider Maximo a officiellement renoncé au pouvoir à La Havane,
à l´âge de 81 ans. Un "miracle" de longévité. Fidel
a finalement survécu à 10 présidents américains. Castro
affirme lui-même que les Américains ont "contribué à ma légende".
C´est, dit-il, l´échec du débarquement de la baie des Cochons
par John Kennedy en 1961 qui a fait de lui un héros international
de "l´anti-impérialisme" On connaît son aversion pour
l´argent, et son goût pour les sports (il s´en est fallu de peu
qu´il ne devienne joueur professionnel de base-ball aux
Etats-Unis). La recette préférée du Chef est le spaghetti aux
fruits de mer: "L´assaisonnement: uniquement du beurre, de l´ail
et du citron, un bon repas doit être simple." Il aime le bon
vin, raffole de la crème glacée et des cigares. Gabriel Garcia
Marquez, dira de lui qu´il est l´"un des rares Cubains qui
ne chantent ni ne dansent".
Parmi les candidats aux élections aux Etats-Unis, Barack Obama déclare:
"Je soutiens une éventuelle normalisation et c´est
absolument vrai que je pense que notre politique (sur Cuba) a été
un échec", John McCain a affirmé: "J´espère qu´il
aura l´occasion de rencontrer Karl Marx très vite." Dans le
même ordre d´idées du mépris de la dignité humaine par un
capitalisme arrogant sans état d´âme, on apprend que depuis
plus de dix ans, un petit fonds d´investissement américain
fluctue en fonction de la santé du Lider Maximo. Le 19 février,
à l´annonce de la retraite définitive de Castro, il a gagné
pas moins de 17 points!
En définitive, pour s´être chaque fois battu au nom de la
dignité humaine, le doyen absolu des contestataires de l´ordre
américain est désormais assuré d´avoir marqué l´histoire de
son pays par une capacité de survie politique sans pareille,
malgré toutes les opérations de déstabilisation américaines. L´arrivée
au pouvoir de la génération de la relève politique latino-américaine
- Hugo Chavez au Venezuela, Evo Morales en Bolivie, Lulla au Brésil
et Michelle Bachelet au Chili -, apparaît ainsi comme l´ultime
camouflet infligé à l´hégémonie américaine par l´ancien
barbudos de la Sierra Maestra. La revanche de tous les suppliciés
de la répression américaine de Che Guevara à Salvadore Allende
à Camillo Torres. A de multiples égards, Castro a été fidèle
à son peuple et a opposé une volonté de résistance pendant près
d´un demi-siècle. (*) Ecole nationale
polytechnique
1.Salim Lamrani: L´oeuvre de Fidel Castro. The
Times (Londres), 20 février 2008
2.Janette Habel: La Havane sous la pression de la loi
Helms-Burton: miser sur l´Eglise pour sauver la révolution
cubaine? Le Monde Diplomatique février 1997.
3.Altamiro Borges. 25 février 2008. Fidel Castro et l´avenir de
Cuba. Droits
de reproduction et de diffusion réservés © L'Expression
Publié le 29 février 2008 avec l'aimable autorisation de l'Expression
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