Opinion
Le second mandat
d'Obama :
Plus de justice dans le monde ?
Chems
Eddine Chitour
Le Pr
Chems Eddine Chitour
Jeudi 24 janvier 2013
«The dollar is our
currency and your problem» («Le dollar
est notre devise et votre problème»).
John
Connally ancien secrétaire américain au
Trésor
Avec une mise en scène hollywoodienne,
Barack Hussein Obama a prêté serment
pour un second mandat. Il a répété lundi
les 35 mots du serment présidentiel
devant le président de la Cour suprême,
John Roberts. Lundi, M.Obama a levé la
main droite et posé la gauche sur deux
Bibles: celle d'Abraham Lincoln, sauveur
de l'Union et émancipateur des esclaves,
et celle de Martin Luther King dont,
coïncidence, la mémoire est honorée
lundi aux Etats-Unis. Le président
américain est le seul chef d'État d'un
pays frappé par la crise à réussir à se
faire réélire. Cette victoire repose sur
plusieurs raisons: l'économie, la
relance discutable de l'énergie non
conventionnelle et son indéniable
capital sympathie.
Petit
rappel du discours de victoire de
novembre 2012
«La démocratie, déclare le président
Obama, dans un pays de 300 millions
d'habitants, peut être bruyante,
désordonnée et compliquée. Nous avons
tous nos opinions. Chacun d'entre nous a
des croyances profondes. Et quand les
temps sont durs, quand notre pays doit
prendre de grandes décisions, cela
attise nécessairement les passions, cela
entraîne des controverses. Mais malgré
toutes nos différences, la plupart
d'entre nous partageons certains espoirs
quant à l'avenir de meilleures écoles et
aux meilleurs professeurs. Un pays qui
se montre à la hauteur de son héritage
de leader en technologies, innovations
et découvertes, avec les emplois
qualifiés et les nouvelles entreprises
qui en découlent.»(1)
Abordant le chapitre de l'avenir, il
déclarait urbi et orbi: «Nous voulons
que nos enfants grandissent dans une
Amérique débarrassée du fardeau de la
dette, qui ne soit pas affaiblie pas les
iniquités, qui ne soit pas menacée par
les puissances destructrices d'une
planète qui se réchauffe. Nous voulons
léguer un pays sûr, respecté et admiré
dans le monde, une nation défendue par
la plus grande puissance militaire
mondiale et composée des meilleures
troupes qui soient. Mais également un
pays qui entend sortir de cette période
de guerre, afin de façonner une paix
fondée sur les promesses de liberté et
de dignité pour chaque être humain. Nous
croyons en une Amérique généreuse, une
Amérique compatissante, une Amérique
tolérante, ouverte aux rêves d'une fille
d'immigrants qui étudie dans nos écoles
et prête serment sur notre drapeau.
Ouverte aux rêves d'un jeune homme
vivant dans le sud de Chicago et qui
pense qu'il y a une vie au-delà du coin
de la rue, voilà le futur que nous
voulons. Voilà la vision qui nous
réunit. Voilà vers quoi nous devons
tendre -vers l'avant. Voilà où nous
devons aller.(...)(1)
Le président Obama vante ensuite, la
libre entreprise et le rêve américain:
«Ce pays dispose davantage de richesses
que tout autre nation, mais ce n'est pas
ce qui fait notre fortune. Nous avons
l'armée la plus puissante de toute
l'histoire, mais ce n'est pas ce qui
fait notre force. Nos universités, notre
culture suscitent l'envie du monde
entier, mais ce n'est pas ce qui pousse
le monde à aborder en permanence sur nos
rives. (...) Je crois que nous sommes
capables de tenir la promesse de nos
fondateurs, cette idée que si vous avez
la volonté de travailler dur, peu
importe qui vous êtes ou d'où vous venez
ou votre apparence ou qui vous
aimez.(...) Nous sommes plus grands que
la somme de nos ambitions individuelles,
et nous sommes encore davantage qu'un
assortiment d'Etats rouges et d'Etats
bleus. Nous sommes, et serons toujours
les Etats-Unis d'Amérique».(1)
On ne peut qu'adhérer à cette vision
généreuse de la finalité de l'existence
humaine, sauf que la réalité est amère
pour ceux qui ne sont pas Américains et
même pour les Américains qui ne sont pas
nés au bon endroit et au bon moment.
Certes, la plus grande réussite du
président Obama a été la politique
médicale qui a permis de sauver des
dizaines de millions d'Américains, mais
à côté de cela combien d'Américains ont
encore faim? Combien d'hommes et de
femmes dans le monde souffrent des
conséquences tragiques des guerres qui
ont impliqué directement ou
indirectement les Etats-Unis?
Compte tenu de la crise économique, la
réélection de Barack Obama est un
véritable tour de force. Le président
américain a toutefois pu compter sur une
récente embellie. À quelques semaines de
l'élection, l'annonce des chiffres du
chômage lui a été favorable. Avec 7,8%
de chômeurs en septembre, les États-Unis
enregistrent le taux le plus faible
depuis janvier 2009.
Des chiffres qui ont redonné le moral
aux Américains. Lors de sa campagne
électorale, Barack Obama a su tirer
profit des réussites de ses quatre
années passées à la Maison-Blanche. Sa
mesure phare est sans conteste la
réforme du système de santé. En 2010, il
a réussi à faire voter une loi qui
permet à 32 millions d'Américains
supplémentaires d'accéder à une
couverture maladie. Le plan de sauvetage
de l'automobile, qui a permis d'éviter
la disparition de Chrysler et de General
Motors en 2009, a également été un
important argument de campagne: «Bin
Laden est mort mais General Motors est
vivant.» Barack Obama a su utiliser son
image jeune et dynamique. Quelques jours
avant le scrutin, il est aussi apparu en
président actif après le passage de
l'ouragan Sandy. Mais le président
sortant a surtout su mobiliser un
électorat décisif: les jeunes, les
femmes et les Latinos.
Du côté de l'économie, Nouriel Noubini,
l'un des économistes les plus influents
du monde, s'exprimait à Paris ce 22
janvier, sur la situation des
Etats-Unis. A la question: ´´Les
Etats-Unis sont-ils en déclin? Je dirais
que par rapport à d'autres économies
avancées, ils se portent plutôt
mieux.(...) De plus, la croissance de la
production est plus robuste. Les
Etats-Unis ont un problème budgétaire
c'est vrai, ils ne font pas assez
d'efforts pour réduire leur déficit,
mais, là encore, la situation en Europe
et au Japon est plus grave. Certes, par
rapport à la Chine qui sera la plus
grande économie du monde dans dix ou
vingt ans, on pourrait dire que les
Etats-Unis sont en déclin. Mais pour
l'instant, quel pays va exploiter les
industries d'avenir -les
biotechnologies, les nouveaux
combustibles, le Web 3.0, etc.? Les
Etats-Unis sont un des pays qui innovent
le plus dans l'économie mondiale.´´ (2)
Les
promesses non tenues
Il est vrai que Barack Obama s'est
imposé sur la scène de la politique
internationale. Même si son prix Nobel
de la paix obtenu en 2009 a été
critiqué, il a tenté d'améliorer l'image
des États-Unis à travers le monde. Le
président démocrate peut aussi ajouter à
son crédit en mai 2011 l'ennemi public
numéro un des États-Unis, Oussama Ben
Laden, qui a été éliminé ainsi que le
retrait des troupes américaines d'Irak
et d'Afghanistan.
Pourtant, le discours du Caire prononcé
en 2009 est apparu comme une véritable
main tendue vers le monde musulman. Ce
discours intitulé «Un nouveau départ»
(«A New Beginning»), était destiné à
améliorer les relations américaines avec
les musulmans. Obama a mentionné son
souhait de voir le Proche-Orient sans
nucléaire militaire et de discuter avec
l'Iran à propos de son programme
nucléaire. Ses critiques à l'égard
d'Israël sur la question palestinienne
mettent une pression considérable sur le
gouvernement Netanyahu. Le discours ne
présente cependant aucun point concret.
Pour Noam Chomsky, ce discours ne
traduit aucun changement dans la
politique américaine. Obama s'inscrit
dans la continuité de la politique menée
par ses prédécesseurs dans le conflit
israélo-plestinien en continuant
d'apporter un soutien quasi total à
Israël. Chomsky souligne qu'Obama
utilise le style bien rôdé de la «page
blanche» («blank slate»), qui consiste à
«ne pas dire grand-chose sur le fond,
mais en le faisant d'une manière si
séduisante qu'elle permet à ceux qui
l'écoutent de lire sur la page ce qu'ils
veulent entendre». Sur le plan intérieur
américain, le discours, dans lequel
Obama mentionne et cite Le Coran à
plusieurs reprises, légitimise les
références à la religion musulmane dans
le discours politique américain.»(3)
Les défis
qui attendent Obama
Justement, la dette et la question des
déficits constituent la toute première
urgence du président américain. Le
plafond de la dette américaine est fixé,
depuis son dernier réhaussement d'août,
à 16 394 milliards de dollars - depuis
1960, le Congrès a autorisé 78
relèvements du plafond de la dette, 49
fois sous présidence républicaine et 29
sous les démocrates. Rappelons que la
dette publique des États-Unis est le
produit de l'accumulation des besoins de
financement passés des administrations
publiques. La dette augmente donc à
chaque fois qu'une dépense publique
(investissement ou fonctionnement) est
financée par l'emprunt plutôt que par
l'impôt. Le 5 août 2011, l'agence de
notation financière Standard & Poor's
abaissait la note attribuée à la dette
publique à long terme des États-Unis de
«AAA», la note maximale, au niveau
immédiatement inférieur («AA+»), ce qui
n'était jamais arrivé auparavant à ce
pays. Chaque jour, la dette américaine
se creuse d'environ 3 milliards de
dollars. Soit 125 millions de dollars
par heure, 2 millions par minute ou
encore 30 000 dollars par seconde. Le 31
décembre dernier, Barack Obama a
littéralement arraché à la dernière
minute un accord a minima à ses
adversaires républicains, pour éviter le
fameux mur budgétaire. Il a obtenu une
augmentation des impôts pour les revenus
les plus élevés.
De nouvelles étapes décisives attendent
le président dans les prochaines
semaines: fin février, le plafond de la
dette publique doit être relevé, faute
de quoi, les Etats-Unis seront en
faillite. Cette douloureuse bataille
stratégique sur l'économie pourrait
occuper une bonne partie du début du
second mandat de Barack Obama, et ne pas
laisser beaucoup de temps au président
pour s'engager sur d'autres terrains
législatifs. (4)
L'ambition de contrôler d'une manière
plus efficace les armes à feu est
clairement affichée par Barack Obama. Le
vote des parlementaires est là encore
loin d'être acquis. La majorité
républicaine de la Chambre des
représentants se montre particulièrement
récalcitrante concernant l'interdiction
des armes d'assaut. Le président
américain ne doit pas non plus oublier
ses promesses de campagne de 2008, à
savoir celles qui n'ont pas été tenues
lors du premier mandat. La plus
importante d'entre elles est la réforme
du système de l'immigration. Derrière
les projets de loi que souhaite voir
aboutir le président, se déroule un
débat idéologique qui oppose démocrates
et républicains. (4)
Dans un discours solennel de 20 minutes
au Capitole, Obama a cité la déclaration
d'indépendance des Etats-Unis, dont il
est le 44e dirigeant, pour appeler à
«poursuivre ce que (les) pionniers»
ayant fondé le pays avaient entamé.
«Notre voyage ne sera pas terminé tant
que nos femmes, nos mères et nos filles
ne pourront gagner leur vie comme le
méritent leurs efforts. Notre voyage ne
sera pas terminé tant que nos frères et
soeurs homosexuels ne seront pas traités
comme tout le monde par la loi», a lancé
Obama. «Notre voyage ne sera pas terminé
tant que nous n'aurons pas trouvé une
meilleure façon d'accueillir les
immigrés pleins d'espoir qui voient les
Etats-Unis comme le pays du possible
(...) Notre voyage ne sera pas terminé
tant que tous nos enfants (...) sauront
qu'ils sont protégés du mal.» (5)
Le président Barack Obama s'est engagé à
ce que les Etats-Unis maintiennent des
alliances fortes partout dans le monde
et renforcent les alliances qui leur
permettent de mieux faire face aux
crises à l'étranger. «Personne n'a plus
intérêt à un monde en paix que le pays
le plus puissant», a plaidé Obama, qui a
promis de «soutenir la démocratie de
l'Asie à l'Afrique, des Amériques au
Moyen-Orient.» ´´Nous ferons preuve de
courage pour résoudre nos différends
avec d'autres pays pacifiquement (...)
L'Amérique va rester la pierre angulaire
d'alliances fortes aux quatre coins du
globe. Nous allons soutenir la
démocratie de l'Asie à l'Afrique, des
Amériques au Moyen-Orient´´. ´´Nous, le
peuple, pensons toujours que chaque
citoyen mérite une part élémentaire de
sécurité et de dignité. Nous devons
faire des choix difficiles pour réduire
le coût de la santé et la taille de
notre déficit´´. ´´Une décennie de
guerre se termine. La relance économique
a commencé».
S'agissant de l'énergie, tout le monde a
en tête les dégâts des gaz de schiste
aux Etats-Unis. Barack Obama a surtout
parlé du réchauffement climatique: «Nous
réagirons face à la menace du changement
climatique, en gardant à l'esprit que ne
pas le faire constituerait une trahison
pour nos enfants et les générations
futures», a-t-il déclaré. «Certains
refusent peut-être encore d'admettre le
verdict écrasant de la science, mais
personne ne peut échapper à l'impact
dévastateur des feux incontrôlables, des
sècheresses redoutables, des tempêtes
plus violentes», a-t-il ajouté. Selon
lui, «l'Amérique ne peut pas aller à
l'encontre de la transition» vers des
énergies propres, «elle doit en être la
locomotive», afin de profiter des
emplois que les technologies vertes
créeront (...) Dans le même temps,
l'exploitation massive des gaz de
schiste et des pétroles
non-conventionnels a permis aux
industriels américains de bénéficier
d'une énergie très bon marché. Une
tendance qui a favorisé la
réindustrialisation du pays, face à la
stagnation du chômage autour de 8% de la
population active jusqu'à aujourd'hui.»
(6)
La
politique extérieure américaine
Le second mandat présidentiel est
traditionnellement celui au cours duquel
les chefs d'Etat américains ont le plus
de latitude sur la scène internationale.
Au cours de son premier mandat, Barack
Obama a cherché le compromis. Au cours
de son second mandat, le président
pourrait renoncer à l'art du compromis
et tenter de s'imposer, de se montrer
plus ferme face à une opposition qui ne
lui a pas fait de cadeau. Le retrait des
troupes américaines d'Afghanistan est
engagé. Les printemps arabes
n'intéressent pas les Etats-Unis, le
pétrole libyen coule à flots malgré le
chaos, les Frères musulmans en Egypte
ont été normalisés et la Tunisie végète.
Reste la Syrie qui doit tomber pour
affaiblir l'Iran la prochaine cible.
Obama avait pourtant promis de
dénucléariser le Moyen-Orient. Barack
Obama est désormais attendu sur la
question israélo-palestinienne, sur
laquelle il a toujours reculé face à
Netanyahu. Avec sa réélection, Obama
aura fort à faire à moins qu'il décide
de finir en beauté son deuxième mandat
en rendant justice à un peuple qui
attend depuis un siècle qu'on lui rende
justice.
1. Antoine
Bourguilleau http://www.slate.fr/
monde/64611/obama-discours-victoire
2.
http://www.challenges.fr/economie/20130122.CHA5387/nouriel-roubini-ne-voit-plus-totalement-l-avenir-en-noir.html#xtor=EPR-7-[Quot18h]-20130122
3. Discours d'Obama: Encyclopédie
Wikipédia
4. Stefanie Schüler Les grands défis
d'Obama pour son second mandat RFI l 21
janvier 2013
5. http://www.lesoir.be/168539/article/
actualite/monde/2013-01-21/etats-unis-saluent-en-masse-l-investiture-d-obama
6. Karl de Meyer
http://www.lesechos.fr/economie-politique/monde/actu/0202515319333
barack-obama-a-prete-serment-pour-un-second-mandat-530599.php
Professeur Chems Eddine Chitour
Ecole Polytechnique enp-edu.dz
Publié le 24 janvier 2013 avec l'aimable
autorisation de l'auteur
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